Vaccins de l’enfant : données épidémiologiques

3 décembre 2016

La sur­ve­nue de cas de diph­té­rie en cas de baisse de la cou­ver­ture appa­raît pro­ba­ble. En effet, des cas impor­tés de diph­té­rie sont noti­fiés chaque année en France, essen­tiel­le­ment à Mayotte mais également en France métro­po­li­taine (pour cette der­nière, une dizaine depuis 2000). A ce jour, ces impor­ta­tions n’ont pas donné lieu, en dehors de Mayotte, à des cas de diph­té­rie secondaire, de par la cou­ver­ture vac­ci­nale très élevée chez le nour­ris­son. Les 2 décès d’enfants par diph­té­rie, sur­ve­nus très récem­ment chez de jeunes enfants non vac­ci­nés et qui n’avaient pas voyagé dans les semai­nes pré­cé­dant la mala­die, l’un en Espagne, l’autre en Belgique, deux pays où la cou­ver­ture vac­ci­nale diph­té­rie est très élevée, confirme la per­sis­tance du risque. Une cou­ver­ture vac­ci­nale qua­si­ment totale des nour­ris­sons appa­raît néces­saire pour main­te­nir l’élimination de la diph­té­rie. Dans la mesure où le vaccin est com­posé d’anti­toxine et non de com­po­sants anti­gé­ni­ques de la bac­té­rie, même des enfants vac­ci­nés sont sus­cep­ti­bles d’être infec­tés (sans être mala­des) et d’intro­duire la bac­té­rie dans une col­lec­ti­vité, source poten­tielle de cas, s’il existe dans cette col­lec­ti­vité des enfants non vac­ci­nés.

Le téta­nos est une mala­die trans­mise par l’envi­ron­ne­ment et tout enfant non vac­ciné est à risque de déve­lop­per un jour un téta­nos. En effet, l’absence de trans­mis­sion inte­rhu­maine de la bac­té­rie fait qu’il n’existe pas d’immu­nité de groupe qui per­met­trait de
pro­té­ger les enfants non vac­ci­nés. La sur­ve­nue récente en France de trois cas de téta­nos chez des enfants très vrai­sem­bla­ble­ment non vac­ci­nés, dans un contexte d’une cou­ver­ture vac­ci­nale chez le nour­ris­son d’au moins 98 %, confirme le risque de sur­ve­nue
de la mala­die en l’absence de vac­ci­na­tion. Une dimi­nu­tion de la cou­ver­ture vac­ci­nale indui­rait très cer­tai­ne­ment la sur­ve­nue de cas de téta­nos de l’enfant.

La coque­lu­che est une mala­die pour laquelle le risque de formes graves concerne essen­tiel­le­ment le jeune nour­ris­son. Aujourd’hui, grâce à la cou­ver­ture vac­ci­nale très élevée dès 2 mois de vie, la très grande majo­rité des hos­pi­ta­li­sa­tions pour coque­lu­che concerne les nour­ris­sons trop jeunes pour être vac­ci­nés. La très forte conta­gio­sité de la mala­die et la per­sis­tance de la cir­cu­la­tion de la bac­té­rie chez l’adulte condui­raient inexo­ra­ble­ment à une aug­men­ta­tion du nombre de cas chez l’enfant en cas de dimi­nu­tion de la cou­ver­ture vac­ci­nale. L’expé­rience des pays euro­péens qui ont aban­donné la vac­ci­na­tion contre la coque­lu­che ou qui ont vu la cou­ver­ture dimi­nuer a montré la rapi­dité avec laquelle la baisse de la cou­ver­ture vac­ci­nale était suivie d’une aug­men­ta­tion du nombre de cas et de formes graves de la mala­die.

La polio­myé­liteest une mala­die en voie d’éradication au niveau mon­dial. Aujourd’hui le risque de contrac­ter cette mala­die est extrê­me­ment faible en France, de par l’excel­lente cou­ver­ture vac­ci­nale de l’enfant. Cependant, l’arri­vée de migrants en pro­ve­nance de zone de conflits où la vac­ci­na­tion des enfants ne peut plus être assu­rée, pour­rait cons­ti­tuer une menace de réin­tro­duc­tion de ces virus. De plus, il paraît inen­vi­sa­gea­ble que, dans les années qui vien­nent qui devraient voir la confir­ma­tion de l’éradication de la mala­die, la France puisse deve­nir un pays à risque de reprise de la cir­cu­la­tion du virus de par une dimi­nu­tion de la cou­ver­ture vac­ci­nale du nour­ris­son, ni même un pays où le niveau
insuf­fi­sant de la cou­ver­ture serait un frein au pro­ces­sus mon­dial de cer­ti­fi­ca­tion de l’éradication.

