Perte d’autonomie des personnes âgées : pour 500 euros mensuels, t’as plus rien !

25 juillet 2010

Communiqué de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP) daté du 12.07.10

« Pour 500 euros men­suels, t’as plus rien ! », c’est la pre­mière réac­tion qui vient à l’esprit à la lec­ture du rap­port de la mis­sion par­le­men­taire sur la perte d’auto­no­mie des per­son­nes âgées pré­si­dée par la dépu­tée Valérie Rosso-Debord. La mis­sion pro­pose en effet qu’une assu­rance obli­ga­toire sous­crite à partir de 50 ans, avec le paie­ment d’une prime de 15 euros men­suels, apporte une rente de 500 euros par mois pour faire face aux coûts de la perte d’auto­no­mie pour les per­son­nes âgées concer­nées et leurs famil­les.

C’est oublier que la fac­ture men­suelle dans les mai­sons de retraite, lorsqu’il n’est plus pos­si­ble de rester à domi­cile sans ris­ques sérieux ni mal­trai­tance de fait, se situe à hau­teur de 1800 euros. Au mini­mum, c’est à dire dans les établissements habi­li­tés à l’aide sociale publics et privés non lucra­tifs les moins chers en pro­vince, introu­va­bles à ces prix à Paris et en petite cou­ronne.

Ceci étant, ce rap­port com­porte plu­sieurs hypo­thè­ses nou­vel­les et sti­mu­lan­tes qu’il est impor­tant de sou­li­gner. Parmi celles-ci :
 La sup­pres­sion de l’obli­ga­tion ali­men­taire pour les dépen­ses d’aide sociale à l’héber­ge­ment, qui contraste étonnamment avec la pro­po­si­tion d’une reprise sur suc­ces­sion pour les béné­fi­ciai­res de l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie (APA),
 La dimi­nu­tion du tarif héber­ge­ment des mai­sons de retraite qui serait sou­lagé des coûts de l’immo­bi­lier, en amor­tis­se­ment et en frais finan­ciers (mais il reste à savoir com­ment ces char­ges seraient cou­ver­tes par ailleurs, ce que le rap­port n’aborde pas…),
 La place cen­trale réaf­fir­mée de la caisse natio­nale de soli­da­rité pour l’auto­no­mie comme auto­rité natio­nale d’orga­ni­sa­tion et de régu­la­tion des ques­tions rela­ti­ves à la perte d’auto­no­mie. Il convient de noter que l’autre mis­sion par­le­men­taire conduite par la dépu­tée Bérangère Poletti a conclu dans le même sens dans un rap­port paru simul­ta­né­ment, ce qui est un point capi­tal si l’on consi­dère le sujet sui­vant,
 Last but not least, l’ins­tau­ra­tion d’une assu­rance obli­ga­toire pour la perte d’auto­no­mie sans aucune inci­ta­tion fis­cale à la sous­crip­tion, sur la base d’un cahier des char­ges natio­nal garan­tis­sant l’homo­gé­néité des règles et la clarté des garan­ties.

La dif­fé­rence n’est pas bien grande entre un pré­lè­ve­ment obli­ga­toire et une assu­rance obli­ga­toire, est-il besoin de le rap­pe­ler : la dif­fé­rence tient avant tout à une pré­fé­rence tout aussi idéo­lo­gi­que que fac­tuelle entre les avan­ta­ges et les inconvé­nients d’une ges­tion publi­que mono­po­lis­ti­que et les points posi­tifs et néga­tifs d’une ges­tion privée concur­ren­tielle.

Le sys­tème de santé amé­ri­cain nous démon­tre que les coûts de ges­tion d’une concur­rence assu­ran­tielle, qui consomme un dollar sur quatre rem­bour­sés, peu­vent être bien supé­rieurs aux rigi­di­tés mal­heu­reu­se­ment bien réel­les d’une sécu­rité sociale, mais qui a l’immense avan­tage de ne coûter que 5,5 % de frais de ges­tion aux assu­rés sociaux. En tout état de cause et avec cette pro­po­si­tion d’assu­rance obli­ga­toire de la mis­sion par­le­men­taire, nous nous sommes net­te­ment éloignés de la demande ini­tiale des assu­reurs privés d’un par­te­na­riat public-privé sur la base d’une assu­rance faculta­tive de la perte d’auto­no­mie, dif­fu­sée grâce à un avan­tage fiscal.

