Discours de Roselyne BACHELOT au congrès de la FNI (03.12.08)
9 décembre 2008
La Ministre s’est exprimée devant les congressistes du principal syndicat d’infirmières libérales, le 3 décembre.
Le Discours de la Ministre est en téléchargement ci-contre. Celui de Philippe Tisserand, le Président de la FNI est ci-dessous :
Madame la Ministre,
Vous nous faites cette année l’honneur d’ouvrir notre Congrès et, au nom de tous les infirmiers libéraux que la FNI représente, je vous en remercie vivement.
C’est pour nous, en regard de l’année que nous venons de vivre, un signal fort de l’intérêt que nos politiques portent enfin aux infirmiers de proximité que nous sommes, et donc un signal fort des préoccupations qui sont les vôtres, pour que les patients que nous traitons, suivons, accompagnons au quotidien reçoivent les soins de qualité qu’ils sont en droit d’attendre.
Vous avez rappelé avec force lors du dernier Salon Infirmier « qu’il est peu de métiers qui reçoivent l’adhésion directe et entière de tout un chacun. Le métier d’infirmier est de ceux-là » et « que les compétences que nous avons en propre et les responsabilités qui nous incombent tout au long de notre carrière méritent d’être pleinement reconnues, tout comme notre place au cœur de notre édifice de soins »....
Cette position devrait être à même de nous rassurer sur la volonté de votre ministère de reconnaître enfin à leur juste place les infirmières et les infirmiers qui sont, et je ne me lasserai jamais de le rappeler, les seuls professionnels de santé avec les médecins et les sages-femmes à assurer la permanence et la continuité des soins.
Vous avez conclu votre discours ce même jour par cette phrase « cette année sera une année de réforme. Elle sera l’année des infirmiers »... .
Nous supposons que vous évoquiez l’année 2009... Car très clairement pour ce qui concerne 2008, ce fut plutôt notre fête ... Sommes-nous donc à ce point si présents dans les esprits pour être autant oubliés dans la concertation et la construction de notre avenir ??
Je ne m’étendrai pas ici sur l’épisode déplorable des EGOS 2 qui fut exemplaire pour démontrer :
la méconnaissance complète du rôle essentiel joué par les professionnels de santé (paramédicaux) dans les soins de premiers recours et particulièrement les infirmiers,
la capacité à évincer toutes organisations professionnelles susceptibles de s’écarter de la pensée unique du moment, bafouant dans la foulée tous les critères de représentativité,
la capacité à élaborer des conclusions (soi-disant consensuelles...) qui n’ont jamais été discutées lors des travaux de groupes, eux-mêmes particulièrement déconnectés des pratiques réelles et je l’affirme des besoins de santé de nos patients.
Ne pas être dans la lignée « du parti de l’avenue Duquesne » , donc des visions très réductrices de la DHOS, ne veut pas toujours dire être contre tout, Madame, vous le savez mieux que quiconque, vous qui êtes une politique et donc soucieuse d’une certaine forme de démocratie et de débat.... Nous pouvons aussi apporter un éclairage opérationnel et pertinent à des réformes qui ne seront pas sans impact sur la sécurité et la qualité des soins infirmiers que notre profession dispense, je le rappelle, 24h sur 24.
Ne pas être dans la lignée « du parti de l’avenue Duquesne », donc des visions très réductrices de la DHOS, ne veut pas toujours dire ne rien proposer... Faudrait-il encore être entendu dans un vrai souci de dialogue avec les professionnels de santé que nous sommes ?
Je ne m’étendrai pas ici sur l’épisode déplorable que nous vivons actuellement pour ce qui concerne la réingénierie de notre diplôme, épisode exemplaire une fois de plus pour démontrer :
la capacité à bafouer là encore tous les critères de représentativité professionnels,
la capacité à ignorer complètement toute contribution susceptible de changer une virgule à un projet déjà tout ficelé, particulièrement déconnecté des pratiques réelles et je l’affirme des besoins de santé de nos patients ... (Et pourtant très sincèrement, Madame la Ministre, la FNI a apporté dès les débuts des propositions),
la capacité à continuer, alors que la maison brûle, sur ce sujet envers et contre tout et à présenter le même refrain « tout va très bien Madame la Marquise ».
