Education thérapeutique : recommandations du HCSP

7 décembre 2009

Rapport sur l’éducation thérapeutique intégrée aux soins de premier recours (Novembre 2009) Synthèse, orientations stratégiques et recommandations du HCSP, Haut Conseil de la santé publique.

Recommandations du Haut Conseil de la santé publi­que

Etablir un dis­po­si­tif de finan­ce­ment pour l’éducation thé­ra­peu­ti­que inté­grée
aux soins de pre­mier recours et arti­cu­lée avec celle pra­ti­quée en milieu
spé­cia­lisé

- 1 Etablir, pour les per­son­nes attein­tes de mala­die chro­ni­que, un for­fait d’éducation thé­ra­peu­ti­que leur per­met­tant de béné­fi­cier, une fois par an, d’une évaluation de leurs besoins dans ce domaine et d’un pro­gramme per­son­na­lisé d’acti­vi­tés (acti­vi­tés indi­vi­duel­les et/ou col­lec­ti­ves pou­vant être mises en place par un réseau, une maison plu­ri­dis­ci­pli­naire de santé, des pro­fes­sion­nels libé­raux qui tra­vaillent ensem­ble, une asso­cia­tion ou un établissement hos­pi­ta­lier, dans le cadre des pro­gram­mes prévus par
la loi HPST) ;

- 2 Soutenir, via les Agences régio­na­les de santé, la mise en place de nou­vel­les orga­ni­sa­tions pro­fes­sion­nel­les, per­met­tant le déve­lop­pe­ment de l’éducation thé­ra­peu­ti­que au sein des ter­ri­toi­res en lien avec les ser­vi­ces spé­cia­li­sés, en finan­çant notam­ment les temps de concer­ta­tion, de coor­di­na­tion, de for­ma­tion pluri-pro­fes­sion­nelle à l’éducation thé­ra­peu­ti­que et les sys­tè­mes de par­tage d’infor­ma­tions ;

- 3 Valoriser le rôle du méde­cin trai­tant en tant que pre­mier acteur de l’éducation thé­ra­peu­ti­que du patient et prin­ci­pal coor­don­na­teur :
- Il évalue, au moins une fois par an, les besoins du patient en matière d’éducation thé­ra­peu­ti­que. Il assure le lien avec les pres­ta­tions éducatives dis­po­ni­bles sur son ter­ri­toire et dans les ser­vi­ces hos­pi­ta­liers. Il tient à jour le dos­sier d’éducation du patient.
- Pour exer­cer ces acti­vi­tés, il suit au mini­mum une for­ma­tion à l’éducation
thé­ra­peu­ti­que de quinze heures (ini­tia­tion), puis un sémi­naire de for­ma­tion
conti­nue de deux jours tous les cinq ans.
- En contre­par­tie, il per­çoit une part fixe du for­fait d’éducation thé­ra­peu­ti­que de chaque patient concerné.

- 4 Reconnaître deux autres moda­li­tés d’impli­ca­tion des pro­fes­sion­nels de santé de proxi­mité dans l’éducation thé­ra­peu­ti­que des per­son­nes attein­tes de mala­die chro­ni­que avec, pour chaque moda­lité, l’attri­bu­tion d’une part du for­fait d’éducation thé­ra­peu­ti­que :

 Programme struc­turé en plu­sieurs consul­ta­tions
- Le méde­cin trai­tant, ou tout autre pro­fes­sion­nel de santé de proxi­mité en
coor­di­na­tion avec lui, amé­nage des consul­ta­tions dédiées à l’éducation
thé­ra­peu­ti­que (sen­si­bi­li­sa­tion, infor­ma­tion, aide à l’acqui­si­tion de
com­pé­ten­ces, sou­tien psy­cho­so­cial, évaluation…).
- En plus de l’ini­tia­tion à l’éducation thé­ra­peu­ti­que, il suit une for­ma­tion de
quinze heures aux consul­ta­tions d’éducation thé­ra­peu­ti­que.

