Inégalités : salaires et partage des profits

17 mai 2009

Document réalisé par le groupe de travail CFE-CGC sur le partage de la valeur ajoutée, le partage des profits et les écarts de rémunération : désespérance des classes moyennes peu à peu rattrapées par le smic, et sans aucun espoir de progression de leur revenu salarial net, c’est-à-dire sans perspective d’amélioration de leur niveau de vie.

L’ana­lyse de la CFE-CGC se résume en quatre points :
 1) La pre­mière cause de la crois­sance des iné­ga­li­tés, c’est l’emploi pré­caire (emplois de courte durée, temps par­tiels subis, etc..). La lutte contre la pré­ca­ri­sa­tion de l’emploi doit être une prio­rité natio­nale !
 2) La fer­me­ture conti­nuelle de l’éventail des rému­né­ra­tions, et plus encore, de l’éventail des reve­nus nets dis­po­ni­bles a atteint un niveau dérai­son­na­ble. C’est le déses­poir les clas­ses moyen­nes !
 3) Les pré­lè­ve­ments des action­nai­res sont deve­nus exces­sifs, ils hypo­thè­quent désor­mais la capa­cité d’auto­fi­nan­ce­ment des entre­pri­ses !
 4) L’épargne sala­riale doit être déve­lop­pée dans les PME, mais, bien sûr, dans le strict res­pect de la prio­rité sala­riale !

Le Président Sarkozy a confié le 23 février 2009 à Mr Cotis (DG de l’INSEE) une mis­sion d’évaluation « du par­tage de la Valeur Ajoutée, du par­tage des pro­fits, et des écarts de rému­né­ra­tion ». Après la réu­nion intro­duc­tive du 12 mars, où un projet de plan de tra­vail détaillé a été expli­cité, une réu­nion le 16 avril a permis aux mem­bres du groupe de tra­vail d’exa­mi­ner une pre­mière ver­sion très pro­vi­soire du rap­port. La pré­sente contri­bu­tion CFE-CGC a été élaborée en vue de la seconde et der­nière réu­nion du 6 mai.

La CFE-CGC sou­haite expri­mer ici une crainte sur le pro­ces­sus global, réaf­fir­mer ce qu’elle croit être une prio­rité natio­nale, et, après avoir rap­pelé les cons­tats qui concer­nent le par­tage de la valeur ajou­tée, et la répar­ti­tion des pro­fits, expri­mer sa demande cons­tante vis à vis de la pro­blé­ma­ti­que des écarts de rému­né­ra­tion, et for­mu­ler une sug­ges­tion :

Une crainte :

La CFE-CGC cons­tate d’une part l’excel­lence des tra­vaux de col­lecte des sta­tis­ti­ques, d’ana­lyse et de mise en forme, mais d’autre part aussi, l’extrême briè­veté du temps laissé aux mem­bres du groupe de tra­vail et à leurs orga­ni­sa­tions d’appar­te­nance, pour faire leur tra­vail de contrôle d’exhaus­ti­vité et d’expres­sion de point de vue (ini­tia­le­ment, le rap­port devait nous être trans­mis le 27 avril pour une réu­nion de clô­ture prévue le 28 avril, avant remise du rap­port au Président le 30 avril !). Par ailleurs, la der­nière loi sur le revenu du tra­vail date du 18 décem­bre 2008 ! Ne même pas lais­ser sécher l’encre d’une loi avant de remet­tre sur le chan­tier le plus vite pos­si­ble la loi sui­vante n’est pas rai­son­na­ble.

Dans ces condi­tions, la CFE-CGC craint que les mesu­res de la loi qui se pré­pare ne soient élaborées trop vite et que les lois ne s’avè­rent in fine dif­fi­ci­les à mettre en œuvre... Devrons-nous parler un jour de pré­ca­rité légis­la­tive ?

