Délires technologiques : les "robots infirmiers"

10 février 2007

Dans le cadre du projet européen IWARD (financé par l’UE), des scientifiques anglais et allemands mettent au point des "robots infirmiers" qui d’ici trois ans doivent être introduits dans des hôpitaux. Une manière de résoudre la pénurie infirmière qui est mondiale, et va s’aggraver avec les départs en retraite.

L’objec­tifs de IWARD est de mettre en place dans des hôpi­taux en 2010 trois sortes de « robots infir­miers » : réveillez-vous, ils sont deve­nus fous !

Les "robots infir­miers" devraient accom­plir des tâches de "tech­ni­ciens de sur­face". Mais les robots seraient aussi capa­bles de réa­li­ser des tâches infir­miè­res, telles que la dis­tri­bu­tion des com­pri­més, la prise de tem­pé­ra­ture à dis­tance avec un appa­reil laser ou le contrôle de la pres­sion arté­rielle. Les robots seraient même capa­bles de com­mu­ni­quer avec les patients et d’envoyer des mes­sa­ges au per­son­nel.

Après, on peut tou­jours parler d’huma­ni­sa­tion des hôpi­taux, et de res­pect des droits des mala­des ! Si cer­tains peu­vent être admi­ra­tifs devant les pro­grès de la robo­ti­que, nous pré­fé­rons reven­di­quer un posi­tion­ne­ment d’huma­nis­tes archaï­ques !

Thomas Schlegel, de l’ins­ti­tut Fraunhofer, qui est à la tête de l’équipe de recher­che, expli­que que « le prin­cipe n’est pas que d’avoir des robots mobi­les, mais bien de déve­lop­per un sys­tème de bornes mou­van­tes offrant à la fois l’infor­ma­tion et l’assis­tance aux gens, de façon à ce que l’hôpi­tal devienne un lieu inte­rac­tif et intel­li­gent » (parce que aujourd’hui ce n’est pas le cas ?).

Mis en chan­tier par les uni­ver­si­tés euro­péen­nes de Cardiff, Dublin, Newcastle et Warwick, selon le Dr Schlegel, « IWARD per­met­tra aux mem­bres du per­son­nel hos­pi­ta­lier de consa­crer plus de temps à leurs patients plutôt que de s’adon­ner à d’autres tâches élémentaires ». Encore une preuve que l’enfer est pavé de bonnes inten­tions !

Un visi­teur pour­rait donner le nom d’un patient et un robot le mène­rait à son chevet (bon­jour le secret de l’hos­pi­ta­li­sa­tion !). Si le robot le plus proche n’était pas sûr de l’endroit, il pour­rait com­mu­ni­quer avec d’autres pour avoir de l’aide.

Chaque robot sera équipé de cap­teurs pour éviter des col­li­sions. Des "tech­no­lo­gies facia­les d’iden­ti­fi­ca­tion" seront uti­li­sées, ainsi les robots pour­raient repé­rer si une per­sonne non auto­ri­sée était entrée. Le projet ne pré­cise pas si les robots doi­vent « neu­tra­li­ser » la per­sonne non agréée, ni s’il y a un bouton « d’arrêt d’urgence » en cas de dys­fonc­tion­ne­ment du robot !

Entre la volonté de tout ratio­na­li­ser, pour réa­li­ser tou­jours plus d’économie, et les déli­res tech­no­lo­gi­ques de cer­tains, on cher­che a trans­for­mer l’hôpi­tal en un « centre de pres­ta­tions sani­tai­res ». Mais on ne peut rem­pla­cer les humains par des robots comme dans les usines auto­mo­bi­les, car nous ne cons­trui­sons pas des objets, nous soi­gnons d’autres êtres humains.

Les soins infir­miers décou­lent en effet des deux faces du concept « soi­gner » : trai­ter la mala­die, et pren­dre soin de la per­sonne. L’infir­mière repré­sente avant tout une pré­sence, qui défend la valeur et la dignité humaine du malade au sein de l’uni­vers hos­pi­talo-cen­triste, en rap­pe­lant qu’il est en lui-même une fin, c’est-à-dire une per­sonne que l’on doit res­pec­ter et pren­dre en compte, et non une simple chose (organe, patho­lo­gie) dont on peut dis­po­ser. De part sa vision glo­bale et ses capa­ci­tés rela­tion­nel­les, elle permet au malade de conser­ver son huma­nité.

Le Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI CFE-CGC estime que face à la dérive tech­ni­cienne, et à la ten­ta­tion de tout stan­dar­di­ser par des pro­to­co­les et des normes, l’infir­mière est là pour garan­tir la per­son­na­li­sa­tion des soins, sa com­pé­tence et sa faculté de juge­ment débou­chant sur une meilleure qua­lité des soins. Pour ne pas perdre le sens de ses actes, l’infir­mière déve­loppe une réflexion de plus en plus vigi­lante sur la tech­ni­que, qui doit rester un ins­tru­ment de l’action.

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