Soin transculturel, science infirmière et anthropologie

7 février 2011

Soin trans­cultu­rel, un impé­ra­tif pour l’Infirmière du 21ème siècle
Ou quand la science infir­mière ren­contre l’anthro­po­lo­gie

Article de Marie Abemyil, IDE / SF, M. Sc. N ursing

Concepts clés : soin trans­cultu­rel, dia­lo­gue, accom­pa­gne­ment, l’autre

I- Introduction

Décrit depuis les années 70 par l’Infirmière anthro­po­lo­gue amé­ri­caine Madeleine Leininger et déjà adopté sous d’autres cieux, le « soin trans­cultu­rel » est un para­digme encore peu ou mal connu, j’allais dire nou­veau au Cameroun.

Mais de quoi s’agit-il, par­lant de ce para­digme ici : quelle en est l’ins­pi­ra­tion ? Quel est son sens et son impor­tance pour la Profession infir­mière ?

En 2006, Walter Hesbeen, Infirmier et cher­cheur, a dans sa confé­rence pen­dant le Congrès Mondial des Infirmières et Infirmiers de l’Espace Francophone (SIDIIEF), insisté sur l’impé­rieuse néces­sité d’inté­grer le dia­lo­gue au cœur du soin. En la même cir­cons­tance le méde­cin fran­çais Martin Winckler, pose ce préa­la­ble au sujet du soin, à savoir :
« Le soin n’est pas, n’est jamais et ne peut pas être une rela­tion de pou­voir ; étant donné qu’il s’adresse à celui qui souf­fre. Ce n’est ni une récom­pense que l’on accorde, ni une puni­tion que l’on inflige. Il ne peut être ni refusé, ni imposé. Pour pren­dre toute sa valeur, un soin doit être pro­posé sans réserve et accepté libre­ment ».

En effet, toute ten­ta­tive de pou­voir dans l’acte du soin est contraire à l’éthique et exclu­sive parce qu’il devient une source de domi­na­tion et de subor­di­na­tion qui conduit à des tra­vers tels que l’alié­na­tion, la mar­gi­na­li­sa­tion, l’oppres­sion et la stig­ma­ti­sa­tion. Certaines mater­ni­tés du Cameroun qui sont des lieux de tor­ture pour les par­tu­rien­tes sont une belle illus­tra­tion d’une rela­tion de pou­voir dans le soin au cours de laquelle les femmes sont lit­té­ra­le­ment mal­trai­tées, voire cho­si­fiées en allant donner et per­pé­trer la vie.

La décla­ra­tion de Canalès (2002) selon laquelle, le moi ne se défi­nis­sait que par rap­port à l’autre, établit l’impor­tance du soin trans­cultu­rel. Faisant sienne cette logi­que, toute soi­gnante gagne­rait à voir le monde à partir de la pers­pec­tive de l’autre, à com­pren­dre le sens du monde de l’autre. La rela­tion de soin qui devient alors inclu­sive, trans­forme et bâtit des coa­li­tions, car perçue sous l’angle du par­tage ; avec pour corol­lai­res les prin­ci­pes de la démar­che dia­lo­gi­que que sont : le sens de la com­mu­nauté, le par­tage du pou­voir, l’accep­ta­tion et le res­pect de l’autre dans sa sin­gu­la­rité, son uni­cité et sa spé­ci­fi­cité indi­vi­duelle et cultu­relle pour l’huma­ni­sa­tion du soin.

Cette appro­che trans­cultu­relle permet de cerner le méta para­digme « per­sonne » vu par la pro­fes­sion infir­mière comme un tout indis­so­cia­ble com­pre­nant des dimen­sions bio­lo­gi­ques, psy­cho­lo­gi­que, socia­les cultu­rel­les et spi­ri­tuel­les devient un impé­ra­tif pour l’Infirmière du 21ème siècle. Et la phi­lo­so­phie de Madeleine Leininger selon laquelle « tout soin inter­vient dans un contexte cultu­rel » ainsi que son sou­hait de voir « toute Infirmière deve­nir trans­cultu­relle d’ici à l’an 2015 » trouve ici toute sa raison d’être. En effet, abordé sous cet angle, la rela­tion de soin éviterait des situa­tions de stress, de conflits cultu­rels, de non adhé­sion, ainsi que des préoc­cu­pa­tions éthiques et mora­les. Le soin serait alors plus spé­ci­fi­que, thé­ra­peu­ti­que, sécu­ri­taire, en un mot, holis­ti­que.

