Caméra cachée dans un service de psychiatrie : l’Adesm désapprouve

10 juin 2010

L’Association des établissements participant au service public de la santé mentale (Adesm) a condamné l’utilisation d’une caméra cachée pour filmer l’activité du service de psychiatrie du centre hospitalier Robert Ballanger
d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).
France 2 a diffusé, le 18 mai 2010, dans le cadre du magazine "Les infiltrés", un reportage intitulé "hôpital psychiatrique : les abandonnés".

Depuis de nom­breux mois, la santé men­tale, et plus par­ti­cu­liè­re­ment la psy­chia­trie du ser­vice public, fait l’objet d’une atten­tion sou­te­nue de la part de l’ensem­ble des média, en lien avec un cer­tain nombre d’événements tra­gi­ques qui ont sou­levé une émotion légi­time parmi la popu­la­tion.

Soucieux de mieux expli­quer le contenu de leur tra­vail, afin de ren­for­cer les néces­sai­res rela­tions de confiance entre la société et les pro­fes­sion­nels de santé, aux­quels est confiée la prise en charge de la mala­die men­tale, les établissements de santé ont adopté une atti­tude d’ouver­ture, notam­ment en faci­li­tant la réa­li­sa­tion d’enquê­tes de la presse écrite ou de repor­ta­ges des média audio­vi­suels, dans les dif­fé­rents lieux de prise en charge.

Ces repor­ta­ges ont sou­vent été l’occa­sion, pour ces mêmes établissements, d’accen­tuer l’ana­lyse cri­ti­que qu’ils font en per­ma­nence de leurs pra­ti­ques et de leur orga­ni­sa­tion.

Dans ce contexte géné­ral, la chaîne de télé­vi­sion France 2 a dif­fusé, le 18 mai der­nier, dans le cadre du maga­zine « les infil­trés », une émission inti­tu­lée « hôpi­tal psy­chia­tri­que : les aban­don­nés ».
Cette émission com­por­tait un débat fai­sant suite à un docu­ment réa­lisé dans les locaux du Centre hos­pi­ta­lier d’Aulnay sous Bois, docu­ment qui pré­sen­tait la par­ti­cu­la­rité d’inclure des images issues d’une part, d’un tour­nage réa­lisé en plein accord avec la Direction et les pro­fes­sion­nels de l’établissement et d’autre part, des images tour­nées en caméra cachée.

Il faut sou­li­gner que le Directeur de l’établissement et le psy­chia­tre hos­pi­ta­lier pré­sents n’ont pris connais­sance qu’au moment du débat de la partie réa­li­sée en caméra cachée, et que d’autre part ces pro­fes­sion­nels avaient été conviés à un débat sur la psy­chia­trie publi­que en géné­ral, et non pas sur la situa­tion d’un établissement en par­ti­cu­lier.

L ’ADESM s’élève avec force contre ce type de pro­cédé qui bafoue à la fois le droit à l’infor­ma­tion du public et le droit des patients au res­pect de leur vie privée et au res­pect du secret pro­fes­sion­nel.
L’exer­cice du droit à l’infor­ma­tion doit per­met­tre au public, notam­ment sur des sujets aussi com­plexes que la prise en charge de la mala­die men­tale, de béné­fi­cier d’une infor­ma­tion pré­cise, docu­men­tée, et per­met­tant d’avoir une appro­che syn­thé­ti­que de l’acti­vité des pro­fes­sion­nels.

Que cons­tate-t-on en réa­lité dans ce repor­tage :
 une sub­jec­ti­vité de tous les ins­tants dans le titre de l’émission, dans la
pré­sen­ta­tion du thème, dans le com­men­taire en voix off du jour­na­liste et dans la conduite du débat par l’ani­ma­teur,
 une enquête repo­sant sur une usur­pa­tion de fonc­tion de per­son­nel soi­gnant,
 un repor­tage pré­senté sous forme d’un réqui­si­toire, au cours duquel aucun élément posi­tif n’appa­raît,
 des juge­ments à l’emporte-pièce, tirant des situa­tions concrè­tes des
conclu­sions injus­ti­fiées, géné­ra­li­sées de sur­croît pen­dant le débat à
l’ensem­ble des hôpi­taux psy­chia­tri­ques,
 une absence d’élaboration et de réflexion de la part du jour­na­liste, per­met­tant un mini­mum de recul par rap­port à ce qui est observé,
 le défaut de prise en compte de la dimen­sion chro­no­lo­gi­que du soin,
essen­tielle en psy­chia­trie,
 l’absence d’infor­ma­tions sur l’orga­ni­sa­tion de la prise en charge en santé
men­tale (en 1H45 d’émission, le terme de sec­teur n’a pas été pro­noncé une
seule fois).

Le résul­tat d’un tel docu­ment va à l’encontre de la mis­sion d’infor­ma­tion d’une chaîne de ser­vice public, en don­nant une image cari­ca­tu­rale du rôle des pro­fes­sion­nels de santé men­tale, aux­quels notre société a décidé de confier le rôle éminent de soi­gner la mala­die men­tale.

De sur­croît, les droits élémentaires de la per­sonne soi­gnée, tels que les lui reconnaît notre démo­cra­tie, ne sont pas res­pec­tés.
La Convention Européenne des Droits de l’Homme, dans son arti­cle 10, reconnaît la liberté d’expres­sion et donc de rece­voir des infor­ma­tions, mais elle indi­que aussi que l’exer­cice de cette liberté peut être soumis à cer­tai­nes condi­tions ou res­tric­tions qui « cons­ti­tuent les mesu­res néces­sai­res, dans une société démo­cra­ti­que, à la pro­tec­tion de la santé ».

Ces condi­tions et res­tric­tions, dans la légis­la­tion fran­çaise, résul­tent notam­ment du Code civil : « chacun à droit au res­pect de sa vie privée » (arti­cle 9).
La vie privée inclut au pre­mier chef, tout ce qui a trait à la pro­tec­tion de la santé de l’indi­vidu, dans l’inté­rêt duquel est orga­nisé le res­pect du secret pro­fes­sion­nel.
Le tour­nage en caméra cachée cons­ti­tue une vio­la­tion du droit au res­pect de la vie privée, une vio­la­tion du secret pro­fes­sion­nel et une atteinte grave aux rela­tions de confiance entre les patients et les per­son­nes qui leur sont pré­sen­tées comme étant des pro­fes­sion­nels de santé.

Quel patient désor­mais n’ima­gi­nera que la nou­velle « blouse blan­che », qui vient d’arri­ver dans le ser­vice, est en fait un jour­na­liste déguisé ?

L’ADESM s’asso­cie plei­ne­ment à la volonté du CH d’AULNAY, déjà mise en oeuvre et clai­re­ment réaf­fir­mée au cours du débat, d’amé­lio­rer le ser­vice rendu au patient, volonté par­ta­gée par l’ensem­ble des établissements du ser­vice public de santé men­tale.

Elle consi­dère également que seules des rela­tions avec les média repo­sant sur une appro­che objec­tive et sur le res­pect des patients et des pro­fes­sion­nels de santé peu­vent sou­te­nir effi­ca­ce­ment un ser­vice public de qua­lité.

Le CH d’Aulnay Sous Bois a demandé l’inter­ven­tion du CSA ; une sol­li­ci­ta­tion du Comité Consultatif National d’Ethique paraît également oppor­tune.

COMMUNIQUE DE PRESSE DE L’ASSOCIATION DES ETABLISSEMENTS
ASSURANT LE SERVICE PUBLIC DE SANTE MENTALE (ADESM)

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