Covid long : les patients réclament une mobilisation

19 novembre 2022
Le SNPI signe la tribune de l’association Covid long France « #apresJ20 » qui dénonce l’inertie des autorités sanitaires en direction des malades atteints de formes persistantes du Covid-19 (publiée dans Ouest France le 12.11.22)
« Les données sont claires : le Covid Long dévaste la vie et les moyens de subsistance des personnes touchées ». Ainsi s’est exprimé le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en exhortant les dirigeants du monde entier à intensifier sérieusement leur action pour faire face au Covid Long.
Un discours fort et résolu qui détonne avec l’immobilisme et le silence régnant en France autour de cette maladie, touchant pourtant plus de 2 millions d’adultes, d’après les premières estimations de Santé Publique France (SPF), et un nombre indéterminé de mineurs, étonnamment exclus de l’enquête de SPF. Le silence, y compris des autorités sanitaires et du Ministre de la Santé et de la Prévention, vient d’être rompu par le premier avis du nouveau Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (COVARS). Ce dernier ne semble jamais prendre en compte, en tant que motivation de la prévention des infections, le risque de Covid long, qui concerne tout le monde après une forme même légère de la maladie. Une position pré-annoncée par sa présidente, lors d’une interview radiophonique où le Covid était qualifié de “gros rhume, pas très grave” lorsqu’on est vacciné, en occultant ainsi l’existence même d’une affection longue durée et de séquelles à long terme.
Lorsque le COVARS évoque dans son avis “les formes persistantes de COVID-19”, c’est pour faire état d’un débat scientifique – pourtant inexistant – sur l’imputabilité de ces symptômes “vis-à-vis de SARS-CoV-2 ou d’un autre agent déclencheur”, et pour qualifier, à l’encontre des preuves scientifiques et des recommandations de la HAS, de “fonctionnels” ces troubles “mal connus et peu étudiés”.
Pourtant, plus de 2000 publications scientifiques internationales sont parues en 2 ans. L’activité de recherche sur le Covid Long, d’une intensité sans précédent, a bénéficié dans d’autres pays de considérables financements : 1,15 milliard de dollars aux États-Unis dès 2021, sans compter les financements privés, 50 millions de livres au Royaume-Uni. Seulement 9,5 millions d’euros en France, un budget qui ne devrait pas être augmenté en 2023 en dépit des exhortations de l’OMS à déployer plus de moyens pour le Covid Long.
Courage de faire face
Si les causes physiopathologiques du Covid Long sont certes encore à approfondir et à affiner, des éléments font déjà consensus depuis longtemps. Les séquelles neurologiques, immunitaires, cardio-vasculaires, rénales, entre autres, sont une réalité prouvée qui ne fait, contrairement à ce qu’écrit le COVARS, l’objet d’aucune controverse scientifique. L’hypothèse non organique (“troubles dits fonctionnels”), seule à être mentionnée par ce comité, est en réalité une hypothèse marginale, non recensée dans les revues scientifiques notables mais avancée par une équipe de recherche française.
Cette prise de position incompréhensible du COVARS, pourtant missionné pour éclairer les pouvoirs publics, risque d’être préjudiciable pour la qualité de vie de millions de personnes, à court, moyen et long terme. Ces personnes payent déjà les conséquences de la “psychologisation” abusive du Covid Long – renforcée par cet avis – qui les prive d’un parcours de soins adéquat et sans risque pour leur santé, notamment pour ceux faisant des malaises post-effort. Les rares services de prise en charge spécifiques sont souvent débordés et reposent entièrement sur un personnel épuisé par le manque de moyens. Aucun centre de référence dédié au Covid Long pédiatrique n’a vu le jour en France, alors que ce type de centres existe dans d’autres pays (Suisse, Espagne, Allemagne, Royaume-Uni,…).
Ainsi, en France, chaque jour, parfois depuis plus de 2 ans, les malades, adultes et mineurs, se battent non seulement contre une multitude de symptômes (plus de 200 recensés) impactant lourdement leur vie quotidienne, sociale, scolaire et professionnelle mais aussi contre les difficultés de diagnostic et de soins et un manque d’accompagnement, y compris financier. De mars 2020 à février 2022, moins de 4 000 personnes ont été reconnues en affection de longue durée (ALD). Épuisés, honteux d’une maladie invisibilisée, nombre de malades vivent une errance médicale ou abandonnent les soins, avec une véritable perte de chance et un impact socio-économique majeur pour les individus et pour la société, comme relayé désormais par la presse financière,,,,.