La prio­rité natio­nale :

Sur la ques­tion cen­trale de la pré­ca­rité, qui est sans doute la plus cru­ciale, les éléments d’ana­lyse du rap­port sont par­ti­cu­liè­re­ment clairs. Le pro­blème lan­ci­nant en France (et en Europe) est celui du déve­lop­pe­ment de la pré­ca­rité de l’emploi : Qu’il s’agisse de contrats pré­cai­res suc­ces­sifs (pour tous niveaux de qua­li­fi­ca­tion) ou de temps par­tiel subi (niveaux de qua­li­fi­ca­tion peu élevés), l’effet est le même. L’emploi pré­caire conduit à cumu­ler emploi et tra­vail avec pau­vreté et impos­si­bi­lité de cons­truire un projet de vie. C’est inac­cep­ta­ble. Lutter contre la pré­ca­rité de l’emploi doit être une prio­rité natio­nale.

Les cons­tats sur le par­tage de la valeur ajou­tée et sur la répar­ti­tion des pro­fits :

  Sur le par­tage de la Valeur Ajoutée  :

Sauf pen­dant une période par­ti­cu­lière des années 80, la Valeur Ajoutée se répar­tit de manière étonnamment stable à raison d’envi­ron deux tiers pour la rému­né­ra­tion glo­bale du tra­vail (salai­res et coti­sa­tions socia­les). Au delà de cette sta­bi­lité, la CFE-CGC tient à rap­pe­ler trois aspects :
 Cette répar­ti­tion ne com­prend pas, côté rému­né­ra­tion des action­nai­res, l’effet des plus-values, qui est pour­tant, sauf en ces actuels temps de crise, une part majeure des res­sour­ces action­na­ria­les.
 D’autre part, la crois­sance actuel­le­ment très faible, et la forte pro­gres­sion du coût de la pro­tec­tion sociale ont pour résul­tat une sta­gna­tion glo­bale des salai­res.
 Enfin, la crois­sance de l’emploi pré­caire induit une pro­por­tion crois­sante de sala­riés à très faible revenu. Pour la CFE-CGC, c’est là le pro­blème le plus urgent de notre société.

  Sur le par­tage des pro­fits  :

L’assai­nis­se­ment de la struc­ture de bilan des socié­tés avec la réduc­tion du poids de leur dette est patent tout au cours des années 90. Aujourd’hui ce mou­ve­ment est achevé. Le paie­ment de l’impôt semble pro­por­tion­nel­le­ment plutôt stable. Par contre les reve­nus dis­tri­bués aux action­nai­res sont en crois­sance conti­nuelle (aujourd’hui 36% des pro­fits en moyenne). Ce mou­ve­ment se pour­suit depuis le début des années 80 au détri­ment de l’auto­fi­nan­ce­ment. Pour la CFE-CGC, ce mou­ve­ment en exces­sive faveur des action­nai­res ne peut que fra­gi­li­ser les entre­pri­ses.

La demande cons­tante de la CFE-CGC en ce qui concerne les écarts de rému­né­ra­tion :

La CFE-CGC insiste pour que les ana­ly­ses des écarts soient repla­cées dans leur contexte fiscal, et soient faites sur des salai­res de temps plein. Il faut rai­son­ner en termes com­pa­ra­bles de revenu sala­rial effec­ti­ve­ment dis­po­ni­ble. Les éléments de syn­thèse, et même le rap­port final, ne par­lent que « du bout des lèvres » de la fer­me­ture de l’éventail des salai­res, comme s’il s’agis­sait d’un tabou. Pourtant le rap­port exhaus­tif démon­tre la réa­lité et la rapi­dité de la fer­me­ture de l’éventail des rému­né­ra­tions... sans parler de l’éventail des reve­nus sala­riaux nets de fis­ca­lité !..

  Sur la nature des emplois pris en compte  :

Le pre­mier projet de rap­port incluait plei­ne­ment dans l’ana­lyse les très hauts salai­res qui ne repré­sen­tent qu’un très faible nombre d’indi­vi­dus en situa­tion spé­ci­fi­que, et les sala­riés à temps par­tiel, ce qui est très dis­cu­ta­ble en regard du sala­riat ordi­naire. Dans ces condi­tions, le rap­port des déci­les extrê­mes se situe dans un ratio de l’ordre de 3,5.

Après exclu­sion du der­nier dix-mil­lième des très hauts salai­res (sou­li­gnons à ce propos que ce qui défraye la chro­ni­que, ce sont des situa­tions de man­da­tai­res sociaux, qui ne sont pas sala­riés...) et sépa­ra­tion du sala­riat à temps par­tiel (temps par­tiel voulu ou subi, sala­riés par­tant en retraite en cours d’année, etc...ce qui repré­sente 12% des sala­riés, c’est-à-dire que le pre­mier décile ne comp­tait que des temps par­tiels !), ce ratio entre le pre­mier décile et le der­nier décile est de 3 envi­ron.

