Dix mesures pour lutter contre la maltraitance des personnes âgées

6 décembre 2009

Nora Berra, Secrétaire d’Etat char­gée des Aînés, a pré­senté le 2 décem­bre les résul­tats de l’enquête dili­gen­tée par l’ins­pec­tion géné­rale des affai­res socia­les concer­nant l’établissement « les Colombes » à Bayonne.

Les résul­tats de cette enquête ont montré que la res­pon­sa­bi­lité était indi­vi­duelle et col­lec­tive. Le sys­tème global de contrôle par­tagé, entre les ins­ti­tu­tions de l’Etat et le dépar­te­ment, n’a pas été en mesure de pré­ve­nir cette situa­tion dra­ma­ti­que.
L’enquête a également révélé que des actes médi­caux avaient été mas­si­ve­ment fac­tu­rés par des per­son­nels libé­raux, alors que l’établissement n’avait pas de per­son­nel soi­gnant sala­rié.
La minis­tre a donc décidé de saisir la jus­tice concer­nant la sur-tari­fi­ca­tion et convo­que la direc­trice de la DDASS des Pyrénées-Atlantiques pour qu’elle lui four­nisse les expli­ca­tions néces­sai­res.
Par ailleurs, comme l’avait annoncé la minis­tre début octo­bre, le recen­se­ment des établissements par dépar­te­ment montre qu’il y a aujourd’hui 200 struc­tu­res non médi­ca­li­sées qui accueillent des per­son­nes dépen­dan­tes et qui conti­nuent de fonc­tion­ner en toute irré­gu­la­rité. Elles seront mises en demeure pour se mettre en confor­mité dans un délai de trois mois au risque d’une fer­me­ture défi­ni­tive à comp­ter du 31 mars 2010.

Au-delà du plan « Bientraitance », la minis­tre a pré­senté 10 mesu­res. Elle a annoncé sa volonté de mettre en place un module spé­ci­fi­que sur la mal­trai­tance dans chaque for­ma­tion des­ti­née aux accom­pa­gnants pro­fes­sion­nels, ainsi que la mise en place avant chaque recru­te­ment d’un pro­ces­sus d’apti­tude psy­cho­lo­gi­que. Parallèlement, la mal­trai­tance est prin­ci­pa­le­ment pré­sente au domi­cile. Nora Berra sou­haite donc l’ins­tal­la­tion de cour­tes for­ma­tions pour les aidants fami­liaux, à l’instar de celles qu’elle a lancé concer­nant la mala­die d’Alzheimer, le 24 novem­bre der­nier, pour les aidants. Ce dis­po­si­tif sera élaboré dans le cou­rant de l’année 2010.

Afin d’agir en toute trans­pa­rence à l’égard des Français, une mis­sion sera confiée à l’Agence Nationale de l’Evaluation pour rendre public des cri­tè­res d’évaluation pour chaque établissement sus­cep­ti­ble d’accueillir des per­son­nes âgées dépen­dan­tes.

Chacune des struc­tu­res sera cotée en fonc­tion de cri­tè­res struc­tu­rels de mal­trai­tance. Par ailleurs, pour assu­rer un meilleur suivi des cas de mal­trai­tance, la minis­tre lance le débat d’un prin­cipe d’expé­ri­men­ta­tion, avec des dépar­te­ments volon­tai­res, pour une décen­tra­li­sa­tion étendue des com­pé­ten­ces dans le sec­teur des per­son­nes âgées.

Enfin, Nora Berra a rap­pelé que le budget de l’assu­rance mala­die, dédié aux per­son­nes âgées, est passé de 3 à 8 mil­liards d’euros entre 2003 et 2008, et a permis de créer 60 000 emplois soi­gnants entre 2002 et 2009. Cet effort se pour­sui­vra jusqu’en 2012.

Discours de la Ministre (extrait) : http://www.tra­vail-soli­da­rite.gouv.fr/actua­lite-presse/dis­cours/nouvel-arti­cle-2-.html

Mesure 1 : S’agis­sant tout d’abord de la pré­somp­tion de négli­gence de la DDASS, j’ai décidé, avant de pren­dre toute dis­po­si­tion, de convo­quer per­son­nel­le­ment et dans les pro­chains jours la direc­trice de la DDASS des Pyrénées Atlantiques. Elle me don­nera direc­te­ment ses expli­ca­tions et j’en tire­rai les conclu­sions.

