Soignants pressurés : travailler plus sans gagner plus, encore une fois

15 juillet 2025

Travailler plus, sans être mieux payé. C’est la logique brutale qui se cache derrière la proposition de supprimer deux jours fériés. Une mesure d’apparence anodine, présentée comme un levier de productivité ou une réponse budgétaire, mais qui, dans les faits, se traduirait par un alourdissement silencieux du fardeau porté par les soignants.

Pour le Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI), cette proposition constitue une attaque directe contre les droits des salariés, publics comme privés, et un nouveau signal d’alerte dans un système de santé déjà au bord de la rupture.

On prétend que deux jours fériés en moins boosteraient l’économie. Mais à quel prix ? Dans le secteur hospitalier, cela revient à exiger davantage de présence sans aucune compensation, ni financière ni en temps. Les jours fériés ne sont pas des jours «  offerts  », ce sont des droits inscrits dans le code du travail ou dans les statuts de la fonction publique. Leur suppression constitue un allongement déguisé du temps de travail annuel.

Dans un secteur sous tension où l’on peine déjà à remplacer les absents, chaque jour travaillé en plus est une charge supplémentaire pour des équipes à bout de souffle. Pour les professionnels en poste, cela signifie deux jours de repos en moins. Pour les intérimaires ou les vacataires, c’est une perte de jours habituellement rémunérés. Et pour l’ensemble des salariés du soin, c’est une nouvelle démonstration que leur temps n’a pas de valeur.

Perte de pouvoir d’achat pour les soignants

Dans la fonction publique hospitalière, travailler un jour férié ouvre droit à une récupération et/ou à une majoration salariale. Dans le secteur privé, les conventions collectives prévoient des primes ou des jours de repos compensateurs. Supprimer deux jours fériés, c’est donc priver les soignants de ces contreparties.

Le résultat ? Une perte sèche de revenu d’environ 150 euros pour ceux qui les travaillent, et une dégradation de l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle pour tous. Ce sont deux jours en plus dans l’année à assurer des soins, à s’organiser pour faire garder ses enfants, à tenir malgré la fatigue accumulée. Deux jours de repos en moins, dans des métiers où l’on termine déjà les plannings sur les rotules.

Au-delà de l’impact immédiat, cette mesure serait un précédent lourd de conséquences. Elle acte l’idée qu’on peut prolonger le temps de travail des soignants sans négociation, sans revalorisation, sans même reconnaître leur contribution. Elle s’inscrit dans un climat d’austérité rampante, où chaque effort est demandé aux mêmes, toujours en bas de l’échelle, toujours en première ligne.

Il faut s’inquiéter de ce que cela annonce. Supprimer deux jours fériés aujourd’hui, et demain ? Geler des RTT ? Revenir sur les acquis des 35 heures ? Revoir à la baisse les récupérations pour travail de nuit ? Le risque est là. Celui d’une déconstruction méthodique du droit du travail, au nom d’une efficacité comptable qui ne tient jamais compte des réalités humaines.

Un mépris de plus pour les soignants

Pour les infirmières, les aides-soignantes, les autres soignants, pour toutes celles et ceux qui tiennent l’hôpital debout, la coupe est pleine. On parle de revalorisation, mais on empile les reculs. On invoque la reconnaissance, mais on fragilise encore les conditions de travail. On dit vouloir renforcer l’attractivité, mais on sabre les droits. alerte Thierry Amouroux, le porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI.

À quel moment cessera-t-on de considérer les soignants comme une variable d’ajustement ? Les mêmes qui ont tenu pendant les crises sanitaires, les mêmes qui pallient les pénuries de lits, de médecins, de bras, devraient maintenant perdre deux jours de repos sous prétexte d’un redressement économique qui ne les concerne jamais quand il s’agit de redistribution.

Ce n’est pas en supprimant des jours fériés qu’on réglera les problèmes du système de santé. Ce n’est pas en pressurisant davantage les personnels qu’on assurera la continuité des soins. Ce dont la santé a besoin, ce sont de bras, de stabilité, de temps, de respect. Ce que demandent les professionnels, ce sont des effectifs suffisants, des rémunérations justes, une organisation humaine du travail.

Le SNPI appelle donc à l’abandon immédiat de cette mesure injuste et déconnectée des réalités du terrain. Il invite l’ensemble des personnels soignants à se mobiliser, à refuser l’érosion silencieuse de leurs droits, et à défendre une vision de la santé fondée sur la reconnaissance, pas sur l’usure.

La suppression de deux jours fériés ne fera pas des économies. Elle créera de la fatigue, du désengagement, et de l’amertume. Et quand les soignants s’effondrent, ce sont les patients qui trinquent.

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