ARS : télésanté et des systèmes d’information de santé
28 janvier 2011
Intervention d’Emmanuelle WARGON, secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales, au CARREFOUR DE LA TELESANTE le 4 novembre 2010
Une table ronde réunissant les principaux ministères concernés par la télésanté a eu lieu à Paris le 4 novembre, 2010 dans le cadre du carrefour de la télésanté et des systèmes d’information de santé, organisé par le CATEL, réseau des compétences en télésanté, avec le soutien du conseil de l’ordre des médecins.
Emmanuelle WARGON, qui y a représenté la ministre de la santé et des sports, est intervenue pour rappeler le cadre législatif et réglementaire dans lequel se développait la télémédecine, en particulier le décret télémédecine et la loi HPST ; elle a ensuite dressé le tableau de ce qui avait été fait depuis un an sur le sujet : mise en œuvre des dispositions relatives aux agréments des hébergeurs, avancement des travaux sur les systèmes d’information sectoriels comme les service d’urgence, de radiologie, développement des espaces numériques régionaux de santé, mise en place d’une politique de soutien à l’investissement en matière de télémédecine. Elle a enfin insisté sur les prochains travaux à mener avec les porteurs de projet et l’appui de l’ASIP, de l’ANAP et des ARS.
Intervention d’Emmanuelle WARGON, secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales, au CARREFOUR DE LA TELESANTE le 4 novembre 2010
En quoi la e-santé concerne les compétences du ministère de la santé et des sports ?
La télésanté peut se définir comme le recours aux technologies de l’information et de la communication pour la
prestation de services de santé ou d’informations sur la santé. Elle s’inscrit donc naturellement dans le champ des
compétences du ministère de la santé, à savoir la préservation et l’amélioration de l’état de santé de la
population. Elle contribue à répondre à des enjeux majeurs de santé publique et d’amélioration du système de
soins.
La télésanté est un sujet d’actualité ces derniers temps. Beaucoup d’entreprises relevant du secteur des TIC
développent leur savoir-faire et mettent en avant leur capacité à aider le secteur de la santé. Cette dynamique
constitue à l’évidence une excellente chose pour tous les acteurs du secteur de la santé, et pour le ministère en
particulier.
Fondamentalement, il n’y a là, sans doute, rien de très nouveau. Cela fait des années que les technologies
numériques diffusent de façon continue dans le secteur de la santé, que les structures de soins, les agences
sanitaires, les professionnels de santé s’informatisent, que les prises en charge pluridisciplinaires et coordonnées,
facilitées par ces mêmes technologies, se multiplient, que les échanges et partage d’informations entre acteurs
s’intensifient, que la formation médicale s’enrichit de nouvelles approches pédagogiques permises par le
numérique, que le volume et la qualité des informations auxquelles peuvent avoir facilement accès les patients ou
les professionnels, sur le web, augmentent de façon exponentielle …
Le dynamisme du marché des technologies pour la santé démontre à l’évidence qu’il n’y a aucune inquiétude à avoir
sur la capacité du système de santé à digérer très rapidement des technologies ou de nouvelles pratiques cliniques,
dès lors qu’elles répondent à de réels besoins, que leur rentabilité économique est démontrée et que les
professionnels de santé ont un intérêt propre à y adhérer.
Le rythme est certes un peu plus lent dès lors qu’il s’agit de modifier en profondeur et à grande échelle
l’organisation du système de santé, surtout lorsque ces modifications s’accompagnent d’une redistribution de
masses financières significatives. Le contexte budgétaire difficile appelle plus que jamais, à des décisions et
dépenses publiques raisonnées et incrémentales. La rigueur dans l’allocation et l’utilisation des ressources, dans
l’évaluation des incidences médico-économique doit rester une exigence primordiale. La télésanté ne peut pas faire
exception. L’intérêt en terme de santé publique doit primer, et être évident.
La télésanté recouvre de multiples champs d’application et autant d’opportunités. Trois intéressent plus particulièrement, à court terme, le ministère :
1) La télémédecine, qui offre des perspectives considérables en matière d’amélioration de l’organisation de l’offre
de soins. Elle constitue un levier essentiel pour réduire les fractures territoriales, restructurer l’offre hospitalière,
faciliter les prises en charges pluridisciplinaires, mettre en oeuvre de nouvelles formes de prise en charge et de
surveillance, plus efficientes, au plus près des patients, utiliser au mieux les ressources ou compétences rares ou
coûteuses …
2) Les outils ou services numériques qui peuvent soutenir l’amélioration continue des pratiques cliniques, la
formation et les compétences des professionnels de santé.
3) Les outils ou services qui peuvent faire en sorte que les patients ou plus généralement l’ensemble des assurés
s’impliquent dans la préservation de leur santé, tirent le meilleur parti du système de soins et en fassent un usage
raisonné. On rejoint là le domaine très vaste de l’information sur la santé, des outils induisant des modifications
comportementales, de la capacité des usagers à choisir leurs prestataires de soins en toute connaissance de cause,
via notamment la diffusion d’information sur la qualité des prises en charge, de l’exercice effectif par les patients du
droit à accéder et à utiliser les informations médicales les concernant, de services permettant de développer leur
capacité à se prendre en charge de façon autonome, de l’éducation thérapeutique …
Qu’est-ce qui a été fait jusqu’à maintenant en matière de e-santé s’appuyant sur ces compétences ?
