Diagnostiquer plus précocement la dénutrition chez la personne âgée de 70 ans et plus

15 novembre 2021

Communiqué HAS du 10.11.21

La Haute Autorité de Santé, en par­te­na­riat avec la Fédération Française de Nutrition, actua­lise ses recom­man­da­tions sur la dénu­tri­tion chez les per­son­nes âgées de 70 ans et plus, popu­la­tion la plus à risque d’être expo­sée à ce pro­blème de santé publi­que et chez qui les consé­quen­ces peu­vent être dra­ma­ti­ques. Elle four­nit ainsi aux pro­fes­sion­nels de santé ou du sec­teur social et médico-social sus­cep­ti­bles de s’occu­per des per­son­nes âgées des outils adap­tés et vali­dés pour leur per­met­tre d’iden­ti­fier plus pré­co­ce­ment les per­son­nes âgées dénu­tries.

La dénu­tri­tion touche plus près de 3 mil­lions de Français, parmi les­quels au moins un tiers a plus de 70 ans. Cette situa­tion est par­ti­cu­liè­re­ment préoc­cu­pante dans la mesure où la dénu­tri­tion s’accom­pa­gne d’un accrois­se­ment de la mor­bi­dité (chutes, frac­tu­res, hos­pi­ta­li­sa­tions, infec­tions noso­co­mia­les), de la perte d’auto­no­mie et de la mor­ta­lité, quelle que soit la cause de la dénu­tri­tion. Qui plus est, ces com­pli­ca­tions sont elles-mêmes des fac­teurs de dénu­tri­tion, ins­tal­lant les per­son­nes âgées dans un cercle vicieux qui peut accé­lé­rer la fin de vie. Les don­nées épidémiologiques mon­trent en effet que le risque de dénu­tri­tion s’accroît avec la perte d’auto­no­mie : près d’une per­sonne âgée dénu­trie sur 7 vit à domi­cile et près d’une sur 4 dans une unité de soins de longue durée.

La Haute Autorité de Santé, en par­te­na­riat avec la Fédération Française de Nutrition, a com­plété les recom­man­da­tions sur le diag­nos­tic de la dénu­tri­tion de l’enfant et de l’adulte publiées en 2019 pour y inté­grer des éléments spé­ci­fi­ques à la popu­la­tion des per­son­nes de 70 ans et plus. L’ensem­ble de ces recom­man­da­tions seront pré­sen­tées le 16 novem­bre à l’occa­sion d’un webi­naire orga­nisé dans le cadre de la semaine natio­nale de la dénu­tri­tion.

Quand parler de dénu­tri­tion chez les per­son­nes de 70 ans et plus ?

La défi­ni­tion de la dénu­tri­tion chez les per­son­nes âgées est la même que chez les adul­tes plus jeunes, il s’agit de l’état d’un orga­nisme en désé­qui­li­bre nutri­tion­nel. Cependant cer­tai­nes spé­ci­fi­ci­tés sont pro­pres aux per­son­nes de 70 ans et plus. Le diag­nos­tic de la dénu­tri­tion dans cette popu­la­tion intè­gre ainsi des cri­tè­res telle que la sar­co­pé­nie (perte de force mus­cu­laire asso­ciée à une dimi­nu­tion de la masse mus­cu­laire et dégra­da­tion des per­for­man­ces phy­si­ques, sus­cep­ti­bles d’entrai­ner une perte d’auto­no­mie et une dépen­dance).

Un diag­nos­tic qui repose exclu­si­ve­ment sur des cri­tè­res cli­ni­ques

Afin d’uni­for­mi­ser le plus pos­si­ble les cri­tè­res diag­nos­ti­ques et de sévé­rité de la dénu­tri­tion du sujet âgé avec celle de l’enfant et de l’adulte jeune, il est pré­cisé que le diag­nos­tic de la dénu­tri­tion chez une per­sonne âgée de 70 ans et plus repose sur l’examen cli­ni­que qui doit per­met­tre de repé­rer l’asso­cia­tion d’au moins deux cri­tè­res. Il faut au mini­mum 1 cri­tère phé­no­ty­pi­que, rela­tif à l’état phy­si­que de la per­sonne, et au mini­mum 1 cri­tère étiologique, c’est-à-dire lié à une cause pos­si­ble de la dénu­tri­tion.