 Animation de séan­ces col­lec­ti­ves
- Le méde­cin trai­tant, ou tout autre pro­fes­sion­nel de santé de proxi­mité en
coor­di­na­tion avec lui, anime des séan­ces col­lec­ti­ves d’éducation
thé­ra­peu­ti­que.
- En plus de l’ini­tia­tion à l’éducation thé­ra­peu­ti­que, il suit une for­ma­tion de
quinze heures aux séan­ces col­lec­ti­ves d’éducation thé­ra­peu­ti­que.
Intégrer à la for­ma­tion ini­tiale des pro­fes­sion­nels de santé l’ensei­gne­ment des com­pé­ten­ces néces­sai­res à la pra­ti­que de l’éducation thé­ra­peu­ti­que

Pour les méde­cins

- 5 Intégrer au deuxième cycle des études médi­ca­les un ensei­gne­ment obli­ga­toire per­met­tant de pra­ti­quer l’éducation thé­ra­peu­ti­que (for­ma­tion à l’écoute, à la rela­tion d’aide, à l’appro­che cen­trée sur le patient…) sur la base d’un cahier des char­ges natio­nal ;

- 6 Inclure de manière consé­quente les conte­nus de ces ensei­gne­ments aux ques­tions de l’examen natio­nal clas­sant en méde­cine.

Pour les méde­cins et autres pro­fes­sion­nels de santé

- 7 Rendre obli­ga­toire, au cours des études de tous les pro­fes­sion­nels de santé, la réa­li­sa­tion d’un stage dans un ser­vice, un réseau, une asso­cia­tion ou auprès d’un pro­fes­sion­nel qui pra­ti­que l’éducation thé­ra­peu­ti­que du patient ;

- 8 Evaluer, notam­ment par des mises en situa­tion, les com­pé­ten­ces acqui­ses par les étudiants, dans les domai­nes de l’écoute, de la rela­tion avec le patient, de la prise en charge de la mala­die chro­ni­que, de l’éducation thé­ra­peu­ti­que.

Soutenir la mise en place de for­ma­tions conti­nues

- 9 Inscrire l’éducation thé­ra­peu­ti­que dans les thèmes prio­ri­tai­res de for­ma­tion conti­nue des dif­fé­rents pro­fes­sion­nels de santé ;

- 10 Soutenir, dans le domaine de l’éducation thé­ra­peu­ti­que, l’orga­ni­sa­tion de for­ma­tions réu­nis­sant dif­fé­rents pro­fes­sion­nels de santé exer­çant sur un même ter­ri­toire (favo­ri­sant ainsi la mise en place d’une éducation thé­ra­peu­ti­que « multi pro­fes­sion­nelle,
inter­dis­ci­pli­naire et inter­sec­to­rielle » comme pré­co­nisé par la Haute Autorité de santé).

Définir, au niveau de chaque région, un schéma d’orga­ni­sa­tion et un plan de déve­lop­pe­ment de l’éducation thé­ra­peu­ti­que

- 11 Intégrer l’éducation thé­ra­peu­ti­que au Programme régio­nal de santé ;

- 12 A partir d’une ana­lyse de l’exis­tant, défi­nir des prio­ri­tés et des objec­tifs de déve­lop­pe­ment de l’éducation thé­ra­peu­ti­que sur chaque ter­ri­toire de santé, afin de cou­vrir pro­gres­si­ve­ment tous les besoins et de per­met­tre une offre de ser­vice cohé­rente ;

- 13 Etablir un annuaire des res­sour­ces en éducation thé­ra­peu­ti­que (lieux, per­son­nes, acti­vi­tés) inté­grant ce qui existe en libé­ral, dans les réseaux, dans les asso­cia­tions de patients, dans les hôpi­taux, etc.

Intégrer ces recom­man­da­tions à la pro­chaine loi de santé publi­que

- 14 Traduire ces recom­man­da­tions en objec­tifs opé­ra­tion­nels et les inclure dans la pro­chaine loi de santé publi­que.

Synthèse

L’éducation thé­ra­peu­ti­que aide les per­son­nes attein­tes de mala­die chro­ni­que et leur
entou­rage à com­pren­dre la mala­die et le trai­te­ment, à coo­pé­rer avec les soi­gnants et à
main­te­nir ou amé­lio­rer leur qua­lité de vie. Pour bon nombre de patho­lo­gies, il est démon­tré
que l’éducation thé­ra­peu­ti­que des patients amé­liore l’effi­ca­cité des soins et permet de
réduire la fré­quence et la gra­vité des com­pli­ca­tions.

