Covid-19, mieux protéger l’école de la République

14 avril 2021

Tribune parue le 28.03.21 dans "La croix"

Tribune Elisa Zeno, ingé­nieur de recher­che, avec le col­lec­tif « École et famil­les oubliées » et le col­lec­tif « Du côté de la science » (1). Les signa­tai­res deman­dent des mesu­res immé­dia­tes de « sécu­ri­sa­tion de l’école ».

L’école des enfants de la République doit être sécu­ri­sée vis-à-vis du risque de trans­mis­sion du coro­na­vi­rus. Le béné­fice de l’ensei­gne­ment en pré­sen­tiel mérite que le risque infec­tieux soit mini­misé par des mesu­res de pré­ven­tion à la hau­teur des enjeux.

Mais si l’école a un rôle fon­da­men­tal dans la for­ma­tion et l’éducation des enfants, elle est aussi un lieu col­lec­tif où le virus cir­cule au moins autant que dans le reste de la société si ce n’est plus. Les enfants se conta­mi­nent par le Sars-CoV-2, déve­lop­pent le Covid-19 et conta­mi­nent les autres enfants et les mem­bres de leurs foyers, en véhi­cu­lant ainsi le virus à la société tout entière.

Le nombre d’enfants posi­tifs sous-esti­més

En France près d’un demi-mil­lion d’enfants et ado­les­cents ont été testés posi­tifs depuis le déconfi­ne­ment, dont plus de 95 % depuis la ren­trée sco­laire de sep­tem­bre. Un nombre sûre­ment très sous-estimé, compte tenu de la forte pro­por­tion des formes asymp­to­ma­ti­ques chez les enfants et du sous-dépis­tage pour ces tran­ches d’âge. Selon les don­nées d’autres pays, entre 10 à 15 %, et jusqu’à 30 %, d’enfants infec­tés déve­lop­pent des symp­tô­mes per­sis­tants ou « Covid longs », qui peu­vent être han­di­ca­pants. On ignore encore l’étendue des séquel­les à long terme.

À l’heure où la ver­sion pédia­tri­que du vaccin n’est pas encore dis­po­ni­ble, la seule option pos­si­ble est la pré­ven­tion de la conta­mi­na­tion : les famil­les ne doi­vent pas avoir à choi­sir entre santé et sco­la­rité. En effet, l’équilibre psy­chi­que de la com­mu­nauté péda­go­gi­que, des parents et élèves est mis à rude épreuve par le manque de trans­pa­rence et l’inco­hé­rence de la ges­tion des écoles, où les règles de sécu­rité sani­taire adop­tées dans l’ensem­ble de la société ne s’appli­quent pas.

L’école fait figure d’excep­tion par l’absence de dis­tan­cia­tion, le bras­sage entre les clas­ses, le main­tien de la res­tau­ra­tion col­lec­tive, et la défi­ni­tion dif­fé­rente des cas contacts et donc le non-iso­le­ment de per­son­nes poten­tiel­le­ment infec­tées. Les valeurs de la République sont heur­tées par cette rup­ture d’égalité, dans laquelle pour­tant nos enfants doi­vent se cons­truire comme futurs citoyens.

Briser les chaî­nes de conta­mi­na­tion

De plus, l’école ne doit pas être asso­ciée dans l’esprit des enfants au risque de tomber malade ou de pou­voir conta­mi­ner ses pro­ches, alors qu’elle est le lieu où ils sont censés gran­dir et s’épanouir, appren­dre à vivre ensem­ble.

Enfin, le rôle de l’école dans la pro­pa­ga­tion de l’épidémie doit aussi être limité par des mesu­res de pré­ven­tion et de sur­veillance visant à briser les chaî­nes de conta­mi­na­tion dès leur appa­ri­tion : le main­tien de niveaux de cir­cu­la­tion virale impor­tants dans la com­mu­nauté a des lour­des consé­quen­ces sani­tai­res et économiques que nous ne pou­vons plus accep­ter.

La cir­cu­la­tion du virus dans les écoles favo­rise l’émergence des variants et risque de com­pro­met­tre la vac­ci­na­tion, alors qu’elle n’est même pas encore acces­si­ble à la majo­rité de la popu­la­tion, tou­jours expo­sée aux ris­ques de formes sévè­res ou aux Covid longs.

Pour un pilo­tage par seuils

Aussi, pour les enfants de la République et leurs pro­ches, ainsi que pour l’ensem­ble de la société, nous deman­dons des mesu­res de sécu­ri­sa­tion de l’école, à effet immé­diat :

● Pilotage par seuils pré­dé­fi­nis à partir des taux d’inci­dence locaux, qui déclen­chent auto­ma­ti­que­ment les moda­li­tés d’ensei­gne­ment, les niveaux de dis­tan­cia­tion et de bras­sage pres­crits, et la jauge dans les clas­ses et la can­tine.

