Partout où la guerre détruit, les soins reconstruisent

13 juin 2025

La paix ne com­mence pas dans les trai­tés, mais dans les gestes quo­ti­diens. C’est l’un des mes­sa­ges puis­sants qui a émergé du Congrès mon­dial du Conseil International des Infirmières (CII) à Helsinki, où plus de 6.500 infir­miè­res du monde entier se sont ras­sem­blées du 9 au 13 juin pour réflé­chir à leur rôle dans un monde en crise. Cette année, #HealthForPeace à fait l’objet d’une confé­rence plé­nière, car les soins de santé ne sont pas neu­tres, ils sont le socle sur lequel peut s’édifier une paix dura­ble.

Et la paix, rap­pelle le CII, n’est pas sim­ple­ment l’absence de guerre. C’est la pré­sence d’oppor­tu­ni­tés. C’est l’accès à la santé, à la dignité, à l’égalité. C’est un envi­ron­ne­ment où chaque être humain peut vivre libre de la peur, de la vio­lence, de la négli­gence. Et en ce sens, chaque infir­mière, chaque jour, est un agent de paix.

Dans les zones de guerre, les hôpi­taux sont par­fois les der­niers refu­ges. Mais même loin des champs de bataille, les infir­miè­res sont en pre­mière ligne de conflits silen­cieux : iné­ga­li­tés socia­les, vio­len­ces sexuel­les, catas­tro­phes cli­ma­ti­ques, dis­cri­mi­na­tions sys­té­mi­ques. Partout où la dignité humaine est mena­cée, elles soi­gnent, accom­pa­gnent, pro­tè­gent. Elles sont pré­sen­tes lors­que les gou­ver­ne­ments échouent, lors­que les ins­ti­tu­tions vacillent.

Au Soudan, en Haïti, en Ukraine ou à Gaza, des infir­miè­res conti­nuent d’exer­cer dans des condi­tions inhu­mai­nes, sou­vent sans salaire, sans maté­riel, sans répit. Leur enga­ge­ment n’est pas seu­le­ment une preuve de cou­rage : c’est un acte poli­ti­que. Elles refu­sent la déshu­ma­ni­sa­tion. Elles main­tien­nent le fil fra­gile de l’huma­nité dans le chaos. Elles rap­pel­lent que même au cœur de l’hor­reur, chaque vie compte.

« La pro­fes­sion incarne l’équité et la dignité, car nous four­nis­sons des soins équitables jour après jour », déclare le CII. Cette affir­ma­tion est loin d’être ano­dine. Offrir les mêmes soins à tous, quels que soient l’âge, l’ori­gine, le genre ou le statut social, c’est s’oppo­ser à la logi­que du tri, de l’exclu­sion, de la mar­chan­di­sa­tion de la santé. C’est affir­mer que la santé n’est pas un pri­vi­lège, mais un droit fon­da­men­tal.

Dans les pays les plus riches comme les plus pau­vres, les infir­miè­res sont sou­vent les seules à tendre la main aux oubliés. En zone rurale, en prison, en bidon­ville ou en EHPAD, elles posent le même diag­nos­tic que sur une ligne de front : per­sonne ne devrait être aban­donné.

Le CII le rap­pelle avec force : les soins infir­miers ont un rôle majeur dans la pré­ven­tion de la vio­lence, qu’elle soit fami­liale, com­mu­nau­taire, économique ou poli­ti­que. Une infir­mière sco­laire qui iden­ti­fie un enfant vic­time de mal­trai­tance, une infir­mière de santé men­tale qui accom­pa­gne un patient en crise, une infir­mière en addic­to­lo­gie qui recrée du lien – toutes œuvrent à désa­mor­cer les spi­ra­les de haine et de des­truc­tion.

La santé men­tale, en par­ti­cu­lier, est un levier puis­sant de paci­fi­ca­tion sociale. Investir dans les soins psy­chi­ques, c’est offrir des issues à ceux que le déses­poir enferme. C’est éviter que la souf­france ne se trans­forme en rage. C’est pré­ve­nir l’irré­pa­ra­ble.

Mais cette contri­bu­tion essen­tielle à la paix reste trop sou­vent invi­si­ble, sous-payée, sous-esti­mée. Le manque de reconnais­sance, de moyens, de sécu­rité met en péril une pro­fes­sion déjà épuisée. Et lors­que les infir­miè­res cra­quent, c’est tout le tissu social qui se déchire.

C’est pour­quoi le CII appelle les gou­ver­ne­ments à agir : former, recru­ter, pro­té­ger, rému­né­rer décem­ment les infir­miè­res n’est pas seu­le­ment un impé­ra­tif sani­taire – c’est une stra­té­gie de sta­bi­lité et de rési­lience. Dans un monde ins­ta­ble, les sys­tè­mes de santé sont des piliers de cohé­sion. Et au cœur de ces sys­tè­mes, il y a les infir­miè­res.

"La force du mou­ve­ment infir­mier est sa dimen­sion uni­ver­selle. Aux quatre coins du monde, au-delà des fron­tiè­res, des reli­gions et des régi­mes poli­ti­ques, les infir­miè­res par­ta­gent un même socle de valeurs : res­pect, com­pas­sion, éthique, jus­tice. C’est ce socle qui leur permet de bâtir des ponts là où d’autres érigent des murs." pré­cise Thierry Amouroux, le porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI.

À Helsinki, cette fra­ter­nité pro­fes­sion­nelle s’est tra­duite par des témoi­gna­ges bou­le­ver­sants, des soli­da­ri­tés concrè­tes, et des enga­ge­ments par­ta­gés. Dans les cou­loirs du congrès, une évidence s’est impo­sée : les soins ne sont pas seu­le­ment une réponse aux bles­su­res du monde. Ils sont aussi une espé­rance.

Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Etats Généraux Infirmiers CIF : une profession qui se rassemble

Les États Généraux Infirmiers "Pour que la loi infirmière devienne soin", organisés par le (…)

Vacciner aujourd’hui pour protéger l’autonomie demain : un enjeu central du bien vieillir

Vieillir en bonne santé n’est pas un luxe. C’est la condition d’une société qui assume son (…)

De Bruxelles à Paris : le même combat pour protéger les patients et les vulnérables

Quand un gouvernement décide de réduire massivement les dépenses publiques, ce ne sont jamais (…)

Diabète, surpoids, cancers : le Nutri-Score peut changer la santé publique

Informer pour prévenir. Prévenir pour protéger. La prévention n’est pas un slogan : c’est le (…)

PLFSS 2026 : unir la voix des patients et des soignants pour un système plus juste

Quand le budget devient un prétexte pour restreindre l’accès aux soins, ce sont toujours les (…)

Ecoles mal ventilées : un risque massif ignoré par les municipalités

Chaque jour, 6,4 millions d’enfants respirent un air dont personne ne leur garantit la qualité. (…)