Les soignants français pour un moratoire sur l’utilisation des armes sub-létales

Les soignants français pour un moratoire sur l'utilisation des armes sub-létales

3 février 2019

Enucléation, ampu­ta­tion, crânes fra­cas­sés, fracas maxillo-facial et den­taire, trau­ma­tisme cranio-céré­bral. Les infir­miè­res des urgen­ces ne sont pas for­mées pour faire face à de telles bles­su­res de guerre sur la popu­la­tion civile (18 per­son­nes ont perdu un œil, 4 autres une main), estime le SNPI.

Le doc­teur Laurent Thines, pro­fes­seur de neu­ro­chi­rur­gie au CHU de Besançon, est à l’ori­gine d’une péti­tion de pro­fes­sion­nels soi­gnants, pour un mora­toire sur l’uti­li­sa­tion des armes sublé­ta­les, afin d’aler­ter sur leur dan­ge­ro­sité extrême.

Il a beau­coup réflé­chi avant de lancer cette péti­tion pour la sus­pen­sion des armes sublé­ta­les LBD40, mais aussi les gre­na­des de désen­cer­cle­ment. "J’ai été très choqué, en tant que neu­ro­chi­rur­gien, de la gra­vité des lésions qui étaient infli­gées à des per­son­nes qui, dans beau­coup de cas, mani­fes­taient de façon paci­fi­que."

"J’ai pu consul­ter les images des scan­ners ano­ny­mi­sés de cer­tains patients. On retrouve à la fois des lésions exter­nes, des plaies du cuir che­velu, des contu­sions ou, chez cer­tains patients, la perte d’un œil et des lésions inter­nes, du même type que celles que l’on trouve sur des scènes de guerre ou sur des acci­dents graves de la route."

Le SNPI, syn­di­cat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers, vous invite donc à signer la péti­tion ci-des­sous : https://www.change.org/p/les-soi­gnants-fran­çais-pour-un-mora­toire-sur-l-uti­li­sa­tion-des-armes-sub-léta­les?recrui­ter=46773960&utm_source=share_peti­tion&utm_medium=twit­ter&utm_cam­paign=psf_combo_share_mes­sage.paci­fic_post_sap_share_gmail_abi.gmail_abi&utm_term=482990

Chers col­lè­gues,

Je m’appelle Laurent Thines. Je suis neu­ro­chi­rur­gien et chef de ser­vice au CHRU de Besançon. Soignant comme vous, j’ai été par­ti­cu­liè­re­ment choqué par les photos prises et les lésions obser­vées chez les per­son­nes bles­sées lors des mou­ve­ments de mani­fes­ta­tion. Beaucoup, très jeunes (poten­tiel­le­ment nos enfants), ont été muti­lés alors qu’ils ne repré­sen­taient aucune menace pour les forces de l’ordre.

Un pro­jec­tile de type LBD4O, par exem­ple, lancé à plus de 90m/sec (324 km/h) a une force d’impact de 200 joules : c’est comme si on vous lâchait un par­paing de 20kg sur le visage d’une hau­teur de 1m !

C’est très des­truc­teur comme en témoi­gne les bles­su­res de nom­breux mani­fes­tants : sur ces 2 photos de scan­ner 3D, vous pouvez par vous même cons­ta­ter les dégâts inter­nes pro­vo­qués par un LBD avec enfon­ce­ment du crâne (embar­rure) sur la photo de gauche (four­nie par un gilet jaune blessé en pro­vince qui sou­haite rester ano­nyme) et com­paré à un impact d’acci­dent de la route grave sur la photo de droite. Le même type de lésions !!!

Je crois qu’il est de notre devoir, en tant que soi­gnants d’aler­ter sur la dan­ge­ro­sité extrême de ces armes, dites sub-léta­les et c’est pour­quoi je viens de lancer cette péti­tion "Les soi­gnants fran­çais pour un Moratoire sur l’uti­li­sa­tion des armes sub-léta­les ». Je sou­hai­te­rais savoir si vous vou­driez par­ti­ci­per en signant ce com­mu­ni­qué pour porter notre voix et en dif­fu­sant cette péti­tion auprès de vos contacts médi­caux et para­mé­di­caux :

"Les dif­fé­rents mou­ve­ments de reven­di­ca­tion qui ont eu lieu ces der­niè­res années dans notre pays (mani­fes­ta­tions de lycéens, écologistes, tra­vailleurs, gilets jaunes) ont montré que de nom­breux conci­toyens ont été gra­ve­ment bles­sés par l’uti­li­sa­tion de lan­ceurs de balle de défense (flash-ball, LBD40) ou de gre­na­des (de type lacry­mo­gène ou désen­cer­cle­ment).

Les récents événements ont permis de rap­por­ter à ce jour plus de 90 bles­sés graves parmi les mani­fes­tants en rela­tion avec le mésu­sage de ces armes (per­son­nels non formés, non res­pect du règle­ment ou des condi­tions d’uti­li­sa­tion, ciblage volon­taire de l’extré­mité cer­vico-cépha­li­que). Les lésions cons­ta­tées et prises en charge par Nous, per­son­nels soi­gnants, dues à ces armes uti­li­sées sur des per­son­nes par­fois très jeunes ou âgées, exer­çant leur droit à mani­fes­ter, sont cho­quan­tes et inac­cep­ta­bles : énucléation, ampu­ta­tion d’extré­mité de membre, fracas maxillo-facial et den­taire, trau­ma­tisme cranio-céré­bral enga­geant le pro­nos­tic vital… Tant de vies ont été ainsi sacri­fiées…

Une étude récente, publiée en 2017 dans le British Medical Journal Open, rap­porte une col­lec­tion inter­na­tio­nale de 1984 cas de trau­ma­tis­mes liés à ces armes dites « sub-léta­les » :le risque cumulé de décès (3%) ou de han­di­cap séquel­laire grave (15,5%) est d’envi­ron 1 chance sur 5. Pour com­pa­ra­tif le risque de rece­voir la balle à la rou­lette russe est de 1 sur 6. Cette étude confirme donc l’extrême dan­ge­ro­sité cons­ta­tée dans notre pays de ces armes, au même titre que les armes à feu.

(Haar RJ, Iacopino V, Ranadive N, et al. Death, injury and disa­bi­lity from kine­tic impact pro­jec­ti­les in crowd-control set­tings : a sys­te­ma­tic review. BMJ Open 2017 ;7:e018154. doi:10.1136/ bmjo­pen-2017-018154)

Pour toutes ces rai­sons, Nous, soi­gnants (méde­cins, chi­rur­giens, urgen­tis­tes, réa­ni­ma­teurs, infir­mier(e)s, aides soi­gnant(e)s…) apo­li­ti­ques et atta­chés à l’idéal de notre pays, la France, au tra­vers de la décla­ra­tion des Droits de l’Homme, de la Femme et du Citoyen, deman­dons qu’un Moratoire soit appli­qué sur l’usage des armes sub-léta­les de main­tien de l’ordre en vue de bannir leur uti­li­sa­tion lors des mani­fes­ta­tions."

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