Pose de bracelets aux patients (rédaction du Post, le 08/02/2008)
8 février 2008
Article paru le site lepost.fr le 08.02.08 : A l’hôpital Saint-Louis, à Paris, "On bague les malades comme des pigeons" dénonce le président d’un syndicat infirmier. Thierry Amouroux, président du syndicat SNPI (Syndicat National des Professionnels Infirmiers) CFE-CGC, et infirmier à l’hôpital Saint-Louis depuis 1984, s’élève contre la généralisation du port de bracelets électroniques par les patients.
De quoi s’agit-il ?
"Depuis début décembre, l’administration de l’hôpital Saint-Louis, à Paris, a jugé bon d’imposer le port de bracelets électroniques d’identification à l’ensemble des malades. Au départ, seul les patients incapables de décliner leur identité devaient le porter, mais la pratique s’est rapidement généralisée à l’ensemble des patients" déplore-t-il.
Quelles sont les raisons invoquées par la direction de l’hôpital ?
"La direction invoque une nécessaire traçabilité et une meilleure sécurisation des patients. Dans la mesure où la durée moyenne de séjour des patients diminue progressivement et que le personnel tourne aussi de plus en plus, les risques d’erreurs sont, selon elle, plus importants".
Mais ce bracelet n’est-il pas utile ?
"Je comprends que l’on pose des bracelets aux nourrissons ou aux personnes incapables de décliner leur identité, mais l’appliquer à tous est une démarche tout à fait différente. On ne bague pas des malades comme on bague des pigeons."
Que pensez-vous de cette nouvelle pratique ?
"Je trouve cette pratique simplement inadmissible et très inquiétante. Tout d’abord, elle fausse complètement la relation du personnel soignant au malade, dans la mesure où elle nous apparente à des policiers contrôlant l’identité d’un patient avant de s’adresser à lui. Elle pose ensuite un réel problème d’éthique : le patient affublé d’un bracelet électronique est déshumanisé, il devient un numéro parmi d’autres. De plus, le personnel est également vexé par cette pratique : nous sommes tout de même capables de reconnaître nos patients ! C’est dur à avaler".
A quoi ressemble ce bracelet ?
"Il s’agit d’un bracelet en plastique sur lequel est apposée une étiquette autocollante munie d’un code-barre (identifiant à 20 chiffres) ainsi que les nom, prénom et date de naissance du patient" explique l’infirmier. "Une fois apposé, on ne plus le retirer".
Comment ont réagi les patients ?
"Chacun réagit en fonction de sa personnalité, évidemment, mais nous avons eu des cas problématiques qui laissent présager de nombreuses difficultés. Au moment de la pose du bracelet, un patient a par exemple déclaré à une infirmière qu’il n’était pas un chien. C’était leur première rencontre et leur relation en a été fortement altérée. Plus gênant encore, ce cas où une infirmière, qui ne faisait qu’appliquer les consignes de la direction, s’est approchée d’un homme âgé pour lui poser le bracelet. Le patient a remonté sa manche et lui a déclaré "Je n’en ai pas besoin, j’ai déjà un numéro d’identification de tatoué." Il s’agissait d’un ancien déporté".
Que comptez-vous faire ?
"Nous avons déjà alerté de nombreux élus, sénateurs et maires. Certains sont très choqués. J’ai également remis un bracelet à Roselyne Bachelot le 14 janvier. Si nous ne nous mobilisons pas, la pratique pourrait être généralisée à l’ensemble de la AP-HP".