Dans le cadre de ce tra­vail, nous par­ta­ge­rons tour à tour les aspects du soin vu sous l’angle de la Culture, puis de la Science Infirmière, ensuite, nous dérou­le­rons l’impli­ca­tion du soin trans­cultu­rel sur la pro­fes­sion infir­mière.

II - Le soin vu sous l’angle de la culture

« La culture est plus que l’eth­ni­cité ou l’appar­te­nance à un groupe spé­ci­fi­que. Il s’agit d’un ensem­ble de valeurs, de croyan­ces de modè­les de pen­sées, d’actions et d’arté­facts qui dit aux mem­bres dudit groupe qui ils sont et com­ment ils sont sensé faire des choses ». Norwood (2003)

Ces modè­les reflè­tent des pos­tu­lats de base que la com­mu­nauté déve­loppe au fil du temps et dépeint com­ment elle a appris à inte­ra­gir avec son envi­ron­ne­ment. La culture d’une com­mu­nauté repré­sente ainsi la sagesse accu­mu­lée au fil des ans et sert plu­sieurs buts, entre autres :
- le contrôle des com­por­te­ments en man­da­tant, per­met­tant ou inter­di­sant cer­tains com­por­te­ments
- l’inté­gra­tion : les mem­bres de la com­mu­nauté nour­ris­sent un sens de l’iden­tité qui impli­que une adhé­sion sans faille aux buts et déci­sions de la com­mu­nauté

C’est aussi un cadre concep­tuel, un cane­vas qui aide ses mem­bres à inter­pré­ter uni­for­mé­ment les situa­tions qu’ils ren­contrent, tel que le décla­rait Norwood (2003) :
« La plu­part de cultu­res opè­rent ainsi de manière incons­ciente, et admet­tent comme auto­ri­sées les valeurs par­ta­gées par la com­mu­nauté et ses mem­bres. L’obser­va­teur avisé d’une culture décou­vrira l’exis­tence d’arté­facts sym­bo­li­ques, indi­ca­teurs tan­gi­bles et visi­bles de la culture d’une orga­ni­sa­tion, pour avoir des indi­ces sur les croyan­ces, les valeurs, et les pos­tu­lats d’une com­mu­nauté. Ces arté­facts cultu­rels peu­vent être maté­riels, ver­baux, ou com­por­te­men­taux ».

S’agis­sant des arté­facts maté­riels, il est à rele­ver que ce sont des indi­ca­teurs phy­si­ques d’une culture tels que les logos, les sceaux ; à l’instar de la croix sur les logos de plu­sieurs orga­ni­sa­tions de la santé asso­ciées à des moti­va­tions béné­vo­les, altruis­tes cha­ri­ta­bles. Mais aussi l’habille­ment, l’appa­rence. Hugues (1990).

Quant aux arté­facts ver­baux, il est ques­tion d’obser­ver les maté­riels écrits que la com­mu­nauté met à la dis­po­si­tion du public, ainsi que les mythes et les légen­des, qui sont des anec­do­tes que la com­mu­nauté a déve­lop­pées au sujet de son his­toire et de ses mem­bres et qui aident à établir, main­te­nir ou expli­quer cer­tains com­por­te­ments et arté­facts maté­riels au sein de la com­mu­nauté. A titre d’’exem­ple, nous par­le­rons du mythe de l’« évu » chez le Béti du Cameroun, mis en action à tra­vers la sor­cel­le­rie qui :
« Dans le cadre de la par­ti­ci­pa­tion de l’homme à l’extra­or­di­naire et à l’ordi­naire se saisit comme force ou pou­voir de réveiller la puis­sance « d’être plus » et de « faire plus » qui sont en l’homme,… l’irrup­tion événementielle de l’extra­or­di­naire dans l’ordi­naire qui est le domaine du perçu, du vu, du pensé ». Beyeme Mbida (2006).