Les cri­tè­res phé­no­ty­pi­ques sont les sui­vants (1 seul cri­tère suffit) :
 Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10% en 6 mois ou ≥ 10 % par rap­port au poids habi­tuel avant le début de la mala­die ;
 IMC (indice de masse cor­po­relle) < 22 kg/m ² ;
 Sarcopénie confir­mée par l’asso­cia­tion d’une réduc­tion de la force et de la masse mus­cu­laire, confor­mé­ment au Consensus Européen (EWGSOP 2019).

Les cri­tè­res étiologiques sont les sui­vants (1 seul cri­tère suffit) :
 Réduction de la prise ali­men­taire ≥ 50% pen­dant plus d’une semaine ou toute réduc­tion des apports pen­dant plus de deux semai­nes par rap­port à la consom­ma­tion habi­tuelle ou aux besoins pro­téino-énergétiques.
 Absorption réduite (malab­sorp­tion/mal­di­ges­tion).
 Situation d’agres­sion (avec ou sans syn­drome inflam­ma­toire) : patho­lo­gie aiguë ou patho­lo­gie chro­ni­que évolutive ou patho­lo­gie mali­gne évolutive.

La Haute Autorité de Santé et la Fédération Française de Nutrition sou­li­gnent que lors­que la situa­tion de la per­sonne âgée évolue et permet la dis­pa­ri­tion du cri­tère étiologique, par reprise de l’ali­men­ta­tion ou à la suite de la gué­ri­son d’une mala­die par exem­ple, cela ne doit pas modi­fier le diag­nos­tic de dénu­tri­tion tant que per­siste le cri­tère phé­no­ty­pi­que. C’est seu­le­ment lors­que les deux cri­tè­res sont amé­lio­rés que l’état de dénu­tri­tion est résolu.

Une fois posé le diag­nos­tic de dénu­tri­tion, il est recom­mandé de pour­sui­vre les inves­ti­ga­tions et de réa­li­ser un bilan étiologique com­plet à la recher­che de toutes les causes pos­si­bles de dénu­tri­tion chez la per­sonne concer­née, dans la mesure où la dénu­tri­tion est sou­vent d’ori­gine mul­ti­fac­to­rielle chez les per­son­nes âgées. Il est de plus recom­mandé d’en évaluer la sévé­rité.

Trois cri­tè­res de sévé­rité sont à pren­dre en compte

Une dénu­tri­tion est consi­dé­rée comme sévère chez une per­sonne de 70 ans et plus lorsqu’au moins un des trois cri­tè­res sui­vants est pré­sent :
 Un IMC infé­rieur à 20 kg/m2 ;
 Une perte de poids supé­rieure ou égale à 10% en 1 mois, supé­rieure ou égale à 15% en 6 mois ou par rap­port au poids habi­tuel avant le début d’une mala­die ;
 Un dosage pon­dé­ral de l’albu­mi­né­mie avec un résul­tat infé­rieur à 30 g/L, mesuré soit par immu­no­né­phé­lé­mé­trie soit par immu­no­tur­bi­di­mé­trie qui sont les seules métho­des fia­bles.

Diagnostiquer la dénu­tri­tion, en recher­cher les causes et en établir la sévé­rité ne suffit pas. Il faut la pren­dre en charge et sur­veiller l’état nutri­tion­nel.

Installer une sur­veillance de l’état nutri­tion­nel régu­lière

La sur­veillance de l’état nutri­tion­nel d’une per­sonne de 70 ans et plus ne relève pas de sa seule res­pon­sa­bi­lité, elle doit impli­quer les pro­ches aidants, les pro­fes­sion­nels de santé et ceux du sec­teur social et médico-social. Elle requiert de peser le patient, de cal­cu­ler son IMC, d’évaluer son appé­tit et sa consom­ma­tion ali­men­taire (en uti­li­sant une échelle visuelle, une échelle semi-quan­ti­ta­tive, ou en fai­sant appel à un dié­té­ti­cien), et enfin de déter­mi­ner sa force mus­cu­laire en s’appuyant sur la mesure de la force de pré­hen­sion ou sur le test de lever de chaise.