Mesure2 : Comme je l’avais annoncé, j’ai fait pro­cé­der à un recen­se­ment sur tout le ter­ri­toire natio­nal de la situa­tion des établissements qui auraient dû se confor­mer aux obli­ga­tions de médi­ca­li­sa­tion, parce qu’accueillant des per­son­nes dépen­dan­tes.

Les résul­tats de l’enquête, qui vien­nent de m’être remis, font état de plus de 200 établissements qui conti­nuent de fonc­tion­ner en toute irré­gu­la­rité aujourd’hui. Cela signi­fie que nos aînés sont en risque dans ces établissements-là. Je demande qu’une mise en demeure très ferme leur soit adres­sée sans délai pour se mettre en confor­mité. A défaut de réa­li­sa­tion effec­tive dans les trois mois, ces établissements s’expo­se­ront à une fer­me­ture admi­nis­tra­tive à comp­ter du 31 mars 2010.

Mesure 3 : je veux rendre obli­ga­toire, au besoin par la Loi, la publi­ca­tion et la dif­fu­sion d’une évaluation indé­pen­dante et sérieuse, lisi­ble pour nos conci­toyens, de chacun des établissements sus­cep­ti­bles d’accueillir les per­son­nes âgées dépen­dan­tes. Au regard de cette évaluation, je veux que les ris­ques struc­tu­rels de mal­trai­tance au sein de ces établissements soient tout par­ti­cu­liè­re­ment évalués et quotés, pour être portés à la connais­sance de chacun… Je vou­drais ici rap­pe­ler qu’en uti­li­sant le mot mal­trai­tance, ’je me réfère stric­te­ment à la défi­ni­tion qui en est donnée par le Conseil de l’Europe : « tout acte ou omis­sion, commis par une per­sonne, s’il porte atteinte à la vie, à l’inté­grité cor­po­relle ou psy­chi­que ou à la liberté d’une autre per­sonne ou com­pro­met gra­ve­ment le déve­lop­pe­ment de sa per­son­na­lité et/ou nuit à sa sécu­rité finan­cière ».

Cette mis­sion sera confiée à l’Agence Nationale de l’Evaluation et de la qua­lité des établissements et ser­vi­ces Sociaux et Médico-sociaux, dont le rôle devra être ampli­fié.

Mesure 4 : je demande que l’ensem­ble des ins­truc­tions sur la pré­ven­tion et la lutte contre la mal­trai­tance soient refon­dues dans un docu­ment sim­pli­fié, unique et lisi­ble. Ce docu­ment devra être dif­fusé également aux Conseils Généraux dont relè­vent le contrôle tech­ni­que et de fonc­tion­ne­ment des établissements qu’ils auto­ri­sent. Je sou­haite que ce docu­ment soit dif­fusé au plus tôt dans le cou­rant de l’année 2010.

Mesure 5 : Je veux faire adap­ter le logi­ciel PRISME, aujourd’hui orienté essen­tiel­le­ment vers un sys­tème de ’repor­ting’ au niveau cen­tral des don­nées loca­les, pour en faire un véri­ta­ble outil local de ges­tion des signa­le­ments, par­tagé entre l’Etat et les Conseils Généraux .

J’envi­sage de me rap­pro­cher très vite des dépar­te­ments, afin qu’ensem­ble nous nous don­nions les moyens d’un véri­ta­ble trai­te­ment commun des signa­le­ments. Si néces­saire, cette action com­mune ainsi que ses moda­li­tés pour­raient être consa­crées par la Loi.

Mesure 6 : Je m’aper­çois par ailleurs dans cette triste situa­tion :
- que les DDASS et les ser­vi­ces des Départements coor­don­nent mal leur action ;
- que ni la DCCRF ni la CPAM ne peu­vent, dans ces condi­tions, contri­buer en amont à la pré­ven­tion de telles situa­tions.

En clair : une usine à gaz ins­ti­tu­tion­nelle, mal réglée, et dont les aînés les plus vul­né­ra­bles font les frais ! Ne devrait-on pas à pré­sent s’atta­quer, plus modes­te­ment mais tout aussi réso­lu­ment, à ce mille-feuille-là ?

En abor­dant la Maltraitance et en étudiant les mesu­res de pré­ven­tion et les garan­ties que doi­vent appor­ter les ins­ti­tu­tions aux plus fra­gi­les de nos conci­toyens, je me suis rendu compte que l’une des condi­tions essen­tiel­les du succès d’une action dans ce domaine rési­dait dans l’appli­ca­tion d’un prin­cipe simple :
Un res­pon­sa­ble unique iden­ti­fié,
qui décide,
qui contrôle,
qui agit ….. ! Dans le res­pect des lois et règle­ments …. … et répond de ses défaillan­ces !

