Erreurs de médicaments : l’infirmière de Mérignac interdite d’exercice

14 août 2009

Une infir­mière bor­de­laise de 26 ans a été mise en examen et placée sous contrôle judi­ciaire pour "homi­cide invo­lon­taire" après avoir admi­nis­tré le 8 août 2009 une sur­dose de médi­ca­ments à un patient, décédé quel­ques heures plus tard.

Les faits se sont pro­duits dans un établissement de soins de Mérignac, dans la ban­lieue bor­de­laise, où la jeune femme avait été appe­lée en ren­fort pour quel­ques jours, a indi­qué à l’AFP Christian Lagarde, vice-pro­cu­reur à Bordeaux.

L’infir­mière, qui a trois ans d’expé­rience, a fait une erreur de mani­pu­la­tion au début de sa tour­née de dis­tri­bu­tion de médi­ca­ments. "Destiné à un patient de forte cor­pu­lence et conte­nant un triple dosage de neu­ro­lep­ti­ques, le verre sera donné par inad­ver­tance au malade d’à côté, un homme de 48 ans, très griè­ve­ment han­di­capé, plutôt frêle", selon le quo­ti­dien Sud Ouest qui révèle l’affaire dans son édition du 13 août 2009.

Il convient de sou­li­gner la cons­cience pro­fes­sion­nelle de l’infir­mière qui, s’étant aper­çue immé­dia­te­ment de son erreur, a alerté dans la foulée la res­pon­sa­ble de l’établissement. Un méde­cin est appelé en urgence, mais de manière sur­pre­nante celui-ci ne se déplace pas et demande à sim­ple­ment sur­veiller la ten­sion du malade. Un lavage d’esto­mac n’est même pas demandé. L’état de l’homme empire, il fait un arrêt cardio-res­pi­ra­toire et décède quel­ques heures plus tard.

L’infir­mière a été placée diman­che 9 août en garde à vue au com­mis­sa­riat de Bordeaux avant d’être mise en examen et placée sous contrôle judi­ciaire mardi 11 août. Elle fait également l’objet d’une inter­dic­tion d’exer­cer.

"Elle est aba­sour­die, car ce qui est arri­vée est un erreur humaine qui a eu des consé­quen­ces inat­ten­dues", a expli­qué à l’AFP son avocat bor­de­lais, Arnaud Dupin, qui entend faire appel de l’inter­dic­tion d’exer­cer, car une fois l’erreur com­mise "elle a fait le néces­saire avec les moyens qu’elle avait en sa pos­ses­sion avec le sérieux et la cons­cience qui la carac­té­ri­sent".

Dès qu’elle a réa­lisé son erreur, l’infir­mière a pré­venu la direc­tion et le méde­cin. La jus­tice va suivre son cours, et l’infir­mière devra rendre compte des consé­quen­ces de ses actes. Elle devra sur­tout vivre le reste de sa vie avec ce poids.

Dès lors nous ne com­pre­nons pas que notre col­lè­gue ait fait l’objet d’une garde à vue. A notre sens, une garde à vue est des­ti­née :
 à faire avouer un cou­pa­ble (or notre col­lè­gue a avoué dès qu’elle a réa­lisé son erreur dra­ma­ti­que)
 à empé­cher un bandit de faire dis­pa­raî­tre des pièces à convic­tion, à maquiller le lieu d’un crime, etc.
 à empé­cher un cri­mi­nel de ren­contrer ses com­pli­ces pour s’enten­dre sur une ver­sion trom­peuse des faits, à se forger un alibi, etc.

La garde à vue est en soi une pres­sion psy­cho­lo­gi­que : longue, incer­taine quant à sa durée, son issue et son dérou­le­ment. Ce stress d’une garde à vue est voulu et entre­tenu dans le but de dés­ta­bi­li­ser les sus­pects : en quoi de telles pra­ti­ques d’inti­mi­da­tions sont utiles à la jus­tice dans cette affaire ? Nous avions déja dénoncé de telles métho­des lors de l’affaire de Saint Vincent de Paul à Noël.

Avec les plans d’économies qui se suc­cè­dent dans les établissements, la dégra­da­tion des condi­tions de tra­vail est telle que l’effec­tif normal est pra­ti­que­ment sem­bla­ble à l’effec­tif mini­mum du week-end, les repos dûs s’accu­mu­lent, et lors des vacan­ces sco­lai­res nous attei­gnons le point de rup­ture.

Selon l’Observatoire des ris­ques médi­caux (ORM), en 2006, sur 735 dos­siers, les actes de soins ont été la pre­mière cause d’acci­dent (80 %) après les actes de diag­nos­tic (11 %).

Nous invi­tons donc les infir­miè­res sala­riées qui ne l’ont pas encore fait à pren­dre sans tarder une assu­rance "res­pon­sa­bi­lité civile pro­fes­sion­nelle" , et à rem­plir une fiche d’alerte lors de chaque situa­tion dif­fi­cile, pour pré­ve­nir par écrit l’admi­nis­tra­teur de garde, et les élus du CHSCT d’une situa­tion dan­ge­reuse.

Nous vous invi­tons également à nous indi­quer les pré­sen­ta­tions médi­ca­men­teu­ses sour­ces de confu­sion , afin de cons­ti­tuer une banque de don­nées sur des pré­sen­ta­tions et étiquettes de médi­ca­ments qui majo­rent le risque d’erreur.

La situa­tion est grave, il convient de réagir en pro­fes­sion­nels pour pré­ve­nir les ris­ques.

Plus d’infor­ma­tions :
 Détails sur le site de France 3 Aquitaine l’inter­view de l’avocat : lire l’arti­cle
 Erreurs de médi­ca­ments : règles à obser­ver
 Responsabilite juri­di­que de l’infir­mière
 Fiche HAS sur l’admi­nis­tra­tion des médi­ca­ments
 Les erreurs de medi­ca­tion,
 Comment l’erreur arrive : le point de rup­ture est atteint,
 Les patients paient le prix du manque de per­son­nel et des sur­char­ges de tra­vail,

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