Enquête 2013 sur l’état d’esprit des infirmiers salariés

30 janvier 2013
Enquête sur l’état d’esprit des infirmiers salariés auprès de 1327 cotisants du SNPI CFE-CGC : rejet massif des transferts d’actes sans formation
En 2010, Wolters Kluwer avait fait réaliser par IPSOS un sondage auprès de 303 IDE. Le SNPI avait posé les mêmes questions à ses adhérents en janvier 2011 (1215 réponses). Pour mesurer l’évolution, il a de nouveau posé les mêmes questions en janvier 2013 (1327 réponses).
Le SNPI, syndicat des infirmières salariées, réalise ainsi tous les deux ans une enquête d’opinion interne afin de s’assurer qu’il est bien en phase avec ses cotisants. Bien entendu, une partie seulement des adhérents prend le temps de répondre, et nous n’avons pas le professionnalisme d’un institut de sondage. Néanmoins, c’est un outil très utile pour le SNPI qui vient en complément des avis de ses instances statutaires (Assemblée Générale, Conseil National).
Le résultat a été rendu public lors du Conseil National du 24 janvier 2011. Le SNPI a enregistré 1327 réponses, ventilées comme suit :
49% d’infirmières, 37 % de cadres infirmiers, 9% d’infirmières spécialisées, 5% formateurs
44% en hôpital public, 25% en hôpital non lucratif, 13% en cliniques lucratives, 13% en médico-social, 3% en IFSI et 2% en intérim
Vous trouverez la présentation synthétique dans le Powerpoint (en téléchargement ci-dessous) de tous les sujets abordés : état d’esprit, rapport au métier, stress, charge de travail, conditions de travail, rémunération, formation, évolution professionnelle, reconnaissance sociale, réforme universitaire LMD, confiance en l’avenir, prescription infirmière, ordre infirmier,…
On enregistre une importante démotivation, et une perte d’espoir : les sentiments négatifs prédominent pour 70% des sondés. Le niveau de stress augmente (69% en 2013, 66% en 2011, 56% en 2010) ainsi que la charge de travail (57% en 2013, 51% en 2010), face à des conditions de travail de plus en plus difficiles (47% en 2013, 42% en 2011). Malgré les faibles revalorisations de 2010 et 2012 dans le secteur public (réforme LMD des études) seulement 7% des infirmières enregistrent une évolution de leurs rémunérations (contre 16% en 2011).
De même, elles sont de moins en moins optimistes sur l’amélioration des possibilités de formation (15% en 2013 contre 25% en 2011), sur l’évolution du métier (9% en 2013, 25% en 2011) et sur la reconnaissance des pouvoirs publics (4% en 2013, 10% en 2011), des médecins (13% en 2013, 24% en 2011) et des patients (14% en 2013, 30% en 2011).
Mais ce qui a fait l’objet de nombreux commentaires libres des sondés, c’est le débat entre les coopérations d’une part, et les pratiques avancées en Master 2 d’autre part. L’article 51 de la loi Bachelot du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi HPST) autorise les « coopérations entre professionnels de santé », c’est-à-dire un protocole entre professionnels, accepté par l’Agence Régionale de Santé, pour effectuer la mise en place, à titre dérogatoire et à l’initiative des professionnels sur le terrain, de transferts d’actes ou d’activités de soins qui ne figurent pas dans le décret d’actes infirmiers (dit décret de compétences).
Une large consultation en décembre 2012, avec 13.234 réponses
Le SNPI CFE-CGC avait souhaité lancer une consultation auprès des professionnels, au travers de son site internet, en décembre 2012 : sur les 13.234 infirmières, cadres infirmiers ou infirmières spécialisées qui avaient répondu, 87 % de ces professionnels infirmiers étaient hostiles aux modalités de ces coopérations. Mais nous n’avions pas la ventilation par fonction, lieu d’exercice et anciennté.
Ici, ce nouveau sondage qualitatif est sur la base de 1327 réponses de cotisants au SNPI, opposés à 85% : le rejet est le même que l’on soit infirmière ou cadre, et quelque soit le secteur d’activité ou l’ancienneté d’exercice. En effet, les répondants défavorables aux coopérations :
sont infirmiers 46%, cadres 42%, formateurs 4%, IADE 4%, puéricultrices 3%, IBODE 1%
exercent en hôpital public 47%, privé non lucratif 21%, cliniques lucratives 15%, médico-social 13%, intérimaires 2%, IFSI 2%
avec une anciennté de moins de 2 ans 27%, entre 2 et 5 ans 31%, entre 5 et 10 ans 23%, plus de 10 ans 19%
Le refus d’un simple transfert d’actes pour gagner du temps médical
Cette mesure dérogatoire est massivement rejetée car :
1) la formation n’est pas validante (souvent sur le tas, par le médecin qui souhaite déléguer cette tâche), et différente d’un endroit à l’autre. Les compétences sont donc discutables, en particulier la capacité de réagir correctement en cas de problème ou de complication.