Je me suis rendu compte, à tra­vers cet épouvantable pro­blème de la mal­trai­tance, que ce mil­le­feuille ins­ti­tu­tion­nel, avec ses pro­cé­du­res croi­sées, com­plexes et coû­teu­ses cons­ti­tuait en fait le prin­ci­pal défaut de gou­ver­nance du sec­teur.

Je ne suis pas sûre que les fran­çais sachent que, sur chaque ter­ri­toire, il y a aujourd’hui, par exem­ple, deux sys­tè­mes de tari­fi­ca­tions, deux sys­tè­mes de contrô­les et d’ins­pec­tion, deux champs de res­pon­sa­bi­lité entre l’Etat et le dépar­te­ment …et tout cela pour une même et seule cause et pour les mêmes per­son­nes âgées vul­né­ra­bles ! Quelle que soit l’expli­ca­tion, cet état de fait me paraît poten­tiel­le­ment dan­ge­reux pour les per­son­nes. Dans ce sys­tème, au final, per­sonne n’est glo­ba­le­ment res­pon­sa­ble de rien !
Si nous déci­dions d’aller vers la sim­pli­fi­ca­tion et l’effi­ca­cité, qui encore une fois ne coû­te­rait rien aux finan­ces publi­ques, et donc aux contri­bua­bles, il convien­drait, eu égard à la com­plexité du pro­blème, de pro­cé­der par voie d’expé­ri­men­ta­tion, comme nous le permet notre Constitution.

Alors, je lance le débat et pose la ques­tion tout à fait sim­ple­ment : ne pour­rait-on pas, sur le prin­cipe, expé­ri­men­ter une décen­tra­li­sa­tion étendue des com­pé­ten­ces dans le sec­teur des per­son­nes âgées, avec quel­ques dépar­te­ments volon­tai­res, et durant un temps limité ? Ne vous mépre­nez pas sur mon propos : il ne s’agit ni d’une mesure, ni d’une déci­sion, mais il nous faut sortir d’une situa­tion insa­tis­fai­sante. Pourquoi se priver d’y réflé­chir avec les par­te­nai­res sociaux, les dépar­te­ments, les fédé­ra­tions, et les aînés eux- mêmes ?

Et, ma foi, si cer­tains dépar­te­ments étaient volon­tai­res, nous pour­rions très vite abor­der cette piste-là .

Mesure 7 : la créa­tion pro­chaine des ARS cons­ti­tue de toute évidence un résul­tat tout à fait tan­gi­ble et per­for­mant de la réforme de l’admi­nis­tra­tion ter­ri­to­riale voulue par le Président le la République. Elle per­met­tra à la poli­ti­que de la Santé, en pre­mier lieu, mais également au sec­teur médi­co­so­cial de se placer sur la tra­jec­toire d’une nou­velle per­for­mance au profit de nos conci­toyens.

Sans nuire à la néces­saire trans­ver­sa­lité de ces nou­vel­les Agences, Xavier Darcos et moi-même avons veillé à ce que le médico-social fasse l’objet d’une prise en compte fonc­tion­nelle, adap­tée aux enjeux de ce sec­teur impor­tant et sen­si­ble. J’ai eu l’occa­sion récem­ment, aux côtés de Roselyne BACHELOT, de donner nos ins­truc­tions en ce sens aux mem­bres du Comité National de Pilotage des ARS. Xavier DARCOS et moi-même réu­ni­rons d’ailleurs dans le cou­rant du pre­mier tri­mes­tre 2010 l’ensem­ble des res­pon­sa­bles d’ARS dans ce cadre.

A la lumière des événements qui nous réu­nis­sent, je vou­drais témoi­gner de toute ma consi­dé­ra­tion et de mon estime pour les actuels Directeurs Départementaux de l’Action Sanitaire et Sociale. Ils ont porté sur notre ter­ri­toire l’appli­ca­tion de notre poli­ti­que médico-sociale, malgré un sys­tème global qui, je l’ai dit, me paraît ina­dapté. Ils ont su, d’une manière géné­rale, non seu­le­ment conte­nir avec des moyens réduits le phé­no­mène de mal­trai­tance, mais aussi réagir avec force et effi­ca­cité à cha­cune de ses mani­fes­ta­tions.