Pour assu­rer un ensei­gne­ment sécu­risé en pré­sence :

● Mesures d’atté­nua­tion effi­ca­ces dans les écoles : détec­teurs de CO2 dans tous les locaux afin de mesu­rer le niveau de renou­vel­le­ment de l’air dans les clas­ses, puri­fi­ca­teurs d’air dans toutes les can­ti­nes et les locaux mal ven­ti­lés, mas­ques de type chi­rur­gi­cal fourni par l’État pour tous et FFP2 à dis­po­si­tion pour per­son­nels et élèves fra­gi­les, dis­tan­cia­tion, limi­ta­tion des acti­vi­tés à risque ;

Augmenter les tests sali­vai­res

● Suivi épidémique : test sali­vaire heb­do­ma­daire par des per­son­nels com­pé­tents pour tous les élèves et per­son­nels, notam­ment par poo­ling, et tests sali­vai­res rapi­des pour tout élève ou per­son­nel symp­to­ma­ti­que ou cas contact à risque, dési­gna­tion d’un réfé­rent Covid par établissement pour­suivi et com­mu­ni­ca­tion avec les famil­les ;

● Communication et trans­pa­rence : péda­go­gie à des­ti­na­tion des ensei­gnants, élèves et famil­les sur la conta­mi­na­tion par aéro­sols, bilan heb­do­ma­daire des­tiné aux famil­les et per­son­nels sur l’épidémie dans l’établissement (cas confir­més, sus­pects et contacts), don­nées en open data sur le nombre et les résul­tats des tests dans chaque établissement ;

● Vaccination des per­son­nels volon­tai­res au plus vite.

Le choix de l’ensei­gne­ment à dis­tance

Pour assu­rer une conti­nuité péda­go­gi­que juste et effi­cace :

● Droit des famil­les de choi­sir l’ensei­gne­ment à dis­tance de manière ponc­tuelle s’ils consi­dè­rent que la situa­tion sani­taire de leur école ou de leur foyer le jus­ti­fie ;

● Aménagement des exa­mens dont BTS ;

● Outils et res­sour­ces péda­go­gi­ques pour l’ensei­gne­ment à dis­tance : séquen­ces péda­go­gi­ques clés en main, accès à des logi­ciels éducatifs inte­rac­tifs en ligne, accès au ser­vice du Cned aux famil­les qui en font la demande ;

● Prise en charge sociale : four­ni­ture sur demande aux élèves bour­siers de maté­riel infor­ma­ti­que et d’une connexion haut débit, pro­po­si­tion de repas à empor­ter en cas d’ensei­gne­ment dis­tan­ciel, aide finan­cière pour les famil­les.

(1) Thierry Amouroux, Porte-parole du syn­di­cat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers SNPI ; Eric Billy, cher­cheur en immu­no­lo­gie, Strasbourg, col­lec­tif “Du Côté de la Science” ; Isabelle Boulanger, Professeur de let­tres moder­nes, col­lec­tif "École et Familles Oubliées” ; Benoît Bourges, économiste ; Matthieu Calafiore, Médecin géné­ra­liste, direc­teur du dépar­te­ment de méde­cine géné­rale de Lille, col­lec­tif “Du Côté de la Science” ; Julien Cahon, ensei­gnant-cher­cheur, spé­cia­liste des poli­ti­ques éducatives ; Marion Damuni, Chargée de Gestion, col­lec­tif "École et Familles Oubliées” ; Pr. Stéphane Dedieu, Professeur des Universités, Reims  ; Dr Corinne Depagne, Médecin pneu­mo­lo­gue, Lyon, col­lec­tif “Du Côté de la Science” ; Dr Jérôme Marty, méde­cin géné­ra­liste, pré­si­dent de l’Union Française pour une Médecine Libre (UFMLS) ; Roland Gori, Psychanalyste, pro­fes­seur hono­raire de psy­cho­pa­tho­lo­gie à Aix Marseille Université, écrivain ; Dr. Claude-Alexandre Gustave, Biologiste médi­cal, Lyon, Mélanie Heard, Pôle Santé Terranova ; Caroline Hodak, Historienne et conseil en stra­té­gie de com­mu­ni­ca­tion ; Benoît Hallinger, économiste ; Dr Sophie Ioos, phar­ma­cienne épidémiologiste ; Dr Yvon Le Flohic, Médecin géné­ra­liste, col­lec­tif médi­cal 22 ; Christian Lehmann, méde­cin géné­ra­liste, écrivain ; Dr Alexis Lepetit, psy­chia­tre, géria­tre, Lyon ; Pr. Jean-Michel Loubes, Professeur des Universités, Toulouse ; Arnaud Mercier, Professeur en com­mu­ni­ca­tion, uni­ver­sité Paris 2 Assas ; Philippe Moreau Chevrolet, Professeur de com­mu­ni­ca­tion poli­ti­que à Sciences-Po Paris ; Valerio Motta, conseiller en com­mu­ni­ca­tion ; Myriam Oudghiri, Médecin, col­lec­tif "École et Familles Oubliées” ; Cécile Philippe, économiste, Présidente Institut Economique Molinari ; Dr Hélène Rossinot, Médecin de santé publi­que, col­lec­tif “Du Côté de la Science” ; Michaël Rochoy, Médecin géné­ra­liste, Univ. Lille, col­lec­tifs “Du Côté de la Science” et “Stop-Postillons” ; Barbara Serrano, Sociologue, Université de Versailles Saint-Quentin, col­lec­tif “Du Côté de la Science” ; Marie-Jean Sauret, Psychanalyste, membre de l’Association Le Pari de Lacan, pro­fes­seur émérite des uni­ver­si­tés ; Olivier Saut, Directeur de Recherche CNRS, Bordeaux ; Jacques Testart, cher­cheur retraité et essayiste ; Elisa Zeno, Ingénieur de Recherche, Collectif "École et Familles Oubliées” ; Mahmoud Zureik, pro­fes­seur d’épidémiologie et de santé publi­que à l’uni­ver­sité de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, col­lec­tif “Du côté de la Science”

https://www.la-croix.com/Debats/Covid-19-mieux-pro­te­ger-lecole-Republique-2021-03-28-1201148085

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