Ces mythes confè­rent également une cer­taine légi­ti­mité à des com­por­te­ments, entre­tien­nent la contra­dic­tion, com­mu­ni­quent des sou­haits et des conflits incons­cients et enra­ci­nent l’orga­ni­sa­tion dans son passé. La réa­lité selon laquelle tout soin inter­vient dans un contexte cultu­rel, fait néces­sai­re­ment d’arté­facts sym­bo­li­ques pro­pres à chaque com­mu­nauté permet de dire que tout soin qui occulte­rait cette dimen­sion d’un « dasein » unique et sin­gu­lier, serait, le moins que l’on puisse dire, incom­plet.

Dans même logi­que, « le modèle de la com­pé­tence cultu­relle de Purnell (2000) énonce cer­tains pos­tu­lats qui établissent la rela­tion entre la culture et le soin, entre autres : Toutes les pro­fes­sions de la santé ont besoin des infor­ma­tions sur la diver­sité cultu­relle des com­mu­nau­tés pour pro­cu­rer des soins sen­si­bles à la culture et pro­di­gués avec com­pé­tence. Parce que la culture a une forte influence sur l’inter­pré­ta­tion et dans les répon­ses de chacun vis-à-vis des acti­vi­tés de soin et que chaque indi­vidu a le droit d’être res­pecté dans son uni­cité et son héri­tage cultu­rel.

Ainsi, les pour­voyeurs de soins qui peu­vent évaluer, pla­ni­fier, et inter­ve­nir dans une logi­que cultu­relle amé­lio­rent la qua­lité de leur soin et peu­vent mini­mi­ser les pré­ju­di­ces et les biais dans leurs rela­tions de soin. En défi­ni­tive, pour être effec­tif, le soin doit reflé­ter la com­pré­hen­sion unique des valeurs, croyan­ces, atti­tu­des, styles de vie et la vision glo­bale des modè­les d’accultu­ra­tion des indi­vi­dus, ce qui sup­pose que les per­son­nes soi­gnées sont copar­ti­ci­pan­tes à leurs acti­vi­tés de soin et ont le choix dans les inter­ven­tions y rela­ti­ves.

III- Le soin vu sous l’angle de la Profession infir­mière

Autant que l’anthro­po­lo­gie, le Nursing s’inté­resse à l’être humain et aux fac­teurs de stress dans l’adap­ta­bi­lité aux forces de l’envi­ron­ne­ment (mala­die, deuil, chan­ge­ment de tem­pé­ra­ture, muta­tions socio­po­li­ti­ques et tech­no­lo­gi­ques).

La science infir­mière confère au para­digme « per­sonne » la pluri dimen­sion bio­lo­gi­que, psy­cho­lo­gi­que, sociale, cultu­relle et spi­ri­tuelle. Dans une logi­que sys­té­mi­que, ce « dasein » ainsi consi­déré comme un tout indis­so­cia­ble est en droit de s’atten­dre à béné­fi­cier d’un soin qui tienne compte de tous ces aspects en inte­rac­tions simul­ta­née. Cela se pré­sente de sorte que tout chan­ge­ment sur­ve­nant dans un des éléments affecte indu­bi­ta­ble­ment tous les autres éléments ainsi que l’ensem­ble du sys­tème Infirmière - per­sonne soi­gnée - famille - com­mu­nauté.

Parce que le soin met en face deux iden­ti­tés libres, la soi­gnante et le soigné, il devient impor­tant de com­pren­dre que la ques­tion de liberté est cen­trale dans l’acte du soin. Ainsi, ce qui se passe dans cette rela­tion se passe dans les deux sens, hori­zon­ta­le­ment et non ver­ti­ca­le­ment.
Dans une telle appro­che, il n’est pas dif­fi­cile de com­pren­dre que soi­gner c’est par­ta­ger.