2) ces nouveaux actes sont pratiqués sans reconnaissance statutaire et salariale. C’est d’ailleurs une fonction « kleenex », dans la mesure où si le médecin s’en va, le protocole tombe, et l’infirmière retourne à la case départ.
3) les ARS ont tendance à étendre les protocoles à d’autres régions, alors qu’il n’y aucune évaluation des résultats obtenus (aucun protocole n’a un an d’existence).
« Ces protocoles de coopération permettent juste de régulariser des situations existantes, de légaliser de petits arrangements locaux » selon Thierry Amouroux, le Secrétaire Général du SNPI CFE-CGC. Mais ces protocoles ne comportent aucune garantie pour les usagers sur les qualifications et les compétences des professionnels impliqués, ainsi que sur la régularité et les modalités de leur exercice.
Les pratiques avancées doivent se faire en master 2
Pour Thierry Amouroux, la solution réside dans une reconnaissance officielle et nationale de pratiques, avec une rémunération et une formation conséquentes. « Plutôt que cette coopération, propre à chaque hôpital et à chaque service, nous sommes en faveur de pratiques avancées dans un cadre clair. Des pratiques autorisées après l’obtention d’un master 2, comme dans d’autres pays d’Europe. L’infirmier aura alors toute sa légitimité et pourra exercer sur tout le territoire, comme le fait un IADE aujourd’hui ».
Aujourd’hui, il existe déjà à l’Université d’Aix Marseille, le Master sciences cliniques infirmières (cancérologie, gérontologie, parcours complexes de soins) et à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, le Master Sciences cliniques en soins infirmiers (santé mentale, maladies chroniques, douleur et soins palliatifs). Il faut étendre ces Master, en combinant la valorisation de l’expérience professionnelle (validation des acquis de l’expérience VAE, reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle RAEP,…) et la formation universitaire professionnalisante.
Bien entendu, à l’étranger seulement 5% des infirmières font de tels masters, mais cet échelon intermédiaire entre l’infirmière à Bac +3 et le médecin à Bac +9 est indispensable, en particulier pour la prise en soins des patients chroniques et des personnes âgées.
Les coopérations article 51 sont juste une mauvaise réponse aux problèmes de désertification et de démographie médicale. Car le développement souhaitable des partages de compétences entre professionnels de santé, ne doit pas être le prétexte à faire n’importe quoi, juste pour libérer du temps médical.
En matière d’actes cliniques, il convient de souligner que la rémunération d’une consultation n’est liée ni à son niveau de difficulté ni à sa durée. Cela signifie que les consultations médicales les plus simples et les plus rapides (qui sont aussi celles qui sont considérées comme pouvant être éventuellement réalisées par un autre professionnel de santé) sont au final les plus « rentables » pour les médecins. Ces derniers n’ont donc pas d’incitation financière à confier la réalisation de ces consultations à un autre professionnel.
Notre syndicat représente les infirmiers salariés aux :
Conseil Supérieur de la Fonction Publique Hospitalière
Haut Conseil des Profession Paramédicales
Observatoire National des Emplois et des Métiers
Commission de Surveillance de l’Organisme Gestionnaire du Développement Professionnel Continu
Voir également ;
INFIRMIER.COM : 87% des infirmières hostiles aux coopérations interprofessionnelles
http://www.infirmiers.com/votre-carriere/votre-carriere/des-infirmieres-hostiles-aux-cooperations-interprofessionnelles.html
ACTUSOINS.COM : Une large majorité d’infirmières opposée aux protocoles de coopération
http://www.actusoins.com/12598/une-large-majorite-dinfirmieres-opposee-aux-protocoles-de-cooperation.html
SANTEMENTALE.FR : 87 % des infirmières hostiles aux transferts d’actes
http://www.santementale.fr/actualites/87pourcent-des-infirmieres-hostiles-aux-transferts-d-actes.html
SANTELOGCOM : 87% des infirmières hostiles aux coopérations de l’article 51 de la loi HPST – SNPI
http://blog.santelog.com/2012/12/19/87-des-infirmieres-hostiles-aux-cooperations-de-larticle-51-de-la-loi-hpst-snpi/
VEILLE PROSPECTIVE : 87% des infirmières hostiles aux coopérations de l’article 51 de la loi HPST