L’intro­duc­tion de la vac­ci­na­tion contre les ménin­gi­tes à hae­mo­phi­lus influen­zae b dans le calen­drier vac­ci­nal du nour­ris­son en 1992 a fait très rapi­de­ment dis­pa­raî­tre cette mala­die chez l’enfant, dont le taux de séquel­les neu­ro­lo­gi­ques ou audi­ti­ves chez le nour­ris­son était de 20 % à 30 %. Cependant la bac­té­rie cir­cule tou­jours dans la popu­la­tion géné­rale et toute dimi­nu­tion de la cou­ver­ture vac­ci­nale ferait le lit de la réap­pa­ri­tion de la mala­die chez le nour­ris­son (ainsi que des redou­ta­bles épiglottites du jeune enfant qui ont également dis­paru grâce à la vac­ci­na­tion).

De même, la vac­ci­na­tion contre les infec­tions à pneu­mo­co­que
de l’enfant a fait qua­si­ment dis­pa­raî­tre les ménin­gi­tes à pneu­mo­co­que du nour­ris­son dues à des séro­ty­pes inclus dans le vaccin sachant que la mor­ta­lité des ménin­gi­tes à pneu­mo­co­ques est de 10% chez l’enfant et la fré­quence des séquel­les de 20 à 30%. Mais les séro­ty­pes vac­ci­naux cir­cu­lent tou­jours dans la
popu­la­tion géné­rale, même si l’immu­nité de groupe a indi­rec­te­ment dimi­nué la cir­cu­la­tion des pneu­mo­co­ques à séro­type vac­ci­nal chez l’adulte, la gorge des enfants cons­ti­tuant le prin­ci­pal réser­voir des pneu­mo­co­ques. Toute dimi­nu­tion de la cou­ver­ture vac­ci­nale entraî­ne­rait une recru­des­cence de la mala­die chez l’enfant et par effet indi­rect chez l’adulte, y com­pris chez les per­son­nes âgées chez qui elle pro­vo­que, comme chez l’enfant, des infec­tions sévè­res.

La France est un pays de faible endé­mi­cité de l’hépa­tite B
et la sur­ve­nue de conta­mi­na­tions durant l’enfance est excep­tion­nelle (hormis la trans­mis­sion mère-enfant durant l’accou­che­ment qui est contrô­lée par le dépis­tage obli­ga­toire au 6ème mois de gros­sesse de l’infec­tion chro­ni­que de la mère, suivi, en cas de posi­ti­vité, de la séro­vac­ci­na­tion du nou­veau-né). L’entrée dans les situa­tions à risque de conta­mi­na­tion (essen­tiel­le­ment trans­mis­sion sexuelle et par le sang) débute à l’ado­les­cence. Il est donc en théo­rie pos­si­ble d’atten­dre la préa­do­les­cence pour vac­ci­ner.

Cependant, une telle stra­té­gie ne per­met­trait pas, en France, d’éliminer à terme l’hépa­tite B, de par les niveaux insuf­fi­sants de cou­ver­ture vac­ci­nale qui sont atteints pour les vac­ci­na­tions recom­man­dées après l’âge de 10 ans. A contra­rio, la vac­ci­na­tion du nour­ris­son, en raison du niveau élevé de cou­ver­ture vac­ci­nale atteint actuel­le­ment, permet d’envi­sa­ger un tel scé­na­rio. Plusieurs consi­dé­ra­tions addi­tion­nel­les jus­ti­fient le choix de l’inté­gra­tion du vaccin hépa­tite B dans le calen­drier de la pre­mière année de vie : le vaccin est très effi­cace chez le nour­ris­son et la durée de pro­tec­tion confé­rée est suf­fi­sante pour pro­té­ger un sujet vac­ciné en tant que nour­ris­son lors de l’expo­si­tion au risque même plu­sieurs décen­nies plus tard. Le vaccin est très bien toléré et aucun signal concer­nant des éventuels effets secondai­res graves n’a jamais émergé dans cette tran­che d’âge. Enfin, l’asso­cia­tion de ce vaccin au sein des com­bi­nai­sons vac­ci­na­les hexa­va­len­tes permet de pro­té­ger les nour­ris­sons sans néces­si­ter d’injec­tions addi­tion­nel­les, alors qu’au moins 2 doses sont néces­sai­res pour
vac­ci­ner à l’ado­les­cence.

