"Dette immunitaire" : citoyens et soignants lancent un appel à mieux protéger les enfants

24 novembre 2022
Un collectif de parents et des soignants (dont le SNPI) appellent à mieux protéger les enfants contre l’ensemble des virus actuellement en circulation, du VRS (bronchiolites) au SARS-CoV-2. Tribune publiée dans "L’EXPRESS" du 23.11.22 @Ecole_Oubliee #SecurisezNosEcoles
Les pédiatres avaient lancé l’alerte, l’actualité le confirme : saturation des urgences pédiatriques, transferts de nourrissons, déprogrammation des chirurgies, nos enfants sont quotidiennement en danger. L’hôpital s’est effondré. Était-ce une fatalité ? En 2019, la ministre de la Santé avait ordonné une mission "flash" "visant à éclairer les causes de la saturation récurrente des services de réanimation pédiatriques conduisant à transférer de nombreux patients hors région et à faire des préconisations pour y remédier."
Trois ans et une pandémie plus tard, aucune amélioration tangible n’a concerné la pédiatrie, qui au contraire doit également faire face aux conséquences d’avoir laissé circuler le SARS-CoV-2 sans plus aucune mesure de freinage.
Les urgences pédiatriques d’autres pays sont également saturées. Aux Etats Unis, le directeur des Centres de Prévention des maladies infectieuses alerte également sur la hausse des hospitalisations pédiatriques pour Covid-19, qui touche principalement les bébés de moins de 6 mois non éligibles à la vaccination. Au Canada, le conseil de santé publique étudie "de toute urgence" la réintroduction du masque obligatoire, en commençant par les écoles, affirmant que chacun doit prendre sa part dans la protection des plus jeunes membres de la communauté.
Témoignages de retard au diagnostic et de "tri" parmi les enfants
En France, aucune mesure n’est annoncée. Le gouvernement considère, comme l’a expliqué son porte-parole Olivier Véran, qu’il "n’y a pas lieu d’obliger au port du masque" car il faut maintenir la possibilité de "garder sous le coude" cette mesure "si la situation venait à se dégrader", n’incluant visiblement pas les enfants dans l’appréciation de la situation. Le fameux plan pour améliorer la qualité de l’air intérieur des crèches, écoles, hôpitaux n’a jamais vu le jour. "Sous le coude" se trouve aussi sans doute la saisine de la Haute autorité de santé pour qu’elle donne son avis sur l’extension de l’offre vaccinale contre le Covid-19 aux enfants de plus de 6 mois (et le rappel pour ceux entre 5 et 11 ans) suite aux recommandations de l’Agence européenne du médicament.
Le ministre de la Santé et de la Prévention, après avoir activé le plan ORSAN, se veut rassurant en citant des solutions telles que la réforme ajoutant une quatrième année d’étude en médecine générale, censée "mieux former les étudiants sur la pédiatrie". Une décision, très contestée, qui s’inscrit dans une autre temporalité que l’urgence actuelle. Le ministre s’empresse en revanche de démentir une pédiatre ayant évoqué à la radio la nécessité d’un tri des enfants, en récusant "de tels propos qui déforment la réalité" et en menaçant d’une enquête.
En même temps, les témoignages de retards de diagnostic, des choix entre enfants à opérer, d’intervention ou de réanimation dans les chambres et dans les couloirs se multiplient de toute part. Il s’agit bien de choisir quels enfants recevront des soins, en mode dégradé d’ailleurs, et d’une perte de chances pour beaucoup d’entre eux : cette situation est inacceptable.
Cet abandon de la prévention s’accompagne de l’évocation, y compris par les autorités sanitaires, de la théorie de la "dette immunitaire" : les enfants aujourd’hui seraient très touchés, non à cause de la circulation continue et intense d’un nouveau virus contre lequel ils ne sont pas protégés, mais à cause de l’adoption antérieure de mesures de prévention. La circulation réduite des pathogènes aurait fait diminuer les défenses immunitaires des enfants, ou celles de leurs mères alors enceintes pour prendre en compte les nourrissons nés après la levée des mesures. Ce concept, ignorant le fonctionnement continu du système immunitaire, qui n’est en fait pas comme un muscle "à entraîner", peut faire penser à un conte de grand-mère ; mais c’est bien une hypothèse introduite principalement par des pédiatres français, dont Robert Cohen, en 2021, et transformée par ses promoteurs, l’espace de trois articles (cités ensuite par eux ou d’autres), en un fait prétendument avéré, pourtant jamais démontré par aucune étude.
D’autres explications possibles
Des "représentants" de la pédiatrie européenne s’appuient sur la "dette immunitaire" pour appeler à l’élargissement du calendrier vaccinal chez les enfants. Elle est également évoquée pour expliquer la catastrophe actuelle à l’hôpital. A l’international, le concept a diffusé via les réseaux des sociétés pédiatriques et rencontre un grand succès chez les opposants aux mesures de protection sanitaires. Pourtant, il ne s’agit que d’une hypothèse, jugée peu plausible par les experts en immunologie, démentie dans les cas du virus respiratoire syncytial (VRS) par une étude de 2002 montrant que la réinfection naturelle par le VRS ne renforce pas l’immunité des cellules.
