Les jeunes infirmières s’en vont, c’est un vrai gâchis humain

8 janvier 2008

A l’occasion de l’ouverture des négociations sur les heures sup et la RTT, deux militants du SNPI ont fait l’objet d’articles sur LIBERATION.FR le 7 janvier 2008 :

Thierry Amouroux, pré­si­dent du syn­di­cat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers (CFE-CGC), demande une vraie reconnais­sance des heures sup­plé­men­tai­res et des contrain­tes des infir­miè­res. Le syn­di­cat a déposé un préa­vis de grève le 24 jan­vier.

La minis­tre de la Santé Roselyne Bachelot ouvre ce lundi une concer­ta­tion avec les repré­sen­tants des pra­ti­ciens et per­son­nels hos­pi­ta­liers, qui pro­tes­tent notam­ment contre le non-paie­ment de leurs heures sup­plé­men­tai­res. Entretien avec Thierry Amouroux, pré­si­dent du syn­di­cat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers (CFE-CGC) qui repré­sente 8.000 infir­miers et a déposé un préa­vis de grève pour le 24 jan­vier.

Quel est aujourd’hui le poids des heures sup­plé­men­tai­res sur le temps de tra­vail d’un infir­mier ?
Sur une année, on estime à 14 jours le temps d’heures sup­plé­men­tai­res non-payées mais reconnues, c’est-à-dire effec­tuées à la demande de l’admi­nis­tra­tion. Demande que les infir­miè­res ne peu­vent pas refu­ser, puisqu’il faut bien qu’il y ait quelqu’un pour s’occu­per des patients. Ce à quoi il faut ajou­ter les heures sup­plé­men­tai­res non-reconnues, au moins une demi-heure en plus par jour. Sur le papier, les infir­miè­res sont aux 35 heures. Mais comme elles tra­vaillent en flux tendu et en sous-effec­tif, elles sont obli­gées de rester un peu plus à la fin de leur ser­vice pour ne pas alour­dir encore la charge de l’équipe qui prend le relais.

Le pro­blème des heures sup­plé­men­tai­res s’aggrave-t-il d’année en année ?
Oui et non. Depuis quel­ques années, le chif­fre des postes vacants est stable. En région pari­sienne par exem­ple, où la pénu­rie est par­ti­cu­liè­re­ment forte, l’APHP (Assistance Publique - Hôpitaux de Paris) a besoin de 1200 postes sup­plé­men­tai­res. Mais en revan­che la charge de tra­vail aug­mente, avec le déve­lop­pe­ment de l’hos­pi­ta­li­sa­tion à domi­cile qui a pour effet de lais­ser dans les hôpi­taux uni­que­ment les patients qui néces­si­tent des trai­te­ments lourds.
Il faut donc faire de plus en plus de soins, alors même que le per­son­nel est de moins en moins expé­ri­menté : aujourd’hui les deux-tiers des infir­miè­res ont moins de cinq ans d’acti­vité, et l’autre tiers est à quel­ques années du départ à la retraite. D’ici 2015, 55% des infir­miè­res par­ti­ront à la retraite. Quant aux nou­vel­les, en géné­ral elles res­tent quel­ques années à l’hôpi­tal puis se reconver­tis­sent ailleurs pour avoir de meilleu­res condi­tions de tra­vail, géné­ra­le­ment dans l’ensei­gne­ment ou dans les métiers liées à la petite enfance. C’est un vrai gâchis humain.

Qu’en est-il du pro­blème du manque reconnais­sance des contrain­tes ?
C’est le deuxième point sur lequel nous atten­dons de vraies avan­cées. Les infir­miè­res tra­vaillent un week-end sur deux, mais la prime est de 45 euros seu­le­ment, alors que dans le privé, le salaire est doublé. De même pour le tra­vail de nuit : la prime est d’un euro en plus de l’heure, c’est déri­soire. On ne demande pas l’aumône, mais la reconnais­sance des condi­tions de tra­vail du per­son­nel soi­gnant.

La minis­tre de la Santé reçoit votre fédé­ra­tion demain mardi. Quelles sont vos reven­di­ca­tions ?
Nous deman­dons d’abord le paie­ment des heures sup­plé­men­tai­res pour les infir­miè­res qui le sou­hai­tent, avec une majo­ra­tion de 25%, comme dans le privé. Il faut ensuite que le tra­vail du week-end et de nuit soit rému­néré à sa juste valeur. C’est la seule façon de rendre ce métier plus attrac­tif et ainsi d’endi­guer la pénu­rie de per­son­nel.

Premier arti­cle paru sur www.libe­ra­tion.fr

Personnel soi­gnant : « On devient des machi­nes, au détri­ment des patients »

Charge de tra­vail de plus en plus lour­des, manque de reconnais­sance, heures supl­lé­men­tai­res impayées... Les infir­miè­res voient leurs condi­tions de tra­vail se dégra­der. Témoignages.

Cathie, infir­mière depuis 24 ans, en poste en pneu­mo­lo­gie et onco­lo­gie tho­ra­ci­que à l’hôpi­tal Saint-Louis à Paris.

« Comme pour les méde­cins, notre pro­fes­sion est un sacer­doce. Tous les jours on déborde sur nos horai­res. On arrive un peu plus tôt le matin, on repart plus tard le soir, d’autant que le plan­ning ne pré­voit pas de "che­vau­che­ment" pour la trans­mis­sion avec l’équipe qui prend la relève.

Il faut men­dier auprès de la direc­tion pour essayer de récu­pé­rer quel­ques heures. C’est au bon vou­loir des ser­vi­ces. Quant aux fameux comp­tes épargne-temps, c’est un piège. J’ai accu­mulé 70 jours dessus, mais on ne peut pas me les rendre, puis­que on ne peut pas être rem­pla­cées étant donné le manque de per­son­nel.

Si l’une d’entre nous a une urgence fami­liale et ne peut vrai­ment pas venir, c’est tout de suite un drame. Même quand la direc­tion accepte la dis­cus­sion, on se heurte tou­jours à un mur : pas de per­son­nels, pas de moyens... Nos supé­rieurs ont les poings liés.

La charge de tra­vail est de plus en plus lourde : aujourd’hui, avec la nou­velle tari­fi­ca­tion, ne vien­nent à l’hôpi­tal que ceux qui ont besoin de beau­coup de soins. Le per­son­nel est fati­gué, cer­tains sont à bout, ce qui n’arrange pas les rela­tions pro­fes­sion­nel­les ni fami­lia­les. Il ne faut pas s’étonner quand on dit que c’est l’une des pro­fes­sions où le taux de divorce est le plus élevé !

La nou­velle géné­ra­tion a l’air de se pro­té­ger plus, les nou­vel­les infir­miè­res sont sou­vent plus indi­vi­dua­lis­tes. Le don de soi, c’est un peu fini. Mais pour elles le choc est vio­lent, et en géné­ral elles par­tent assez vite. »

Le témoi­gnage de Cathie Erissy, mili­tante SNPI de la sec­tion CFE-CGC de l’AP-HP paru sur www.libe­ra­tion.fr

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