Pour ce qui concerne la fré­quence, cette sur­veillance dépend du lieu de vie des per­son­nes âgées :
 1 fois par mois à domi­cile et à chaque consul­ta­tion ;
 A leur entrée à l’hôpi­tal, puis toutes les semai­nes pour celles qui sont hos­pi­ta­li­sées en MCO (méde­cine, chi­rur­gie, obs­té­tri­que) et SSR (soins de suite et de réa­dap­ta­tion) ;
 A leur entrée puis au moins une fois par mois pour les per­son­nes héber­gées dans un EHPAD (établissement hos­pi­ta­lier pour per­son­nes âgées dépen­dan­tes) ou en USLD (unités de soins de longue durée). Elle doit être plus fré­quente en cas d’évènement médi­cal (infec­tion, chi­rur­gie...) ou de dimi­nu­tion de l’appé­tit et des apports ali­men­tai­res.
 A la sortie du malade des établissements.

L’obé­sité n’exclut pas la dénu­tri­tion chez une même per­sonne

Il est impor­tant de sou­li­gner qu’obé­sité et dénu­tri­tion ne sont pas incom­pa­ti­bles et peu­vent coexis­ter chez une même per­sonne. Le cas échéant, le diag­nos­tic repose sur l’asso­cia­tion d’un cri­tère étiologique et d’un cri­tère phé­no­ty­pi­que - à l’exclu­sion de l’IMC, qui ne fait pas partie des cri­tè­res de défi­ni­tion de la dénu­tri­tion dans une popu­la­tion obèse.
Ainsi, pour faire le diag­nos­tic, il est recom­mandé de recher­cher une perte de poids (≥ 5 % en 1 mois, ou ≥ 10% en 6 mois, ou ≥ 10% par rap­port au poids habi­tuel avant le début de la mala­die) et une sar­co­pé­nie confir­mée.

Lorsque le diag­nos­tic de dénu­tri­tion est établi, il est recom­mandé de déter­mi­ner la pré­sence de cri­tè­res de sévé­rité. La pré­sence d’un seul établit une dénu­tri­tion sévère : une perte de poids plus impor­tante (≥ 10 % en 1 mois ou ≥ 15% en 6 mois ou ≥ 15% par rap­port au poids habi­tuel avant le début de la mala­die) ainsi qu’une albu­mi­né­mie < 30 g/L.

La sur­veillance de l’état nutri­tion­nel des per­son­nes âgées doit être régu­lière, qu’elles souf­frent ou non d’obé­sité.

Source
https://www.has-sante.fr/jcms/p_3297932/fr/diag­nos­ti­quer-plus-pre­co­ce­ment-la-denu­tri­tion-chez-la-per­sonne-agee-de-70-ans-et-plus

Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Planning familial : quand l’État se défile, les femmes trinquent

Partout en France, les structures du Planning familial sont à l’os. Budgets gelés, subventions (…)

Loi infirmière : sans les décrets, l’accès aux soins reste bloqué

Loi infirmière : merci pour la loi, mais sans les décrets, les patients attendront. Car une loi (…)

Quelle partie du rôle propre infirmier peut être confiée à une aide-soignante ?

Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2021-980 du 23 juillet 2021, le périmètre d’intervention (…)

Des médicaments dans l’eau, et personne pour les filtrer ?

L’eau du robinet contient aujourd’hui plus de résidus médicamenteux que de pesticides. Et tout (…)

Oxyde d’éthylène : l’ombre toxique de la stérilisation plane sur les soignants

La stérilisation sauve des vies. Mais quand elle empoisonne ceux qui soignent, qui protège les (…)

Formation infirmière : la France choisit l’impasse pendant que le monde avance

Mieux formés, les infirmiers sauvent plus de vies. C’est prouvé, documenté, validé. Mais la (…)