Il s’agit bien d’une inte­rac­tion qui a pour point de départ :
« La ren­contre entre deux enti­tés humai­nes spé­ci­fi­ques ayant cha­cune un passé, une his­toire cons­ti­tuée d’expé­rien­ces, de doutes, de peurs, et de culpa­bi­li­tés. Une inter­re­la­tion au cours de laquelle per­sonne soi­gnée et soi­gnante che­mi­nent ensem­ble, inte­ra­gis­sant selon une appro­che dia­lo­gi­que. Démarche qui, lorsqu’elle est guidée par le res­pect de l’auto­no­mie, de l’uni­cité et de la spé­ci­fi­cité de l’autre, abou­tit à une sym­biose entre ces deux prin­ci­paux acteurs de la chaîne de soins. Elle conduit à des résul­tats posi­tifs, tels que : une confiance accrue en l’Infirmière et les milieux de soins, sou­vent la gué­ri­son mais tou­jours l’édification, « l’empo­wer­ment » de la per­sonne soi­gnée et ses pro­ches, aussi bien que l’amé­lio­ra­tion des rela­tions réci­pro­ques, et la satis­fac­tion pro­fes­sion­nelle de L’Infirmière. En un mot à un soin de qua­lité ». Abemyil (2008)

IV- Implication du para­digme « soin trans­cultu­rel » pour la Profession infir­mière

Au regard de ce qui pré­cède, il appa­raît impor­tant que l’Infirmière apprenne à lire la culture d’une com­mu­nauté, à en glaner des infor­ma­tions, des pistes et des indi­ca­teurs qui la lui feraient mieux connaî­tre. Elle pourra ainsi tirer des conclu­sions sur la signi­fi­ca­tion cultu­relle de ces pistes et leur pro­ba­ble impli­ca­tion dans sa rela­tion de soin. Ce qui permet d’éviter les sté­réo­ty­pes et la géné­ra­li­sa­tion des carac­té­ris­ti­ques super­sti­tiels.

Une telle Infirmière, est plus à même de com­pren­dre les aspects cachés et com­plexes de la vie d’une com­mu­nauté ses patho­lo­gies également. Elle est par consé­quent moins embar­ras­sée, irri­tée et anxieuse, lorsqu’elle ren­contre un com­por­te­ment appa­rem­ment irra­tion­nel non fami­lier a sa pro­fes­sion. Shew (1992), par Norwood

Cette connais­sance de la com­mu­nauté pro­cure à l’Infirmière des infor­ma­tions et sur ce qui est permis en matière de soins à pro­di­guer a ses mem­bres. Etant donné que les croyan­ces des com­mu­nau­tés au sujet de la lati­tude à deman­der de l’aide pour résou­dre des pro­blè­mes affec­tent autant le moment du conti­nuum Santé mala­die où la soi­gnante est consul­tée - stade pré­ven­tif ou de res­tau­ra­tion de la santé - que le mode d’inter­ven­tion infir­mière accep­ta­ble par les deman­deurs du soin.

Ainsi, cette appro­che inte­rac­tive requiert une ouver­ture à la culture et à la connais­sance de la res­pon­sa­bi­lité indi­vi­duelle dans la réso­lu­tion des pro­blè­mes de santé. Ce qui rend l’infir­mière capa­ble d’arri­mer ses inter­ven­tions et recom­man­da­tions à la mesure des normes et des valeurs
des deman­deurs de soin.

Par exem­ple, si la vie privée est la valeur, une col­lecte de d’infor­ma­tions et la com­mu­ni­ca­tion de résul­tats d’une évaluation seraient mal accep­tés s’ils étaient pré­sen­tés publi­que­ment. De même, si l’auto­suf­fi­sance est prio­ri­taire, une réso­lu­tion de pro­blème qui dépen­drait des
fon­de­ments ou de res­sour­ces exter­nes pour­raient être mal venues.

Au final, la sen­si­bi­lité à, et la connais­sance de la culture des deman­deurs de soin est une preuve d’un sens élevé du « caring » de la part de l’infir­mière qui somme toute, est une hôte sur le lieu de réso­lu­tion des pro­blè­mes de sa du milieu qui l’accueille. Une telle démar­che peut atté­nuer l’inconfort et le sen­ti­ment de méfiance sou­vent liés au statut d’étranger.