Aucune avancée tangible n’a suivi ni l’annonce en fanfare en mars 2022 par Olivier Véran et Xavier Lescure du Plan d’Action National Covid Long, ni la loi n° 2022-53, pourtant votée à l’unanimité en janvier 2022, visant à la création d’une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques du Covid et toujours en attente de ses décrets d’application.
Pourquoi cette inaction et ce déni français du Covid Long ? Par posture idéologique ou par conséquence d’une rhétorique nécessaire pour décréter la fin de la pandémie, la réalité est déformée : le Covid-19 n’est pas devenu un “gros rhume”. Certes, la vaccination et les traitements protègent des formes graves et de décès – 32 000 victimes sont toutefois à déplorer depuis janvier – mais la protection du vaccin contre le Covid long est seulement partielle (estimée entre 15 et 50 %). Comme le rappelle l’OMS, le meilleur moyen de prévenir un Covid Long est d’éviter l’infection.
Prévention, recensement des cas, augmentation des financements, accompagnement des malades, y compris financier, et création d’instances de décision nationales et territoriales intégrant les données scientifiques et les savoirs expérientiels des patients, sont autant de piliers d’une réponse qui ne doit plus tarder. Le Covid Long nous concerne tous, il est grand temps d’avoir le courage de le reconnaître et la responsabilité d’y faire face.
Premiers signataires : Pauline OUSTRIC, Présidente et co-fondatrice de l’association ApresJ20 Covid Long France ; Andreea-Cristina MAS, Collectif Covid Long Pédiatrique ; Eric GUEDJ, Médecin Nucléaire, Aix-Marseille Université ; Ziyad AL-ALY, Physician and Scientist, USA ; Aurelien BEAUCAMP, Directeur RSE, ancien président de Aides ; David PUTRINO, Associate Professor, USA ; Louis LEBRUN, médecin spécialiste de santé publique ; Elisa PEREGO, researcher and advocate with Long Covid, Long Covid Kids Champion, IT ; Emma JAMES, Journaliste ; Christina PAGEL, Professor of Operational Research, University College London, UK ; Sheena CRUICKSHANK, immunologist, Professor University of Manchester and member of British Society for Immunology, UK ; Gilles THÖNI, Physiologiste de l’activité physique adaptée à la santé ; Gwen FAUCHOIS, activiste santé, ex-vice-présidente d’’ActUp-Paris ; Dr Rae DUNCAN, Cardiology Consultant and Long Covid Research Clinician, Member of Expert Advisory Team on Long Covid, World Health Network, UK ; Fiona LOWENSTEIN, journalist and founder of Body Politic, USA ; Philippe MOREAU CHEVROLET, conseiller en communication, scénariste et professeur à Sciences Po Paris ; Darren BROWN, Chair Long COVID Physio, UK ; Dr Kelly FEARNLEY, Co-chair of Long Covid Doctors for Action, UK ; Clare RAYNER, Medecin du Travail, Society of Occupational Medicine, UK ; Danilo BUONSENSO, pediatrician, IT ; Valerio MOTTA, président d’agence de communication, ancien conseiller ministériel ; Diane MALOSSE, journaliste au Progrès ; Julien ASTAING, médecin ; Dr Deepti GURDASANI, Clinical Epidemiologist and Senior Lecturer in Machine Learning, Queen Mary University of London, UK ; A. GHALI Interniste CHU ANGERS ; Chantal BRITT, chercheuse, fondatrice Long Covid Suisse, CH ; Sammie McFARLAND CEO & Founder Long Covid Kids, UK ; Benoît HALLINGER, économiste ; Jérôme MARTY, médecin, président UFMLS ; Thierry AMOUROUX, porte-parole du syndicat national des professionnels infirmiers SNPI.
Liste complète des signataires : https://www.apresj20.fr/tribune-signataires
Tribune parue dans OUEST FRANCE : https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/point-de-vue-covid-long-les-patients-reclament-une-mobilisation-b401e1f6-619e-11ed-80dd-16ff5f0ae27e