Clause de conscience et libertés professionnelles de l’encadrant

15 janvier 2006

Le cadre a tou­jours été coincé entre le mar­teau et l’enclume. Mais avec les contrain­tes bud­gé­tai­res qui pèsent sur les hôpi­taux, il est de plus en plus confronté à des pro­blè­mes déon­to­lo­gi­ques, entre les moyens attri­bués par l’admi­nis­tra­tion, les atten­tes des per­son­nels, et les besoins de la popu­la­tion.

Pour lui per­met­tre d’assu­mer en cons­cience ses fonc­tions, nous sou­hai­tons que soit reconnu au cadre :

 un droit d’expres­sion : hors cas d’abus, il ne peut être repro­ché au cadre d’expri­mer son point de vue, y com­pris cri­ti­que, sur ses condi­tions de tra­vail et le fonc­tion­ne­ment de son ser­vice, pôle ou établissement.

 un droit d’ini­tia­tive et un droit à l’erreur : l’auto­no­mie conduit à la prise d’ini­tia­ti­ves néces­sai­res au fonc­tion­ne­ment du ser­vice. Le risque alors d’erreur d’appré­cia­tion est inhé­rent à cette situa­tion et ne doit pas être sys­té­ma­ti­que­ment et a priori assi­milé à une faute.

 un droit d’alerte, jusqu’à la clause de cons­cience : en pré­sence de consi­gnes don­nées à un cadre qui sem­blent porter gra­ve­ment atteinte à ses convic­tions, ou d’ina­dé­qua­tion impor­tante entre les moyens attri­bués et les mis­sions affi­chées, il faut reconnaî­tre au cadre un droit spé­ci­fi­que afin qu’il n’engage pas sa res­pon­sa­bi­lité pour insu­bor­di­na­tion, et qu’il ne se rende pas non plus com­plice d’un acte sus­cep­ti­ble d’enga­ger sa res­pon­sa­bi­lité civile ou pénale.

Dans cette hypo­thèse, on peut ima­gi­ner de cons­truire une sorte de « droit d’alerte » du cadre auprès de ses supé­rieurs hié­rar­chi­ques, qui seraient tenus de répon­dre à ses inter­ro­ga­tions, et même de sus­pen­dre l’acte en ques­tion si néces­saire.

D’autre part, la liberté pro­fes­sion­nelle apporte, pour les agents qui par­ti­ci­pent à la prise de déci­sion, une pro­tec­tion de la liberté de cons­cience. En effet, pour les postes qui exi­gent une adhé­sion à un projet « poli­ti­que » de l’ins­ti­tu­tion, il est néces­saire pour le cadre de faire valoir son droit de ne pas avoir à s’impli­quer dans des chan­ge­ments d’orien­ta­tion de l’établissement lors­que ces évolutions vont à l’encontre de son éthique per­son­nelle.

L’admi­nis­tra­tion ne leur demande pas seu­le­ment une ges­tion plus rigou­reuse des dépen­ses. Il s’agit d’évoluer vers une men­ta­lité plus ges­tion­naire et moins huma­niste, de renon­cer à sa culture infir­mière.

Nous voyons bien les condi­tions de tra­vail se dégra­der : il faut faire tou­jours plus, et plus rapi­de­ment, avec moins de per­son­nels. Jusqu’où pourra t-on aller ? Si le cadre infir­mier n’a plus les moyens humains et maté­riels pour assu­rer des soins de qua­lité, si la sécu­rité des patients est en jeu, il convien­drait de pré­voir une pro­cé­dure sur le modèle du droit reconnu aux jour­na­lis­tes lorsqu’ils lèvent leur clause de cons­cience.

Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Chlordécone : quand l’État empoisonne et que les infirmières tentent de réparer

Combien de générations faudra-t-il encore pour réparer le désastre du chlordécone ? Aux (…)

Bébés qui meurent, enfants qui dorment dehors : le double abandon français

En France, en 2025, deux chiffres devraient nous empêcher de dormir. D’un côté, la mortalité (…)

Plan Bayrou : une brutalité sans précédent contre les patients et les soignants

Le Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI CFE-CGC) dénonce un plan d’économies de (…)

Médicaments cytotoxiques : sauver des vies en risquant la sienne

Ils sauvent des vies. Mais ils menacent aussi celles qui les administrent. Dans les services (…)

Protéger ceux qui soignent, c’est protéger la santé des français

À la suite d’une agression commise contre une infirmière libérale, une vingtaine d’organisations (…)

Notre voix, notre profession : pas de porte-parole autoproclamé pour les infirmiers !

Paris le 20 août 2025 - À l’heure où notre système de santé traverse une période de tension et (…)