L’épidémie de rou­geole qui a sévi en France entre 2008 et 2012 et qui a été res­pon­sa­ble de dizai­nes de mil­liers de cas, de plus d’une tren­taine de com­pli­ca­tions neu­ro­lo­gi­ques graves et d’au moins dix décès témoi­gne consé­quen­ces d’une cou­ver­ture
vac­ci­nale insuf­fi­sante. Parmi les 10 décès noti­fiés, deux sont sur­ve­nus chez des sujets immu­no­dé­pri­més qui ne pou­vaient être vac­ci­nés. Seule une cou­ver­ture vac­ci­nale plus élevée aurait permis de les pro­té­ger indi­rec­te­ment, grâce à l’immu­nité de groupe. En effet,
le niveau de cou­ver­ture vac­ci­nale qui stagne autour de 90 % à 2 ans depuis de nom­breu­ses années. Ceci a contri­bué à la cons­ti­tu­tion, année après année, d’un réser­voir de sujets récep­tifs, même si des niveaux de cou­ver­ture insuf­fi­sants pour les cohor­tes de nais­sance des années 1980 et 1990 (aujourd’hui jeunes adul­tes) sont également res­pon­sa­bles de cette situa­tion.
Atteindre une cou­ver­ture vac­ci­nale contre la rou­geole de 95% à l’âge de deux ans doit être aujourd’hui consi­déré comme une prio­rité de santé publi­que afin d’éviter la sur­ve­nue future de nou­vel­les flam­bées épidémiques et de res­pec­ter l’enga­ge­ment inter­na­tio­nal de la France pour l’élimination de la rou­geole en Europe en 2020.

De même, la per­sis­tance de la cir­cu­la­tion à bas bruit du virus de la rubéole est res­pon­sa­ble chaque année d’infec­tions rubéo­leu­ses durant la gros­sesse avec risque de fœto­pa­thie, qu’une cou­ver­ture de 95 % de chaque cohorte de nais­sance
per­met­trait de faire tota­le­ment dis­pa­raî­tre (à l’excep­tion de celles sur­ve­nant chez les femmes arri­vées en France peu de temps avant l’accou­che­ment).

La vac­ci­na­tion contre le ménin­go­co­que C a été intro­duite en 2010 sous la forme d’une injec­tion unique chez les enfants de 1 an avec un rat­tra­page jusqu’à 24 ans. Ce large rat­tra­page avait un double objec­tif. D’une part, il s’agis­sait de pro­té­ger les enfants et
les jeunes adul­tes d’une patho­lo­gie aigüe rare mais très sévère. La fré­quence des décès est entre 10 et 15% et des séquel­les défi­ni­ti­ves (attein­tes céré­bra­les, audi­ti­ves ou ampu­ta­tion des mem­bres) d’au moins 20 %. Il s’agis­sait d’autre part d’induire une immu­nité de groupe suf­fi­sante pour pro­té­ger les nour­ris­sons de moins de 1 ans sans avoir à ajou­ter au calen­drier de vac­ci­na­tion les 3 doses néces­sai­res à la vac­ci­na­tion débu­tée dans la pre­mière année de vie. Le suivi de la cou­ver­ture vac­ci­nale et la sur­veillance épidémiologique mon­trent l’échec de cette stra­té­gie. La cou­ver­ture à l’âge de 2 ans était fin 2015 de 70 % et elle dimi­nue très rapi­de­ment avec l’âge : elle était de 32 % chez les 10-14 ans et
7 % chez les 20-24 ans. L’inci­dence des infec­tions à ménin­go­co­que C a aug­menté entre 2010 et 2014, très vrai­sem­bla­ble­ment en lien avec un nou­veau cycle épidémique, que l’insuf­fi­sance de la vac­ci­na­tion n’a pas réussi à contrô­ler. Parmi les 569 cas décla­rés à Santé publi­que France entre 2011 et 2015, 255 sont sur­ve­nus chez des sujets non vac­ci­nés âgés entre 1 à 24 ans, occa­sion­nant 25 décès, qui auraient pu être évités par la vac­ci­na­tion. Si la cou­ver­ture vac­ci­nale ménin­go­coc­ci­que C avait été plus impor­tante notam­ment chez les ado­les­cents, une partie des 306 cas sur­ve­nus dans les grou­pes d’âge non ciblés par la vac­ci­na­tion aurait cer­tai­ne­ment pu être également évitée par l’immu­nité de groupe qui aurait dû être induite par une cou­ver­ture vac­ci­nale élevée. Comme pour la rou­geole, les niveaux actuels de cou­ver­ture vac­ci­nale font peser sur les enfants et jeunes adul­tes un risque de mala­dies sévè­res qui peut être consi­déré comme inac­cep­ta­ble, d’autant que les vac­cins cor­res­pon­dants ont un profil de sécu­rité d’uti­li­sa­tion tout à fait satis­fai­sant.

Source : http://concer­ta­tion-vac­ci­na­tion.fr/wp-content/uploads/2016/04/Rapport-de-la-concer­ta­tion-citoyenne-sur-la-vac­ci­na­tion.pdf

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