Elle faci­lite en outre la col­lecte d’infor­ma­tions sou­hai­tées, l’établissement de rap­ports de confiance, la cré­di­bi­lité et la mise en œuvre d’un plan d’action accep­ta­ble par les deux par­te­nai­res du soin.

L’infir­mière came­rou­naise est appe­lée à inte­ra­gir avec des indi­vi­dus pro­ve­nant de deux cent quatre-vingt ori­gi­nes eth­ni­ques dif­fé­ren­tes. Dans le souci d’offrir aux popu­la­tions un soin de qua­lité, elle est inter­pel­lée tout comme ses autres col­lè­gues du Continent, car en Afrique, la mala­die est consi­dé­rée comme un phé­no­mène social. Les peu­ples afri­cains per­çoi­vent
tou­jours un lien entre la culture et la mala­die.

En effet, chez l’afri­cain, la mala­die ne s’exprime pas tou­jours en terme de micro­bes ou de virus, mais sup­pose l’inter­ven­tion de forces sur­na­tu­rel­les, telles que le « Mangal » au Tchad, le« Mangu » au Soudan et au Congo Démocratique, la « Zar » en Ethiopie et « l’évu » chez le Béti du Sud Cameroun. Beyeme Mbida (2006).

Pendant que la méde­cine occi­den­tale fonde son trai­te­ment sur la connais­sance des micro­bes, l’Africain pour sa part comme l’infir­mière cher­che la cause pre­mière (le pour­quoi), sou­vent sociale, qui a rendu anor­male la situa­tion per­son­nelle ou sociale. De sorte que, lorsqu’il est atteint dans sa santé, il s’accro­che tou­jours à ses croyan­ces pro­fon­des aux­quel­les s’ajoute ce qu’il croit savoir de son mal, de ses causes et des remè­des à uti­li­ser. Parce que le corps repré­sente chez lui la per­sonne dans toute son entiè­reté, le soi­gnant tra­di­tion­nel ne sépare pas le soin du corps phy­si­que de ceux de l’esprit d’une part et du corps social d’autre part. En cela, la pra­ti­que du soin en Afrique rejoint la phi­lo­so­phe infir­mière.

En effet, comme l’infir­mière, le soi­gnant afri­cain pense qu’une mala­die peut pro­ve­nir d’un mau­vais fonc­tion­ne­ment d’un organe, d’un microbe ou d’un virus. Mais qu’elle peut aussi signi­fier que l’on s’est rendu cou­pa­ble ou a été vic­time d’un acte anti­so­cial. Nous pren­drons pour cela deux exem­ples dans la tra­di­tion Béti à savoir :
- Le « Tso’o » qui relie les signes tels que l’émission des selles san­gui­no­len­tes, les bal­lon­ne­ments de l’abdo­men, les pertes de dents et de che­veux a un crime contre un proche. Signes qui seraient décrits par la méde­cine conven­tion­nelle comme crise hémor­roï­daire, d’ami­bia­ses et autres avi­ta­mi­no­ses.
- D’un autre point de vue, une per­sonne qui se ren­drait cou­pa­ble d’inceste s’expo­se­rait au « Ndziba » dont les mani­fes­ta­tions sont des irri­tions et des
éruptions sur ses par­ties géni­ta­les. Toutes choses que les soi­gnants de la méde­cine dite moderne attri­bue­raient aux infec­tions sexuel­le­ment trans­mis­si­bles.

