Vaccination dans les pharmacies
2 mai 2013
SNIIL, SNIES-UNSA, SNPI CFE-CGC, ONI : les organisations d’infirmiers hostiles à la vaccination dans les pharmacies
Marisol Touraine devient une spécialiste du chaud et froid : le 23 avril, elle a évoqué au Sénat la possibilité d’élargir le nombre de professionnels autorisés à prendre en charge les vaccinations, notamment "autoriser une vaccination par un infirmier au sein d’une pharmacie" !
Le Code de la Santé Publique, à l’Article R4311-5-1 (Décret n°2008-877 du 29 août 2008) précise que, dans le cadre de son rôle propre, "L’infirmier ou l’infirmière est habilité à pratiquer l’injection du vaccin antigrippal, à l’exception de la première injection".
L’arrêté du 19 juin 2011 fixant la liste des personnes pouvant bénéficier de l’injection du vaccin antigrippal saisonnier pratiquée par un infirmier ou une infirmière a été rédigé après avis du Haut Conseil de la santé publique. Ces patients sont les personnes âgées de 65 ans et plus d’un côté et les personnes adultes atteintes d’une des pathologies précisées par cet arrêté, à l’exception des femmes enceintes.
Pour le SNPI, Syndicat National des Professionnels Infirmiers, affilié à la CFE-CGC :
d’une part les infirmières ont la formation et les compétences nécessaires pour assurer l’ensemble des vaccinations,
d’autre part "puisque depuis 2008 les infirmières sont légalement autorisées à vacciner sans nouvelle prescription des personnes âgées et des personnes fragiles avec des pathologies chroniques, il est totalement incohérent de l’interdire pour des adultes en bonne santé !" selon Thierry Amouroux, le Secrétaire Général du SNPI.
Par ailleurs, l’article R. 4311-7 CSP précise que « l’infirmier est habilité à pratiquer les actes suivants, soit en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin : (…) scarifications et injections destinées aux vaccinations ou aux tests tuberculiniques ».
La prescription n’est donc pas indispensable, mais la vaccination doit alors intervenir dans le cadre d’un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé. Cela peut être le cas pour des infirmières en santé au travail, de PMI, ou des infirmières scolaires.
Donc la proposition de Marisol Touraine d’élargir la règlementation infirmière sur la vaccination est une bonne chose. Par contre l’idée de limiter cela au local commercial du pharmacien est d’une grande stupidité.
Rejet syndical de la vaccination dans les pharmacies
Pour sa part, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) a jugé "inacceptable" l’idée de Marisol Touraine. "Cette proposition sous-entend, au final, que les infirmières ne peuvent contribuer à la politique de santé publique qu’en étant placées sous la délégation de ’docteurs’, qu’ils soient médecins ou pharmaciens. Ce qui revient à nier le rôle propre infirmier pourtant reconnu par la loi", déplore-t-il, ironisant : "Pourquoi pas dans un cabinet vétérinaire ou chez le dentiste ?"
Le Sniil juge qu’une extension du champ de la vaccination dans les cabinets d’infirmiers libéraux serait plus efficace pour augmenter la couverture vaccinale. Il estime le nombre de ces cabinets à 57.100 "au minimum", contre "22.635 pharmacies". Il fait valoir que confier plus d’autonomie aux infirmiers en matière de vaccination a permis "de très fortes croissances de la couverture" aux Etats-Unis.
Il demande à Marisol Touraine "d’engager de façon urgente la concertation" sur cette question, en incluant les infirmiers. http://www.sniil.fr/index.php/actu-et-news/communiques-de-presse/460-vaccination-par-infirmiere-et-pourquoi-pas-dans-un-cabinet-veterinaire-ou-chez-le-dentiste
De son coté, le Syndicat national des infirmières et infirmiers éducateurs de santé (Snies-Unsa) a dit partager "l’intérêt de la ministre de la santé pour un meilleur état vaccinal en France, mais pas dans n’importe quelles conditions".
"Nous refuserons de ne vacciner que dans les officines de pharmacie. La profession attend l’élargissement des actes autonomes définis dans le code de santé publique, selon le modèle des pratiques avancées", a-t-il assuré, rappelant son souhait de voir créer de nouvelles spécialisations de la formation infirmière reconnues au grade de master.