Alors que les réunions de concertations vont commencer sur le LMD, je tiens à vous faire part de la plus vive inquiétude des infirmiers que je représente face à cette réforme bâtie :
à partir d’un référentiel métier et compétence des infirmiers qui ne reflète pas la réalité de nos pratiques, et pire encore qui ne les met pas en perspective, condamnant gravement toute visibilité d’un professionnalisme infirmier pourtant nécessaire aux avancées de coopérations que vous souhaitez, peut-on vraiment penser que, contrairement aux ergothérapeutes, podologues, kinésithérapeutes, les infirmiers ne font pas de recherche, ne peuvent pas communiquer dans les congrès, ne participent pas à la démarche qualité, et sont incapables de gérer des structures,
à partir d’un rapport IGAS sur le LMD qui préconise de nous « écarter de toute formule qui ferait courir le risque d’une formation élitiste ou trop abstraite, dérive qui détournerait cette formation d’une de ses vocations : la promotion professionnelle », alors que la plupart des autres pays qui nous entourent ont fait ce choix avec les résultats que l’on connaît et Madame DESROSIERS ici présente ainsi que le Professeur Sally KENDAL et le Docteur René SCHWENDIMANN ne me démentiront pas,
à partir de recommandations HAS dont l’objectivité a largement été remise en cause par l’ensemble des professionnels de santé.
Nous prenons date aujourd’hui avec vous que des décisions « politiques » vont être prises rapidement maintenant, engageant l’avenir de la profession et son attractivité sur un référentiel qui n’a pas tenu compte des besoins en soins infirmiers de patients, des vraies pratiques infirmières de terrain et qui est donc loin du consensus professionnel aujourd’hui affiché ...
Nous n’avons plus aujourd’hui aucun doute sur la capacité des porteurs de ce projet à la DHOS d’oser le passage en force, comme elle l’a toujours fait avec notre organisation et bien d’autres ... Pourtant il n’y a que les « imbéciles qui ne changent pas d’avis ».
Nous prenons date aujourd’hui avec vous que des décisions vont être prises dans une vision franco-française rétrograde, Madame, et j’ose le mot rétrograde à l’heure où la pénurie d’infirmières est confirmée dans tous les pays de l’OCDE ... et que, contrairement à ce que dit le rapport IGAS, ces décisions isoleront et pour longtemps les infirmières françaises du contexte européen...
Je ne m’étendrai pas ici sur l’épisode de la concertation concernant votre loi HPST où vous avez indiqué dernièrement qu’elle faisait une large place aux infirmiers libéraux... Quelle large place ? Peut-être ne savons-nous pas lire ? Je ne doute pas que vous allez m’éclairer sur ce point. Quant à la concertation, elle n’a eu lieu qu’une fois le texte déposé au Conseil d’Etat !! Nous attendons donc de votre ministère un soutien fort pour amender certains articles qui ont souffert de ce manque de concertation.
Voilà pour les choses qui fâchent et qui vont encore fâcher dans les prochains jours et les prochaines semaines.
Mais tout n’est pas noir ...
Je ne m’étendrai pas ici sur l’épisode qui a failli être déplorable concernant notre décret de compétences : vote cabinet et vous-même avez su entendre le consensus professionnel et notre inquiétude, et nous vous en remercions... L’idée n’est pas ici pour nous de faire du sur place, mais bien d’avancer sans précipitation avec les représentations professionnelles légitimes pour faire évoluer le texte fondateur de notre profession, avec les égards auquel il a droit. Il est encore une fois en revanche dommage de devoir donner de la voix et/ou du clairon ... pour convaincre sur une méthode de travail allant de soi.
Je m’étendrai pas non plus sur l’épisode qui concerne l’arrêté de zonage que nous attendons parce qu’il conditionne la mise en œuvre de dispositions conventionnelles que vous avez citées en exemple, pour ce qui concerne la régulation démographique, nous attendons donc rapidement que cette convention puisse vivre...
Je m’étendrai en revanche sur la formidable dynamique engendrée par la création de notre Ordre professionnel dont certains élus nationaux sont présents dans cette salle. Je ne doute pas que nous saurons trouver avec l’Ordre des terrains complémentaires d’entente pour faire avancer notre profession.
Si cette année « doit être l’année des infirmiers », la profession en général et les infirmiers de proximité en particulier attendent de vous, Madame la Ministre, d’avoir la place qui leur revient dans le paysage médical et politique français au-delà des déclarations de bonnes intentions désavouées dès le lendemain par les actes.
Le vieillissement de la population, le virage ambulatoire que nous vivons de plein fouet au domicile de nos patients, le suivi et la surveillance des patients chroniques sont autant d’ardentes invitations à considérer l’infirmier et son devoir de professionnalisme autrement qu’un vivier d’emploi et de promotion professionnelle...
Vous nous avez demandé de nous mettre au travail, le programme de cette journée vous prouve, Madame, que nous avons su vous écouter. Nous ne doutons pas, Madame la Ministre, que vous saurez en faire de même...
Votre venue ici ce jour nous donne de l’espoir ...
Paris, le 3 décembre 2008