Compte tenu du nombre crois­sant de per­son­nes attein­tes de mala­die chro­ni­que en France
(envi­ron 15 mil­lions actuel­le­ment), les besoins en la matière sont très impor­tants.
L’éducation thé­ra­peu­ti­que ne peut pas être assu­rée par les seuls établissements
hos­pi­ta­liers. Elle devrait s’exer­cer au plus près des lieux de vie et de soins des patients.
En 2008, la Société fran­çaise de santé publi­que cons­ta­tait que « la plu­part des mala­des
chro­ni­ques ne [béné­fi­ciaient] d’aucun pro­gramme d’éducation thé­ra­peu­ti­que ».

Faut-il en
déduire pour autant qu’ils ne béné­fi­cient d’aucune éducation thé­ra­peu­ti­que, autre­ment dit
qu’aucun soi­gnant ne se préoc­cupe de les aider à pren­dre soin d’eux-mêmes ? Plus
vrai­sem­bla­ble­ment, une acti­vité d’éducation thé­ra­peu­ti­que se pra­ti­que de façon plus ou
moins for­ma­li­sée sur le ter­ri­toire : à côté des pro­gram­mes – qui évoquent un pro­ces­sus
limité dans le temps, dont le contenu et le dérou­le­ment sont pré­ci­sés à l’avance – il existe
une éducation thé­ra­peu­ti­que inté­grée à la pra­ti­que des pro­fes­sion­nels de pre­mier recours,
en par­ti­cu­lier à celle du méde­cin trai­tant. Il s’agit de la décrire, d’iden­ti­fier les mesu­res qui
per­met­tront son déve­lop­pe­ment et son arti­cu­la­tion avec les pro­gram­mes mis en oeuvre par
diver­ses struc­tu­res.

Le HCSP consi­dère qu’une éducation thé­ra­peu­ti­que sera véri­ta­ble­ment inté­grée aux soins lorsqu’elle pré­sen­tera les carac­té­ris­ti­ques sui­van­tes :
- être per­ma­nente, pré­sente tout au long de la chaîne de soins, inté­grée à une stra­té­gie glo­bale de prise en charge, régu­liè­re­ment évaluée et réa­jus­tée ;
- faire l’objet d’une coor­di­na­tion et d’un par­tage d’infor­ma­tions entre soi­gnants ;
- être acces­si­ble à tous les patients, sans obli­ga­tion d’adhé­rer à un pro­gramme par­ti­cu­lier pour en béné­fi­cier ;
- être ancrée dans la rela­tion soi­gnant/soigné, faire partie inté­grante des acti­vi­tés de tout soi­gnant en étant adap­tée au contexte de chaque soin, être fondée sur l’écoute du patient, sur l’adop­tion par le soi­gnant d’une pos­ture éducative ;
- être cen­trée sur le patient et non sur des conte­nus d’appren­tis­sage ;
- s’appuyer sur une évaluation par­ta­gée de la situa­tion, entre patient et soi­gnants, et sur des déci­sions concer­tées ;
- se cons­truire à partir d’une appro­che glo­bale de la per­sonne qui prend en compte les besoins, les atten­tes et les pos­si­bi­li­tés du patient et de son envi­ron­ne­ment, dans leurs dimen­sions phy­si­ques, psy­cho­lo­gi­ques, cultu­rel­les et socia­les ;
- être offi­ciel­le­ment reconnue et valo­ri­sée : men­tion­née dans les recom­man­da­tions pro­fes­sion­nel­les rela­ti­ves aux dif­fé­ren­tes patho­lo­gies, finan­cée dans le cadre des pra­ti­ques pro­fes­sion­nel­les et des acti­vi­tés de recher­che, ensei­gnée aux pro­fes­sion­nels de santé en for­ma­tion ini­tiale et conti­nue.