L’année écoulée a été particulièrement riche et dense.
Nous avons beaucoup progressé dans la construction du cadre législatif et réglementaire dans lequel va se
développer la télémédecine. C’est une base fondamentale. Il s’agit d’orientations structurantes, qui vont faciliter et
soutenir le développement de la télémédecine dans les prochaines années.
Deux éléments majeurs de ce dispositif méritent d’être soulignés : le décret télémédecine, et les programmes
régionaux de développement de la télémédecine.
La publication récente du décret télémédecine marque l’aboutissement d’un travail de fond, de longue haleine.
Ce décret a bénéficié de nombreux travaux antérieurs, tout particulièrement des préconisations des rapports
Lasbordes ou Simon-Ackert, et de nombreuses contributions recueillies au cours d’un long processus de
concertation et d’échange.
Quelques mois ont été nécessaires pour le finaliser, mais nous disposons maintenant d’un texte équilibré,
consensuel, alliant souplesse et sécurité. Il définit précisément les actes médicaux relevant de la
télémédecine, les conditions de mise en oeuvre, les mécanismes de prise en charge financière.
La télémédecine va surtout pouvoir bénéficier, d’emblée, de l’ensemble des dispositions découlant de la loi HPST.
Son développement a été explicitement inscrit dans le champ de compétence des ARS. Il sera donc soutenu
par une gouvernance territoriale forte. Il s’inscrira dans une approche cohérente et globale portant sur
l’ensemble du périmètre de compétence des ARS. Il répondra à des besoins sanitaires et des priorités
clairement identifiés. Ce sont là trois pré-requis qui ont été identifiés de façon récurrente comme des
critères de succès des déploiements significatifs réalisés à l’étranger.
Concrètement, chaque ARS doit élaborer un programme régional de développement de la télémédecine,
qui est une composante à part entière du projet régional de santé. Ces programmes seront finalisés d’ici fin
2011. Dans chaque région, les différents acteurs impliqués dans les activités de télémédecine pourront alors
s’appuyer sur des éléments explicites, stables et prévisibles. Ce qui, là aussi, répond à une demande
récurrente.
Qui plus est, l’élaboration des projets régionaux de santé, qui est actuellement la priorité des ARS, obéit à
une démarche stratégique, prospective, concertée, approfondie. En conséquence, le programme régional de
développement de la télémédecine ne se réduira pas à quelques initiatives isolées, à la périphérie de l’offre
sanitaire, mais débouchera sur un ensemble cohérent et structuré, de pratiques et de services organisés de
manière optimale à l’échelle territoriale, et apportant une réponse efficiente à de réels besoins sanitaires.
Au-delà de l’élaboration de ce programme régional de développement, le décret télémédecine, et plus
généralement l’ensemble des dispositions de la loi HPST, ont laissé de grandes marges d’initiatives aux ARS,
et leur ont donné les moyens d’assurer ensuite la conduite opérationnelle de ce programme.
Bien entendu, tout cela ne se fera pas en quelques semaines, mais c’est un passage obligé pour mettre en
oeuvre une politique de développement ambitieuse et durable, donner à tous les acteurs une visibilité
suffisante, et préparer des modifications organisationnelles de grande envergure.
A côté de ce cadre stratégique qui porte beaucoup d’ambition, il faut aussi souligner la montée en puissance
effective de l’ASIP, agence créée en 2009, qui assume des missions élargies en matière de systèmes d’information
de santé, et de l’ensemble des maîtrises d’ouvrage régionale qu’elle soutient, sous l’égide de son président, Michel
Gagneux, et de son directeur, Jean-Yves Robin. Le déploiement à grande échelle de services de télémédecine
intégrés au système de soins actuel exige en effet des systèmes d’informations performants et un degré certain de
mutualisation.
Beaucoup de choses, très concrètes, ont été produites ou seront présentés à court terme. Elles permettront d’aller
bien plus vite et plus loin que ce qui paraissait envisageable il y a un an :
l’ouverture prochaine du DMP, qui permettra d’accélérer le développement et le déploiement des services
de télémédecine ;
la mise en oeuvre des dispositions relatives à l’agrément des hébergeurs, procédure pleinement
opérationnelle qui a déjà délivré une douzaine d’agréments ; la référentiel d’identification des patients, la
définition du premier cadre d’interopérabilité pour l’ensemble des systèmes d’information de santé …
les travaux engagés sur des systèmes d’information sectoriels comme les services d’urgences, les structures
sanitaires des établissements pénitentiaires, les services de radiologie, les maisons de santé
pluridisciplinaires, … qui permettront de favoriser et d’intégrer le recours à la télémédecine en routine dans
ces services ;
le développement des espaces numériques régionaux de santé, qui constitueront un cadre propice à la
mutualisation des infrastructures technologiques ou des infrastructures de services propres à la
télémédecine ;
le portail esante.gouv.fr, qui constitue d’ores et déjà un outil de partage, d’information et de
communication pour tous les acteurs concernés et une vitrine des initiatives engagées. Il comporte
également une base visant à mettre à la disposition des promoteurs de projet, une information sur les
sociétés du secteur de la télésanté, leurs offres et leurs références.
