HCSP : tétines stériles pour l’alimentation des nouveau-nés
18 décembre 2011
Avis du Haut Conseil de la santé publique relatif à la définition des indications de recours indispensable aux biberons et tétines stériles pour l’alimentation des nouveau-nés et des nourrissons hospitalisés (02.12.11)
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a été saisi par la direction générale de la santé le 22 novembre 2011 dans le cadre de la médiatisation relative à l’utilisation de biberons et de tétines stérilisés à l’oxyde d’éthylène, pour définir les indications formelles de recours indispensable à de tels dispositifs stériles pour l’alimentation des nouveau-nés et des nourrissons hospitalisés.
Les recommandations présentées dans cet avis ont été élaborées par un groupe de travail spécifique réunissant des experts du HCSP (commissions spécialisées Sécurité des patients et Maladies transmissibles), des experts pédiatres, des néonatologistes, responsables de lactariums et/ou de biberonneries, des hygiénistes et des spécialistes de stérilisation. Des contacts ont également été pris avec plusieurs pédiatres et hygiénistes en charge de cette situation dans leurs établissements de santé. Le coordonnateur du groupe de travail réuni sous l’autorité de l’Afssa en 2005, ayant produit la recommandation de « biberons stériles pour les enfants immunodéprimés » a également été auditionné par le pilote de ce groupe de travail.
Le HCSP rappelle les conditions d’alimentation des nouveau-nés et des nourrissons hospitalisés :
Si l’alimentation des nouveau-nés et des nourrissons en communauté ou crèches de ville repose sur des pratiques qui ont fait l’objet de recommandations, il n’en est pas complètement de même en cas d’hospitalisation. Pour les nouveau-nés bien portants ne recevant pas de lait maternel (directement au sein ou via le lactarium), des nourettes sont utilisées en routine ; ces dispositifs stérilisés sans oxyde d’éthylène n’entrent pas dans le cadre de cet avis.
Les produits d’alimentation utilisés ne sont pas stériles au sens strict du terme (probabilité théorique qu’un micro-organisme viable soit présent inférieure ou égale à 10-6). Le lait maternel est soit utilisé cru, soit traité par un lactarium et alors contrôlé sur le plan microbiologique avant et après pasteurisation. Les préparations pour nourrisson et les préparations de suite sont reconstituées à partir de poudre non stérile et d’eau minérale naturelle ou d’eau de source non stérile, mais répondant aux critères de qualité de l’avis de l’Afssa de 2003. Il existe également des formes liquides de ces préparations qui sont versées secondairement dans des biberons pour leur administration.
Les grands prématurés, mais aussi parfois les nourrissons hospitalisés, sont alimentés avec des dispositifs spécifiques : sonde oro ou nasogastrique et seringue à usage unique pour l’administration de lait maternel ou de préparations pour enfants de faible poids de naissance, préparées et conditionnées avant administration en biberons à usage unique. L’ensemble de ces matériels (sondes, seringues, …) à usage unique et stériles utilisés au lactarium, en biberonnerie ou dans les services sont stérilisés à l’oxyde d’éthylène. Ce traitement conduit à une sécurité microbiologique élevée de ces produits. Des normes précisent les conditions de réalisation et de validation de cette technique ainsi que les taux résiduels maximum admissibles d’oxyde d’éthylène après désorption. L’instruction ministérielle du 25 novembre 2011 demande de substituer les biberons et tétines traités par l’oxyde d’éthylène dans l’attente de l’avis du HCSP.
Le HCSP rappelle également que le statut des biberons, tétines et matériels pour l’alimentation des nourrissons et nouveau-nés répond à une classification différente des autres dispositifs médicaux. C’est dans ce cadre que la réglementation des matériaux et objets au contact des denrées alimentaires et celle des produits biocides s’appliquent.
Les stratégies de recours à des biberons et des tétines à usage unique sécurisés sur le plan infectieux peuvent dépendre des résultats des évaluations de risque menées par l’Anses sur le procédé de stérilisation à l’oxyde d’éthylène.
Il est important de rappeler que l’évolution de l’utilisation des biberons à usage multiple, avec des tétines en caoutchouc, le tout stérilisé en autoclave, vers l’utilisation de biberons et tétines à usage unique s’est faite pour maîtriser des contaminations et transmissions de micro-organismes ; cette source de transmission est aussi documentée. Un retour vers ces pratiques n’est pas envisageable.
Enfin, le HCSP remarque que les établissements de santé vivent actuellement une situation de grande incertitude ; s’ils ne peuvent utiliser les biberons actuellement en stock, stérilisés à l’oxyde d’éthylène, un risque de pénurie de biberons est très probable à court terme compte-tenu de la faible offre de solutions alternatives proposées par les industriels. Le retour mal maîtrisé vers des solutions de réutilisation de biberons et tétines, alors à usage multiple, après un traitement désinfectant ou une stérilisation par autoclavage, dans ce contexte précipité, est de nature à faire courir un risque d’erreurs de processus et/ou de manipulation susceptible de conduire à la transmission de micro-organismes pathogènes. Ce risque est d’autant plus important en période d’épidémies automno-hivernales.
Dans ce contexte, le HCSP n’a identifié aucune situation clinique pour laquelle le recours à un biberon et à une tétine stériles est indispensable, avec la définition exacte de la stérilité : probabilité théorique qu’un micro-organisme viable soit présent inférieure ou égale à 10-6. Cette recommandation s’applique à tous les enfants hospitalisés, aux nouveau-nés grands prématurés comme aux nourrissons immunodéprimés, y compris ceux atteints de déficit immunitaire combiné sévère (DICS), placés en enceinte dite stérile de type « bulle ».
Cependant, le HCSP recommande de :
recourir à des biberons et tétines présentant les caractéristiques de sécurité face au risque infectieux définies ci-dessous et à usage unique, quelle que soit la stratégie proposée pour atteindre cette qualité. En effet, le recours à des biberons et des tétines réutilisables après traitement n’est pas recommandé, sauf si cette pratique est déjà bien établie, organisée, maîtrisée et évaluée.
demander aux industriels proposant des biberons et tétines ayant bénéficié d’un traitement destiné à les sécuriser sur le plan infectieux, d’apporter la preuve de l’absence de micro-organismes potentiellement pathogènes (Bacillus cereus, anaérobies sporulés, entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus) et de la maîtrise de la flore totale (par dénombrement des germes aérobies totaux et dénombrement des moisissures/levures totales), et de garantir l’innocuité de tels matériels en cohérence avec la réglementation des matériaux au contact des aliments.
Source : http://www.hcsp.fr/docspdf/avisrapports/hcspa20111202_biberons.pdf