Dans la dyna­mi­que de cette réforme ter­ri­to­riale, la richesse de l’expé­rience accu­mu­lée, ainsi que la com­pé­tence des actuels Directeurs Départementaux de l’Action Sanitaire et Sociale (DDASS) doi­vent être valo­ri­sées dans le cadre des ARS à un niveau d’emploi fonc­tion­nel. C’est par le talent et l’impli­ca­tion concrète de femmes et d’hommes à l’expé­rience reconnue que nous pour­rons rele­ver ce défi !

Une note d’orien­ta­tion sera adres­sée en ce sens, et dans les pro­chains jours, à tous les res­pon­sa­bles des ARS.

Mesure 8 : par ailleurs, fai­sons mieux connaî­tre le 3977, le numéro unique contre la mal­trai­tance. Ce réseau fonc­tionne grâce au dévoue­ment des béné­vo­les. Il faut sans aucun doute donner à ce ser­vice d’accueil une dimen­sion encore plus consé­quente et mieux l’arri­mer au dis­po­si­tif unifié de trai­te­ment effec­tif des signa­le­ments que j’ai évoqué pré­cé­dem­ment. Je pro­cé­de­rai à l’évaluation de ce dis­po­si­tif au début de 2010, afin de le faire pro­gres­ser à court terme.

Mesure 9 : La mal­trai­tance envers nos aînés, lorsqu’elle est volon­taire et déli­bé­rée, est mons­trueuse. Dans cer­tains cas, cepen­dant, elle peut être le reflet d’une cer­taine fra­gi­lité psy­cho­lo­gi­que des accom­pa­gnants pro­fes­sion­nels ou fami­liaux, face à des situa­tions péni­bles ou vécues dou­lou­reu­se­ment.

S’agis­sant des accom­pa­gnants pro­fes­sion­nels, je sou­hai­te­rais qu’à terme, un pro­ces­sus d’apti­tude psy­cho­lo­gi­que soit pro­gres­si­ve­ment mis en place avant chaque recru­te­ment, et qu’un module spé­ci­fi­que sur la mal­trai­tance soit dis­pensé au sein de chaque for­ma­tion.

S’agis­sant des accom­pa­gnants fami­liaux, je sou­haite également, à l’instar de ce que nous venons de porter sur les fonds bap­tis­maux avec la Fondation France-Alzheimer , que de cour­tes for­ma­tions pour « aider les aidants » , les pré­pa­rer, les éclairer et les sou­te­nir, puis­sent être dis­pen­sées à moyen terme , selon une for­mule de proxi­mité géo­gra­phi­que à cons­truire. Cette appro­che sera élaborée dans le cou­rant de l’année 2010. Elle vien­dra com­plé­ter effi­ca­ce­ment notre « Plan bien­trai­tance ».

Mesure 10 : Je suis par­ti­cu­liè­re­ment reconnais­sante à Michelle Alliot- Marie d’avoir été spon­ta­né­ment active dans ce domaine des aînés. Car elle a déjà dif­fusé depuis long­temps une cir­cu­laire d’action publi­que rela­tive à ce pro­blème de société par­ti­cu­liè­re­ment dou­lou­reux. Je sol­li­ci­te­rai pro­chai­ne­ment son atten­tion pour recueillir ses conseils, lui faire part de mes cons­tats. Sur cette base, je recueille­rai ses réac­tions quant à d’éventuelles pos­si­bi­li­tés d’évolution de nos droits civil et pénal, sus­cep­ti­bles de contri­buer à cette véri­ta­ble lutte contre la mal­trai­tance faite à nos ainés.

Il y a trois fac­teurs dans la mal­trai­tance :
- 1) il s’agit évidement des moyens et de l’enca­dre­ment en per­son­nel.
Le budget de l’assu­rance mala­die est passé entre 2003 et 2010 de 3 à 8 miliards d’euros. Grâce à cet effort 60 000 emplois soi­gnants ont été crées de 2002 à 2009. Cet effort, nous le pour­sui­vrons jusqu’en 2012.
- 2) Il s’agit ensuite de per­met­tre aux accom­pa­gnants pro­fes­sion­nels et fami­liaux d’acqué­rir des outils et des com­pé­ten­ces, en allant au-delà du plan Bientraitance qui est centré sur les seuls pro­fes­sion­nels.
- 3) Enfin, c’est le devoir des ins­ti­tu­tions d’assu­rer des condi­tions de sécu­rité et de dignité pour nos conci­toyens

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