Un écosystème regroupant les acteurs impliqués dans les systèmes d’information de santé est donc en train de se
constituer progressivement autour de l’ASIP et des maîtrises d’ouvrages régionales. On y retrouve les industriels du
secteur, des porteurs de projets, des professionnels de santé ou leurs représentants, des agences comme l’ANAP,
l’INVS, l’INCA … Il soutiendra le déploiement de la télémédecine, de par les coopérations et collaborations étroites
qu’il favorise, le partage et la diffusion de bonnes pratiques, la capitalisation sur retours d’expérience qu’il permet. Il
appuiera les ARS et les promoteurs de projet de télémédecine.
Le ministère a également souhaité sans attendre engager une politique de soutien à l’investissement en matière de
télémédecine. L’ASIP a ainsi publié le mois dernier le premier de ses appels à projet consacrés à la télémédecine et y
consacrera globalement 60 M€ sur les 3 années à venir. Ils permettront de constituer une base de connaissance
collective, partageable pour toutes les structures et acteurs de santé potentiellement concernés par les activités de
télémédecine. Ils favoriseront également le développement de technologies et solutions industrielles pérennes.
Les
enjeux sont majeurs : la télémédecine recouvre un ensemble assez hétérogène d’activités émergentes, et de fait,
l’expérience collective est faible et diffuse. La mise en place de tels projets, actuellement, présente un niveau élevé
de risques, de toute nature (financiers, organisationnels, juridiques, technologiques) et oblige les promoteurs de
projet à investir des ressources rares dans des ingénieries de projet complexes. Ces appels à projets permettront de
réduire significativement le niveau de risque et les ressources nécessaires pour concevoir ou conduire de projets de
télémédecine, à l’échelle collective ou individuelle.
Dans le même ordre d’idée, mais sur un périmètre différent, le ministère est également partie prenante sur la
thématique e-santé du volet « contenus et usages numériques » des investissements d’avenir, piloté par le
Commissariat Général à l’Investissement. L’idée est un peu différente et vise à la création d’emplois et d’activités en
France. On ne cherche pas à pousser l’investissement, mais le développement des usages, le développement de
services qui de manière évidente, présentent une telle valeur ajoutée que derrière les investissements s’enchainent,
sans pour autant être à la charge, directe ou indirecte, de la sécurité sociale.
Pour terminer, avec la CNAMTS, nous avons inscrit le développement de la télémédecine dans la convention
d’objectifs et de gestion 2010-2013. Nous avons prévu, conjointement, de donner une forte impulsion à la
télémédecine, et d’en favoriser son développement dans le cadre d’une organisation des soins cohérente et
graduée, dès lors qu’elle contribue à améliorer de façon significative la qualité de prise en charge des assurés ou
leur accès aux soins.
Quelles sont les orientations et les actions qui en découlent pour les mois à venir ?
Les orientations et actions des mois à venir s’inscriront dans la continuité des actions engagées ces derniers mois.
Nous continuerons à inscrire notre action dans la durée, en nous concentrant sur la télémédecine.
Nous aiderons les ARS à mettre en oeuvre la loi HPST en leur laissant les libertés d’action nécessaires. Nous leur
fournirons un appui stratégique, technique et métier. En particulier, nous leur indiquerons les principes et
orientations qui doivent présider à l’élaboration des programmes régionaux de développement de la télémédecine.
Nous veillerons à ce que chacune des ARS puisse bénéficier des réflexions ou expériences conduites par les autres.
Nous veillerons à articuler le développement de la télémédecine avec les différents plans nationaux de santé
publique. Comme nous l’avons fait avec les plans AVC ou Cancer, nous réviserons progressivement l’ensemble de
ces politiques pour donner aux activités de télémédecine la place qui leur revient.
Nous travaillerons avec la CNAMTS et la HAS sur le cadre d’évaluation médico-économique, sur les modalités de
financement, et sur les conditions précises de mise en oeuvre de la télémédecine. Nous travaillerons avec la HAS
pour que les recommandations de bonnes pratiques professionnelles intègrent progressivement la possibilité d’un
large recours à la télémédecine.
Nous continuerons, en nous appuyant sur l’ASIP et l’ANAP, à mettre en place les structures d’appui ou
d’accompagnement aux porteurs de projet et à mener des actions concernées, à l’échelle nationale, sur les
problématiques les plus matures. Nous continuerons à bâtir les infrastructures technologiques ou de services
pouvant faciliter la mise en oeuvre des initiatives régionales.
Nous poursuivrons la collaboration engagée avec les autres ministères concernés par ces questions de e-santé.
Enfin, nous continuerons à participer aux travaux européens qui s’inscrivent dans le cadre du projet de directive sur
les droits des patients en matière de soins transfrontaliers, directive qui vise explicitement les services de
télémédecine.