Cadre de santé et identité infirmière

24 mai 2009

Pour l’ins­ti­tu­tion,l’iden­tité de pro­fes­sion est dénon­cée, et tra­duite par “cor­po­ra­tisme”, défense des inté­rêts égoïstes du groupe, immo­bi­lisme, tra­di­tio­na­lisme. Selon elle, la cris­pa­tion sur le statut pro­fes­sion­nel est un frein à la prise en compte des usa­gers, un obs­ta­cle au bon fonc­tion­ne­ment du sys­tème, une perte d’effi­ca­cité.

L’ins­ti­tu­tion pré­fère favo­ri­ser l’iden­tité à l’orga­ni­sa­tion (l’établissement pour les fonc­tion­nai­res ou sala­riées, le réseau ville-hôpi­tal pour les libé­ra­les), qui se réfère à un espace ter­ri­to­ria­lisé de coo­pé­ra­tion inter­pro­fes­sion­nelle, struc­turé par un projet (projet d’établissement) et des règles com­mu­nes (statut).

L’ins­ti­tu­tion insiste sur l’impor­tance des nou­vel­les com­pé­ten­ces pro­fes­sion­nel­les acqui­ses sur le lieu de tra­vail après la for­ma­tion, car elle veux favo­ri­ser une culture com­mune trans­cen­dant les cultu­res de métier et les cultu­res caté­go­riel­les. Sans parler de culture d’entre­prise comme dans le privé, l’impor­tance accor­dée aux “Journées de l’AP-HP” par exem­ple, est révé­la­trice de cet état d’esprit, puisqu’il s’agit d’un “moyen d’affir­mer notre pro­fes­sion­na­lisme” selon le Président du Comité d’Orientation

De même, la culture de l’évaluation, vue comme un ensem­ble de com­pé­ten­ces et d’habi­tu­des nou­vel­les requi­ses, pro­meut une tech­ni­que de ratio­na­li­sa­tion de l’action orga­ni­sée, indé­pen­dam­ment du débat public sur les objec­tifs de celle-ci, et indé­pen­dam­ment des spé­ci­fi­ci­tés pro­fes­sion­nel­les. Elle contri­bue ainsi à empê­cher la réflexion poli­ti­que sur la santé.

Elle amène un nouvel ordre nor­ma­tif de l’action publi­que, l’obli­ga­tion de résul­tats, par oppo­si­tion à la tra­di­tion­nelle obli­ga­tion de moyens de la méde­cine. La culture de l’évaluation est donc un des éléments cen­traux de la valo­ri­sa­tion de l’iden­tité d’entre­prise par rap­port à l’iden­tité de métier.

L’ins­ti­tu­tion s’atta­que également à l’iden­tité pro­fes­sion­nelle, par la cons­truc­tion d’un iden­tité de cadre trans­cen­dant les métiers, pour créer une culture com­mune des cadres. Alors qu’anté­rieu­re­ment, chaque pro­fes­sion dis­po­sait de sa propre filière cadre, la
créa­tion d’un unique “diplôme de cadre de santé” en 1995 est carac­té­ris­ti­que de cette évolution.

Certes, l’arti­cle pre­mier pré­cise que “ce diplôme porte men­tion de la pro­fes­sion de son titu­laire”, mais cette réfé­rence au passé ne masque pas le fait que les qua­rante-deux semai­nes de for­ma­tion sont entiè­re­ment com­mu­nes, que l’on soit infir­mière ou opti­cien-lune­tier. Ce qui va à l’encontre de l’attente du per­son­nel, qui demeure atta­ché à la “fonc­tion soin” du cadre, reje­tant le pur ges­tion­naire.

“Celle qui est reconnue comme chef, c’est d’abord celle dont on peut juger “sur le tas” qu’elle est une bonne infir­mière. C’est donc sur la base de cette reconnais­sance que se cons­truit la confiance, même si pour les cadres infir­miers la reconnais­sance de leur légi­ti­mité devrait se faire en réfé­rence à leur capa­cité à être juste et à tenir leurs pro­mes­ses, c’est-à-dire par rap­port à leurs capa­ci­tés de chef au sens propre.

Certaines cadres pen­sent pou­voir s’affran­chir de la reconnais­sance par la pra­ti­que, en choi­sis­sant d’aller tra­vailler dans une spé­cia­lité où elles n’ont pas été infir­miè­res. Elles infor­ment alors leurs subor­don­nés qu’elles n’ont pas d’expé­rience pra­ti­que dans la spé­cia­lité. Une cadre, ayant opté pour cette stra­té­gie, a raconté qu’elle a été testée sur sa capa­cité à piquer un malade dif­fi­cile, mais sur­tout qu’elle est deve­nue cré­di­ble lors­que les infir­miè­res de son équipe ont obtenu de ses ancien­nes col­lè­gues le ren­sei­gne­ment qu’elle avait été, dans son pré­cé­dent ser­vice, une bonne infir­mière.”

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