La santé : un capital en construction dès l’enfance

12 juin 2014
ADSP : Actualité et dossier en santé publique n° 86
La France est un pays riche de ses enfants et le taux de natalité ne fléchit pas. L’enjeu est de les conduire à la vie d’adulte dans les meilleures conditions possibles pour chacun. Afin d’y parvenir, le parcours de l’enfance et de l’adolescence doit éviter un certain nombre d’écueils.
Plus que les risques de maladies somatiques, aiguës ou chroniques, qui ne seront pas traitées ici, le dossier s’attachera à décrire les conditions du développement physique et psychique des enfants et des jeunes, ainsi qu’à appréhender les conditions favorables aux acquisitions et aux apprentissages sociaux.
Les professionnels en charge de la santé et du développement des enfants et des jeunes pourront y puiser des réflexions et des sources d’actions concrètes : http://www.hcsp.fr/explore.cgi/adsp?clef=143
Réduire les inégalités : un combat à mener dès l’enfance
(Roger Salamon)
La France est considérée en Europe comme l’un des pays les plus inégalitaires en matière de santé.
Alors même que la solidarité est le maître mot de notre système de santé, que l’OMS il y a
plusieurs années positionnait la France en tête de tous les pays occidentaux dans le secteur
de la santé, cette position de champion des inégalités nous surprend et nous interroge.
Elle nous surprend car nous ne savons pas clairement sur quelle base, avec quels critères et quel
recueil de données ce classement est réalisé, et nous savons mal à quoi imputer les écarts constatés.
En effet, les inégalités de santé sont le reflet :
d’inégalités socio-économiques et territoriales qui ne sont pas en relation directe avec le système
de santé ;
d’inégalités dans l’exposition à des facteurs de risque ;
d’inégalités dans la prévention et le dépistage ;
d’inégalités dans la prise en charge.
Si les études comparatives réalisées étaient « standardisées » (je doute qu’elles le soient), c’est-à-dire
si l’on avait entre différents pays analysé des groupes de populations comparables (même statut
socio-économique, personnes âgées par exemple), je pense que notre classement aurait pu être
différent. Mais la question n’est pas là. Quelle que soit la position dans un classement européen,
les inégalités de santé doivent être l’objet de toute notre attention étant a priori insupportables.
Encore faut-il distinguer entre les inégalités quasi inévitables (liées par exemple aux génotypes) et
les inégalités évitables. La correction ou la prévention de ces dernières dépend rarement du seul
système de santé mais beaucoup des autres secteurs. Toute réflexion cohérente sur le thème des
inégalités de santé conduit inévitablement au constat que, parmi les inégalités évitables, la plupart
se construisent dès l’enfance et peuvent être combattues grâce à des actions qui touchent à la
formation, à la détection et au dépistage.
La formation devrait concerner les enseignants tout au long de la vie scolaire pour qu’ils participent
à la promotion de la santé au même titre qu’ils le font pour la promotion de la citoyenneté. Des
notions doivent être fournies pour permettre aux enfants de se sentir concernés par leur santé et
éviter, autant que faire ce peut, les conduites à risques. Cela n’est pas simple à réaliser car on se
heurte à plusieurs difficultés :
Quels messages faire passer et comment les faire passer ?
Comment faire accepter aux enseignants que c’est leur rôle et qu’il n’est pas question, ce faisant,
d’alourdir leur programme ? Comment faire comprendre aux politiques que c’est le rôle de l’école et pas
exclusivement celui de la famille (auquel cas il y aurait matière à un accroissement des inégalités) ?
Comment faire comprendre au corps médical (je pense prioritairement aux médecins scolaires)
que ce n’est pas leur rôle et que cette activité de promotion de la santé se situe en amont du
système sanitaire ?
La détection des échecs scolaires ou des comportements à risque devrait être mieux réalisée par les
enseignants mais aussi par le personnel des écoles (surveillants, personnel des cantines).
Le dépistage des troubles sensoriels des enfants scolarisés est un moment privilégié pour détecter
les déficiences susceptibles de gravement handicaper la réussite scolaire et la qualité de vie des
enfants concernés. La mise en oeuvre de tels dépistages est prévue et obligatoire, mais il convient d’en
améliorer la couverture en la rendant exhaustive aux âges clés. Dans les suites de ces dépistages,
lorsqu’un déficit est découvert, il faut s’assurer que la prise en charge est effective pour tous. Le
rôle des infirmières et médecins scolaires est là essentiel.
Au prix de tels efforts et améliorations, on peut espérer que la promotion de la santé dès l’enfance
et le plus jeune âge, contribuera fortement à réduire les inégalités de santé, mais aussi à diminuer
chez les jeunes et les adultes un certain nombre de pathologies coûteuses tant en quantité et qualité
de vie pour les individus que financièrement pour la société ; on pense évidemment en priorité aux
principaux déterminants de l’état de santé (tabac, excès pondéral, alcool…).
Roger Salamon
Président du
Haut Conseil de la
santé publique