Nous savons que ces mesu­res fis­ca­les béné­fi­cient tou­jours le plus à ceux qui en ont le moins besoin, et qu’elles sont désor­mais hors de portée de nos finan­ces publi­ques. Si la FEHAP estime que le concept d’assu­rance obli­ga­toire est plus proche et com­plé­men­taire du finan­ce­ment soli­daire de la perte d’auto­no­mie que ne peut l’être une assu­rance faculta­tive défis­ca­li­sée, elle sou­li­gne aussi qu’il reste encore beau­coup de chemin entre les conclu­sions du rap­port de la mis­sion par­le­men­taire et la matu­ra­tion de solu­tions col­lec­ti­ves à la hau­teur à la fois des enjeux indi­vi­duels et de l’accep­ta­bi­lité sociale du dis­po­si­tif.

Pour la FEHAP, l’erreur d’appro­che de ce rap­port est d’avoir estimé que le niveau de l’assu­rance obli­ga­toire de la perte d’auto­no­mie, envi­sa­gea­ble sur un mode com­plé­men­taire à cer­tai­nes condi­tions, pour­rait à terme se sub­sti­tuer com­plè­te­ment au socle de la garan­tie soli­daire de l’Allocation Personnalisée à l’Autonomie. C’est notam­ment pour cela qu’au final, le résul­tat de 500 euros men­suels pour les pertes d’auto­no­mie les plus mar­quées passe clai­re­ment à côté de la cible.

De la même manière, la mise à l’écart des per­son­nes âgées en GIR 4 parce qu’elles seraient moins dépen­dan­tes pré­sente l’immense inconvé­nient d’affai­blir leur accom­pa­gne­ment pré­coce et pré­ven­tif, nous annon­çant iné­vi­ta­ble­ment une forte crois­sance des décom­pen­sa­tions et chutes ino­pi­nées qui font l’encom­bre­ment des urgen­ces hos­pi­ta­liè­res et des pertes d’auto­no­mie rapi­de­ment plus sévè­res, et plus coû­teu­ses à accom­pa­gner. Ce que l’on croit gagner sur un tableau serait lar­ge­ment perdu ailleurs.

En tout état de cause, la crise grave des finan­ces publi­ques et socia­les est mau­vaise conseillère. Elle ne cons­ti­tue pas une bonne conjonc­ture pour penser et mettre en œuvre des réfor­mes de struc­ture de cette nature qui doi­vent assu­rer une cohé­rence et un équilibre pour les deux pro­chai­nes décen­nies. Sauf à ima­gi­ner que les moments de peur col­lec­tive peu­vent être le bon ter­reau de déci­sions dif­fi­ci­les mais éclairées.

La FEHAP l’a exprimé lors de son Assemblée Générale de Lille en Avril 2009, comme à son Assemblée Générale de Paris en Mars 2010 : si le contexte économique et finan­cier ne permet pas d’amé­lio­rer le niveau des garan­ties dont les per­son­nes âgées en perte d’auto­no­mie ont objec­ti­ve­ment besoin, accep­tons-le col­lec­ti­ve­ment avec modes­tie et réa­lisme. Et pré­fé­rons réflé­chir aux ajus­te­ments de l’APA et de la Prestation de Compensation des Handicaps, du point de vue de leur effec­ti­vité comme des finan­ce­ments et des péréqua­tions néces­sai­res pour orga­ni­ser leur équilibre.

La FEHAP avait pro­posé l’an der­nier à la même époque de réflé­chir à des res­sour­ces addi­tion­nel­les, avec une taxa­tion des mises sur les jeux de hasard et d’argent, modeste en pour­cen­tage mais dont le ren­de­ment pou­vait être étonnamment favo­ra­ble au regard de l’ampleur des sommes jouées. La FEHAP conti­nue de tra­vailler sur ces sujets et fera pro­chai­ne­ment des pro­po­si­tions com­plé­men­tai­res.

Source : http://www.fehap.fr/page-arti­cle-simple.asp?ID_art=3899

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