Réaction ordinale
Selon l’Ordre, les infirmiers devraient être largement autorisés à vacciner sans prescription, tout en préservant l’indépendance des professionnels.
Le président de l’Ordre national des infirmiers rappelle ses propositions formulées dès octobre 2012 pour améliorer la couverture vaccinale en France. L’Ordre avait notamment plaidé pour l’élargissement du droit des infirmiers à vacciner sans prescription médicale. « Je me réjouis de voir que ce sujet stratégique a été entendu par le ministère. Les infirmiers peuvent déjà vacciner contre la grippe saisonnière certains patients, âgés de plus de 65 ans ou atteints de certaines pathologies. Or ce sont justement les 18-64 ans qui sont les moins couverts !
Mettre fin à cette contradiction serait une mesure pragmatique de bon sens, dans un contexte où la prévention apparaît comme une clef pour la réussite des politiques de Santé » explique Didier Borniche, président de l’Ordre. « À l’heure où s’engage en France et en Europe une réflexion sur l’élargissement des compétences des professionnels de Santé, autoriser les infirmiers à pratiquer plus largement des soins qu’ils maitrisent déjà semble même une évidence. »
Si les membres du Conseil de l’Ordre affirment leur volonté de collaborer avec la ministre de la Santé pour, notamment, approfondir les « pistes en cours d’expertise » mentionnées au Sénat, ils rappellent que l’indépendance des professionnels ne saurait être remise en question. « N’autoriser les infirmiers à administrer des vaccins qu’au sein de structures telles que des pharmacies, comme cela a semble-t-il été suggéré par la ministre, reviendrait à élargir un droit tout en le limitant. Ces professionnels parfaitement compétents doivent pouvoir pratiquer leurs missions au sein même de leur lieu d’exercice – cabinet d’infirmier libéral, hôpital, PMI, établissement scolaire... D’autant que tout lien de subordination ou de salariat entrerait en conflit avec l’indépendance du travail des infirmiers, » poursuit Didier Borniche.
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L’Arrêté du 19 juin 2011 fixe la liste des personnes pouvant bénéficier de l’injection du vaccin antigrippal saisonnier pratiquée par un infirmier ou une infirmière (NOR : ETSP1116585A), c’est à dire :
1° Les personnes âgées de 65 ans et plus ;
2° A l’exception des femmes enceintes, les personnes adultes atteintes d’une des pathologies suivantes :
affections broncho-pulmonaires chroniques répondant aux critères de l’ALD 14 dont l’asthme et la broncho-pneumopathie chronique obstructive ;
insuffisances respiratoires chroniques obstructives ou restrictives quelle que soit la cause, y compris les maladies neuromusculaires à risque de décompensation respiratoire, les malformations des voies aériennes supérieures ou inférieures, les malformations pulmonaires ou de la cage thoracique ;
maladies respiratoires chroniques ne remplissant pas les critères de l’ALD mais susceptibles d’être aggravées ou décompensées par une affection grippale, dont l’asthme, la bronchite chronique, les bronchiectasies, l’hyperréactivité bronchique ;
mucoviscidose ;
cardiopathies congénitales cyanogènes ou avec une HTAP et/ou une insuffisance cardiaque ;
insuffisances cardiaques graves ;
valvulopathies graves ;
troubles du rythme cardiaque graves justifiant un traitement au long cours ;
maladies des coronaires ;
antécédents d’accident vasculaire cérébral ;
formes graves d’affections neurologiques et musculaires dont une myopathie, une poliomyélite, une myasthénie, la maladie de Charcot ;
paraplégie et tétraplégie avec atteinte diaphragmatique ;
néphropathies chroniques graves ;
syndromes néphrotiques ;
drépanocytoses, homozygotes et doubles hétérozygotes S/C, thalasso-drépanocytose ;
diabète de type 1 et de type 2 ;
déficits immunitaires primitifs ou acquis survenant lors de pathologies oncologiques et hématologiques, de transplantations d’organes et de cellules souches hématopoïétiques, de déficits immunitaires héréditaires, de maladies inflammatoires et/ou auto-immunes recevant un traitement immunosuppresseur, sauf en cas de traitement régulier par immunoglobulines ;
infection par le virus de l’immunodéficience humaine.
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024267409&categorieLien=id