Retraite : état des lieux (septembre 2007)
22 septembre 2007
Secrétaire Nationale de la CFE-CGC, Danièle Karniewicz, en tant que présidente du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) des salariés, dresse un état des lieux du système de retraite :
ses avantages, ses failles, les moyens de le préserver.
L’attention est aujourd’hui focalisée sur les régimes
spéciaux, accusés de tous les maux. Les réformer suffirait-il à régler la question du système de retraite ?
Ce n’est assurément pas cette seule réforme qui
permettra de s’adapter à l’enjeu démographique
auquel la France se trouve confrontée.
Certes, les Français demandent aujourd’hui plus d’équité dans les efforts à fournir pour maintenir le système par répartition. Au niveau de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), nous avons beaucoup de réactions de salariés du privé qui ne veulent plus de cette situation. Il faudra donc certainement revoir la question des
régimes spéciaux.
Mais cette réforme à elle seule n’apportera pas une solution financière suffisante. Surtout que seuls les régimes des agriculteurs, des commerçants et des artisans
sont déficitaires.
Par ailleurs, la méthode avancée par le gouvernement
me semble un peu curieuse, même si elle ne vise qu’à prendre la température de l’opinion.
On ne peut pas d’un côté afficher une
volonté de dialogue avec les partenaires
sociaux et de l’autre annoncer d’emblée que la
solution consiste à aligner les régimes spéciaux
sur celui de la fonction publique.
Le dialogue avec les partenaires sociaux doit
donc être une première étape indispensable ?
Certainement. Il existe une quarantaine de régimes
spéciaux. Leur réforme exige une vraie négociation, entreprise par entreprise. Et il est tout à fait normal de laisser l’initiative aux partenaires sociaux.
Au-delà, ne faut-il pas envisager une réforme
globale ?
Le vrai problème est celui du vieillissement de la
population, qui menace le système par répartition.
Aujourd’hui, il y a de plus en plus de retraités
et de moins en moins d’actifs. Et cette question
du solde démographique est valable pour
tous les régimes. Cependant, certains secteurs
sont plus touchés que d’autres. C’est le cas de
l’agriculture, par exemple. Mais c’est justement
la force du système par répartition. Il permet
d’aider tous les régimes et d’assurer la solidarité.
L’épargne privée vous semble-t-elle être une
solution ?
Laisser croire que la capitalisation constitue une
meilleure réponse démographique est totalement
mensonger. Le seul cas de l’Argentine suffit
à le prouver. Ce pays a misé sur les fonds de
pension. Résultat, nombreux sont les Argentins qui se retrouvent aujourd’hui dans la misère. Et
les exemples de ce type abondent.
Une telle solution est juste synonyme d’un
moindre engagement de l’État. Elle reviendrait à
spolier toute une génération et à rendre la situation
encore pire pour de nombreuses personnes.
Même pour celles qui ont des ressources suffisantes,
mais qui ne savent pas forcément placer
leur argent sur le marché.
Je reviens tout juste du premier Forum mondial de la sécurité sociale, qui s’est tenu à Moscou. Tous les pays
raisonnent désormais en termes de retraites
privées. Comme la Russie qui ne compte que
sur les fonds de pension. Même la France
s’oriente de plus en plus vers l’épargne privée.
On ne peut qu’y voir le résultat de la pression
des banques et des assurances. Voilà ce qui
menace le système par répartition.
L’autre danger qui pèse sur ce système n’est-il
pas la baisse des pensions ?
Les réformes successives sont en effet allées
dans le sens d’une baisse des pensions.
Depuis la réforme Balladur, en 1993, le salaire
moyen de référence, base de calcul de la pension,
est calculé sur les 25 meilleures années et
non plus sur les 10 meilleures. Évidemment,
une telle mesure a un énorme impact. Il est
plus difficile aux salariés, notamment aux
femmes, de trouver 25 années de salaire
convenable.
Dix ans plus tard, avec la loi Fillon, la situation
s’est encore dégradée. Les pensions ne sont
plus indexées sur les prix mais sur l’évolution
générale des salaires. Cette réforme a elle
aussi conduit à une réduction considérable du
niveau général des pensions. Toutes ces réformes
ont pesé sur le niveau de pension.
Aujourd’hui, le gouvernement veut également
jouer sur la durée de cotisation. Dans cette logique,
la loi Fillon de 2003 a prévu d’augmenter
les annuités à partir de 2009. Pour une retraite
à taux plein, il faudra alors cotiser 40 ans. Et à
partir de 2012, 41 ans. La vraie question est de
savoir s’il faudra encore aller au-delà.
Récemment, Laurence Parisot, la présidente du
Medef, a émis l’idée d’augmenter l’âge légal du
départ à la retraite. Ce sera acceptable le jour où
le patronat gardera effectivement dans l’entreprise
ses employés jusqu’à 60 ans. Si comme
aujourd’hui, ce n’est pas le cas, les gens se
retrouveront au chômage et auront encore
moins de points de retraite !
Outre les annuités et le plafond des pensions,
sur quels autres leviers peut-on jouer pour sauver
le système de retraite actuel ?
Il y a également le montant des cotisations. Il
faudrait une assiette de financement plus
large. On peut ainsi envisager une hausse des
cotisations patronales mais cela est plus vrai
pour l’assurance maladie. Le système de
retraite doit rester contributif.
Il faut aussi faire en sorte que les jeunes croient encore en ce système. Aujourd’hui, ils paient, mais on ne
leur dit pas ce qu’ils toucheront une fois à la
retraite. Ils ont le sentiment d’être laissés dans le flou. Il faudrait restaurer la confiance
en fixant un seuil en dessous duquel on ne pourra pas descendre.
En compensation de cette garantie, alors, on pourra
leur demander un effort supplémentaire.
Le choix du système de retraite est donc également un choix de société ?
C’est pour cela qu’il est nécessaire d’expliquer à tous les
Français les avantages de la solidarité. Les gens ne sont pas forcément réceptifs à cette notion.
Pourtant, il n’existe pas d’autre système en mesure de mieux protéger contre les difficultés de la vie. Car la maladie, le chômage sont des épreuves que tout le monde peut malheureusement rencontrer.
Il faut aussi afficher des garanties pour les jeunes. La question de l’équité que l’on soulève actuellement au sujet des régimes spéciaux est encore plus grave quand on
la pose en termes de générations.
Aujourd’hui, les retraités bénéficient encore d’un bon
pouvoir d’achat. Les jeunes, eux,n’ont aucune lisibilité de l’avenir et c’est bien par rapport à eux qu’il est impératif de faire porter l’effort.
À mon sens, un travail de pédagogie est donc
nécessaire et, encore une fois, il faut vraiment
s’élever contre ceux qui préconisent la capitalisation.
Sur ce point, il me semble qu’il y a un
défaut de communication et les politiques ne
nous aident pas assez. Ils parlent trop d’épargne
privée. Il faut une volonté de clarté du message.
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Repères :
La France compte plus de 120 régimes spéciaux, dont ceux
des curés d’Alsace-Moselle, des salariés du port autonome de Bordeaux, des clercs de notaires ou encore des marins...
les agents d’EDF, de la SNCF ou de la Banque de
France ne sont pas des fonctionnaires.
Par ailleurs, il existe d’autres régimes baptisés
« particuliers » ou « autonomes », comme celui des agriculteurs, des artisans ou des indépendants. Rarement évoqués, ils sont tous déficitaires et ne survivent que grâce à la solidarité nationale.