Quant à l’acte de soin, il consiste chez l’afri­cain en la « cure » qui se fait au tra­vers de la pala­bre thé­ra­peu­ti­que qui obéit à cinq préa­la­bles qui nous ren­voient aux cinq dimen­sions de « la per­sonne » décri­tes par l’infir­mière, à savoir :
-  L’indi­vidu qui cher­cher la santé et doit défi­nir clai­re­ment com­ment il inter­prète sa mala­die et reconnaî­tre sa mau­vaise conduite per­son­nelle qui a pu y contri­buer (dimen­sions phy­si­que et psy­cho­lo­gi­que)
-  Les esprits des ancê­tres invo­qués au pro­ces­sus de gué­ri­son (dimen­sion spi­ri­tuelle)
-  Les mem­bres vivants du clan par­ti­ci­pent acti­ve­ment à ce pro­ces­sus (dimen­sion sociale),
-  Le gué­ris­seur et ses assis­tants qui faci­li­tent et diri­gent le pro­ces­sus de gué­ri­son (dimen­sion cultu­relle)
-  Le public qui sert de témoin (dimen­sion sociale). Ibid.

L’ana­lyse de ce scé­na­rio laisse entre­voir des simi­li­tu­des entre le « pren­dre soin » de l’infir­mière et la « cure » du Soignant afri­cain.
Toute ana­lyse faite, la pru­dence nous com­mande de cesser de jouer à la poli­ti­que de l’autru­che et de reconnai­tre qu’avec ou sans notre consen­te­ment, la culture de l’autre a une influence forte et indé­nia­ble sur nos acti­vi­tés et dans nos milieux de soins.

Dans ces moments d’intense inte­rac­tion et de par­tage, la sagesse conseille d’éviter de se com­por­ter en jus­ti­cier, d’avoir une atti­tude de supé­rio­rité face aux valeurs des autres, mais de tou­jours reconnai­tre avec Prunell (2002) qu’aucune culture n’est meilleure qu’une autre, elles sont tout sim­ple­ment dif­fé­ren­tes, et somme toute, nous sommes tout aussi humains qu’eux.

Pour notre part, nous sommes par­ti­cu­liè­re­ment heu­reu­ses d’avoir par­tagé l’expé­rience de cette dame, Ingénieur en infor­ma­ti­que qui nous deman­dait ins­tam­ment de la lais­ser souf­fler sur une bou­teille vide pour la déli­vrer de son pla­centa en réten­tion. Même si nous n’avons pas pu nous expli­quer la ratio­na­lité qui sous-ten­dait son geste, elle a pour sa part été réconfor­tée d’avoir reçu l’appro­ba­tion d’accom­plir cet acte dont elle était convain­cue de l’effet thé­ra­peu­ti­que, confirmé par sa déli­vrance.

Nous nous réjouis­sons d’avoir ren­contré sur notre par­cours de soi­gnante des dames qui n’ont pas hésité à nous avouer que la consom­ma­tion de miel faci­li­tait et accé­lé­rait leur tra­vail d’accou­che­ment. Cette fran­chise et cette sin­cé­rité nous com­man­daient la pru­dence dans la pres­crip­tion et la mani­pu­la­tion des ocy­to­ci­ques pour ne pas poten­tia­li­ser les effets uté­ro­to­ni­ques du miel et ris­quer une rup­ture uté­rine. Dans un tel contexte, le souci d’un pren­dre soin trans­cultu­rel est un atout pour éviter des consé­quen­ces des com­por­te­ments à risque des per­sonne soi­gnées qui pour­raient com­pro­met­tre la réus­site du soin.

V- Conclusion

Si l’inte­rac­tion et l’inter­ven­tion igno­rent, ou sont en conflit direct avec la culture des par­te­nai­res dans le soin, elles peu­vent plutôt créer ten­sion, résis­tance et frus­tra­tions pour qui­conque y est impli­qué ; résul­tat le pro­blème ayant conduit à la consul­ta­tion reste sans solu­tion.

Aucun soin ne pourra être reconnu holis­ti­que si le para­digme « per­sonne » n’était abordé dans son entière, c’est-à-dire, dans toutes ses dimen­sions. Un soin qui n’est pas holis­ti­que n’est pas soin. En d’autres termes, et rela­ti­ve­ment au contexte de notre tra­vail, un soin qui n’intè­gre
pas la dimen­sion cultu­relle de l’être n’est pas soi. Et par tran­si­ti­vité, une infir­mière qui n’est pas trans­cultu­relle n’est pas encore pro­fes­sion­nelle.

Référence biblio­gra­phi­ques :
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