Le tra­vail mené par le HCSP lui a permis d’iden­ti­fier plu­sieurs fac­teurs sus­cep­ti­bles de
favo­ri­ser ou de frei­ner l’impli­ca­tion des méde­cins trai­tants et autres pro­fes­sion­nels de santé
de pre­mier recours dans la mise en oeuvre d’une éducation thé­ra­peu­ti­que de proxi­mité.
L’ana­lyse de ces fac­teurs l’amène à pro­po­ser quatre orien­ta­tions stra­té­gi­ques qui se
décli­nent en cinq mesu­res et qua­torze recom­man­da­tions.

Orientations stra­té­gi­ques

Pour favo­ri­ser le déve­lop­pe­ment rapide et struc­turé d’une éducation thé­ra­peu­ti­que inté­grée aux soins de pre­mier recours, le HCSP pro­pose les orien­ta­tions stra­té­gi­ques sui­van­tes :

Changer d’échelle

Qu’elles aient été impul­sées par des pro­fes­sion­nels (regrou­pés ou non en réseau), par des
asso­cia­tions, par des régi­mes d’assu­rance mala­die ou par les ser­vi­ces de l’Etat, qu’elles
aient été finan­cées par des fonds publics ou privés, les expé­rien­ces visant à déve­lop­per
l’éducation thé­ra­peu­ti­que de proxi­mité ne man­quent pas. Il s’agit main­te­nant d’en tirer
ensei­gne­ment pour ins­tal­ler un dis­po­si­tif géné­ra­lisé et pérenne.

Inverser la pers­pec­tive

De nom­breux établissements et ser­vice hos­pi­ta­liers ont mis en place des pro­gram­mes
struc­tu­rés d’éducation thé­ra­peu­ti­que et déplo­rent que le relais ne soit pas pris par les
pro­fes­sion­nels de santé de proxi­mité, quand le patient quitte l’établissement ou quand il
habite trop loin. Plutôt que vou­loir expor­ter ou pro­lon­ger ce qui se fait en milieu hos­pi­ta­lier, il
faut s’inté­res­ser d’abord à l’éducation thé­ra­peu­ti­que de pre­mier recours : reconnaî­tre et
valo­ri­ser le rôle du méde­cin trai­tant dans ce domaine, pren­dre en compte ce que font ou ce
que pour­raient faire les pro­fes­sion­nels de santé de proxi­mité en matière d’éducation
thé­ra­peu­ti­que et uti­li­ser les pro­gram­mes hos­pi­ta­liers en deuxième inten­tion, comme un
recours spé­cia­lisé.

Raisonner par ter­ri­toire

Une per­sonne peut souf­frir de plu­sieurs mala­dies chro­ni­ques. Les méde­cins géné­ra­lis­tes et
les infir­miers libé­raux sont poten­tiel­le­ment concer­nés par toutes les patho­lo­gies. Ces deux
cons­tats invi­tent à ima­gi­ner un cadre commun d’orga­ni­sa­tion de l’éducation thé­ra­peu­ti­que
sur un ter­ri­toire, plutôt qu’une jux­ta­po­si­tion de dis­po­si­tifs dif­fé­rents conçus patho­lo­gie par
patho­lo­gie.

Elargir la for­ma­tion des pro­fes­sion­nels de santé

Il est indis­pen­sa­ble d’adap­ter la for­ma­tion ini­tiale des pro­fes­sion­nels de santé aux réa­li­tés de
la mala­die chro­ni­que. Ce sont les facultés de méde­cine qui sont le plus en retard dans ce
domaine. Pour que les méde­cins soient mieux à même de soi­gner et d’accom­pa­gner les
patients au long cours, il faut donner une vraie place aux scien­ces humai­nes et socia­les
dans la for­ma­tion, abor­der sys­té­ma­ti­que­ment la pré­ven­tion, l’éducation pour la santé,
l’éducation thé­ra­peu­ti­que dans les cours et dans les stages, former les étudiants à la rela­tion
avec les patients et à l’écoute et, enfin, recou­rir à des moda­li­tés d’évaluation qui per­met­tent
d’appré­cier les com­pé­ten­ces réel­le­ment acqui­ses dans ces domai­nes.

Source :
http://www.hcsp.fr/docspdf/avis­rap­ports/hcs­pr20091112_edth­so­pr­resr.pdf

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