  Sur l’effet fiscal et la redis­tri­bu­tion  :

A l’heure où via les CSG et CRDS, la fron­tière entre coti­sa­tions socia­les et fis­ca­lité s’estompe, un « focus » sur l’impact fiscal dans le calcul du ratio de revenu sala­rial s’impo­sait. Il a été réa­lisé, mais en le com­plexi­fiant au maxi­mum, sous cou­vert de rigueur, certes, mais cela le rend d’autant plus dif­fi­ci­le­ment lisi­ble et uti­li­sa­ble, nous le regret­tons...

Après effet fiscal et de redis­tri­bu­tion, le revenu effec­ti­ve­ment dis­po­ni­ble qui est le véri­ta­ble indi­ca­teur de niveau de vie des sala­riés se cale sur un ratio de 2 entre le pre­mier décile et le décile le plus élevé !... à l’évidence, res­ser­rer encore l’éventail des reve­nus dis­po­ni­bles est tout sim­ple­ment sui­ci­daire pour l’équilibre de notre société.

La conju­gai­son du blo­cage (scan­da­leux) des salai­res des per­son­nels de l’enca­dre­ment par bien des entre­pri­ses, et des (néces­sai­res) « coups de pouce » au smic ont pour résul­tat sur le ter­rain la déses­pé­rance des clas­ses moyen­nes peu à peu rat­tra­pées par le smic, et sans aucun espoir de pro­gres­sion de leur revenu sala­rial net, c’est-à-dire sans pers­pec­tive d’amé­lio­ra­tion de leur niveau de vie. C’est ce que la CFE-CGC cons­tate tous les jours. Nous le véri­fions aujourd’hui par ce rap­port. Comment favo­ri­ser le dyna­misme notam­ment des jeunes si l’avenir est à un sala­riat sur - qua­li­fié et sous - rému­néré ?

Une sug­ges­tion :

L’épargne sala­riale est, pour partie, une par­ti­ci­pa­tion aux pro­fits, donc d’un élément de même rang que les divi­den­des versés aux action­nai­res. Mais il ne s’agit pas pour autant d’une forme de rému­né­ra­tion du capi­tal, comme curieu­se­ment envi­sagé dans le rap­port ! Ses flux repré­sen­tent aujourd’hui envi­ron 7% des pro­fits.

Mais ce chif­frage est très ambigu puisqu’il inclue les ver­se­ments volon­tai­res des sala­riés, ainsi que le déve­lop­pe­ment de l’action­na­riat, qui pro­vien­nent de l’épargne per­son­nelle des sala­riés. Si l’on en croit les sta­tis­ti­ques de l’AFG, le chif­fre réel au titre de la part de pro­fits devrait lui être net­te­ment infé­rieur, donc de l’ordre de 4% à 5% des pro­fits. Il y a donc une marge de déve­lop­pe­ment pos­si­ble.

Il convien­drait que l’INSEE fasse un com­plé­ment d’étude par taille d’entre­prise. On y cons­ta­te­rait que l’épargne sala­riale n’accen­tue pas les iné­ga­li­tés au sein d’une même entre­prise, bien au contraire, mais c’est la quasi absence d’épargne sala­riale au sein des PME qui accen­tue les écarts de rému­né­ra­tion glo­bale entre les sala­riés.

Voilà pour­quoi, entre autres rai­sons, la CFE-CGC fait ce qu’il lui est pos­si­ble, notam­ment avec d’autres orga­ni­sa­tions de sala­riés au sein du CIES, pour que cette forme de rému­né­ra­tion se déve­loppe au sein des PME, dans des condi­tions qui res­pec­tent la claire et cons­tante prio­rité sala­riale.

Enfin, la CFE-CGC estime que cette épargne sala­riale a sur­tout besoin de sta­bi­lité après plu­sieurs années de conti­nuel­les modi­fi­ca­tions légis­la­ti­ves et com­plexi­fi­ca­tions régle­men­tai­res.

Jean CONAN
Secrétaire Confédéral CFE-CGC

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