D’autres explications sont possibles : nouveaux variants, co-infections, infections par d’autres virus. Par exemple, l’on sait depuis 2021 que chez les tout-petits, le SARS-CoV-2 peut être également responsable de bronchiolites. L’Afrique du Sud avait même prévenu qu’il s’agissait de la symptomatologie principale induite par Omicron à son apparition. Lors d’une étude dans 23 services d’urgences pédiatriques en Europe et en Israël, sur 315 nourrissons avec un diagnostic de bronchiolite, 16 étaient positifs au SARS-CoV-2, un au VRS, les autres étant infectés par des rhinovirus. Cependant, en absence de données fiables et transparentes, il est impossible de connaître le rôle des différents virus dans l’épidémie actuelle. En outre, une autre hypothèse qui mériterait d’être étudiée est le possible affaiblissement du système immunitaire dû au Covid-19. Cette possibilité, déjà avancée par un immunologiste américain depuis près de 2 ans, semble trouver confirmation dans une étude publiée récemment dans la prestigieuse revue Nature. Une possibilité qui risque de compromettre les progrès faits depuis un siècle pour l’espérance de vie, que la pandémie a déjà balayés aux Etats-Unis.
Ainsi, un certain désintérêt envers les enfants, le déni pandémique et une hypothèse fallacieuse, non vérifiée - bien au contraire - sont en train de dicter les décisions en matière de santé publique censées protéger nos enfants, aujourd’hui et à l’avenir. Le refus dogmatique de la prévention est insupportable, alors que les soignants trient des enfants. Face aux tragédies qui se jouent quotidiennement dans les hôpitaux pédiatriques, la prévention, considérée comme une "révolution" et objectif numéro 1 dans le programme santé d’Emmanuel Macron, ne peut plus rester qu’un simple mot dans l’intitulé du ministère de la Santé. Pour aplatir la courbe de la bronchiolite et soulager les soignants exténués, comme pour le Covid-19, se masquer dans les transports et les lieux clos confinés doit être une obligation raisonnée, réglementée par les pouvoirs publics ; la vaccination contre le Covid-19 est à étendre et promouvoir, tout comme l’éducation à la santé.
Nous appelons le président de la République et le gouvernement à revenir dans la réalité en agissant concrètement sans plus tarder : la santé des soignants et des enfants dépend de leur engagement pour le retour du collectif, sous peine de tristes lendemains.
Elisa ZENO, ingénieur de recherche, PhD, co-fondatrice du collectif Ecole et Familles Oubliées
Louis LEBRUN, médecin spécialiste de santé publique
Matthieu CALAFIORE, médecin généraliste, directeur du département de médecine générale de Lille
Igor AURIANT, Médecin Réanimateur
Charlotte JACQUEMOT, chercheuse en neurosciences, collectif Adios Corona
Christian LEHMANN, médecin généraliste
Marie FERNET, avocate, parent d’élèves
Stéphane DEDIEU, professeur des universités
Arnaud MERCIER, professeur en communication, université Paris-Assas
Jérôme MARTY, médecin généraliste president UFMLS
Thierry AMOUROUX, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI
Aude ROSSIGNEUX, journaliste et parent d’élèves
Raphaëlle LAPOTRE, conservatrice des bibliothèques, parent d’élèves
Mme COULON Audrey, assistante maternelle et parent
Corinne DEPAGNE, pneumologue
Renaud GUERIN, ingénieur.
Hélène POIRIER, médecin
Valérie REVERT, maman de 3 enfants, en congé sabbatique
Gisèle DASTE, parent d’élève
Céline CASTERA Infirmière
Nathalie PIAT, développeuse web et parent d’élève
Laure SOULE, juriste
Matthieu CHAUVEAU, professeur certifié et parent d’élèves
Céline BON, parent d’élèves
Yannick FREYMANN, médecin généraliste
Nicolas PÉCASTAINGS, infographiste
Solenn LESVEN, parent d’élèves
Marie-Anne PANET, docteur en médecine
Julie GRASSET, Présidente Association CoeurVide19
Corinne PLANTE, parent d’élève
Julien CAZENAVE parent d’élève
Solenn TANGUY, enseignante et parent d’élève, Collectif Winslow Santé Publique
Christophe LEFEVRE médecin et père de famille
Marion PONSOT, assistante d’équipe de recherche
Alain HOMSI, réalisateur
Anita DANIEL, membre du collectif zéro covid solidaire
Michaël ROCHOY, médecin généraliste
Natica BARTKOWIAK, assistante sociale.
Pierre LAGNEL, journaliste
Cathie ERISSY Secrétaire Générale de l’Association de Promotion de la Profession Infirmière APPI
Andreea-Cristina MAS, fondatrice Collectif Covid Long Pédiatrique
David SIMARD, docteur en philosophie de la santé, parent
Armelle VAUTROT, universitaire et thérapeute, parent d’élève
Matthieu PICCOLI, médecin des hôpitaux
Frédéric BURNEL, enseignant en sciences physiques
Cécile PHILIPPE, économiste, parent
Katia RENAULT, Parent d’élèves
Jonathan FAVRE, médecin généraliste
Annabelle JARRY, parent d’élève
Philippe BORREL, auteur-réalisateur de films documentaires
Alexander SAMUEL, enseignant