Santé Info Droits : quand l’écoute devient un droit fondamental

24 octobre 2025

« Gratuit, acces­si­ble, humain. » Trois mots sim­ples pour décrire Santé Info Droits, le ser­vice juri­di­que et social de France Assos Santé. Mais der­rière cette ligne télé­pho­ni­que se cache bien plus qu’un centre d’appels : un baro­mè­tre du sys­tème de santé, et un rem­part contre la perte de sens des droits des patients.

Dans un pay­sage sani­taire saturé de pla­te­for­mes auto­ma­ti­sées et de por­tails en ligne opa­ques, Santé Info Droits rap­pelle une évidence : infor­mer, c’est déjà soi­gner. Ce ser­vice, gra­tuit et ouvert à tous, répond aux inter­ro­ga­tions des usa­gers, repré­sen­tants, asso­cia­tions, pro­fes­sion­nels et aidants. En 2024, plus de 12 000 per­son­nes ont sol­li­cité la ligne (un record depuis sa créa­tion). Les appels ont aug­menté de 14 %, les cour­riels de 15 %, reflet d’une société en quête d’inter­lo­cu­teurs fia­bles, humains et com­pé­tents.

Derrière le com­biné, seize juris­tes et avo­cats formés à l’écoute répon­dent chaque jour avec rigueur et bien­veillance. Leurs échanges durent en moyenne qua­torze minu­tes, bien loin du trai­te­ment expé­di­tif des chat­bots ou des stan­dards délo­ca­li­sés. L’effi­ca­cité du dis­po­si­tif repose sur cette alliance rare entre exper­tise juri­di­que et intel­li­gence rela­tion­nelle.

France Assos Santé ne s’y trompe pas : Santé Info Droits n’est pas seu­le­ment un ser­vice d’infor­ma­tion, c’est un obser­va­toire social de la santé. Les mil­liers de témoi­gna­ges col­lec­tés cons­ti­tuent un miroir fidèle des iné­ga­li­tés vécues par les patients : refus de soins, fran­chi­ses injus­ti­fiées, droits théo­ri­ques inac­ces­si­bles, dif­fi­cultés admi­nis­tra­ti­ves sans fin.

L’année 2024 aura été celle de l’explo­sion des appels liés à l’accès et à la prise en charge des soins (+50,9 %), devant les ques­tions sur les acci­dents médi­caux ou le droit au dos­sier. Cette hausse spec­ta­cu­laire révèle un écart gran­dis­sant entre la loi et la réa­lité. Les droits exis­tent, mais leur effec­ti­vité recule : len­teurs, refus non moti­vés, manque d’inter­lo­cu­teurs iden­ti­fiés. Pour de nom­breux citoyens, l’accès au soin devient un par­cours du com­bat­tant admi­nis­tra­tif.

Le focus du rap­port 2024 est sans appel : la ques­tion finan­cière sup­plante désor­mais les autres. Les sol­li­ci­ta­tions concer­nant les fran­chi­ses médi­ca­les et par­ti­ci­pa­tions for­fai­tai­res ont bondi de 530 %. Derrière ces chif­fres, des situa­tions absur­des : assu­rés en affec­tion de longue durée, vic­ti­mes d’acci­dents du tra­vail ou per­son­nes han­di­ca­pées contraints de payer des sommes indû­ment pré­le­vées, par­fois sur plu­sieurs années.

En cause, le dou­ble­ment des fran­chi­ses décidé en 2024 et la mul­ti­pli­ca­tion des récu­pé­ra­tions rétroac­ti­ves par les cais­ses d’assu­rance mala­die. Ces pra­ti­ques, contrai­res à l’esprit de la Sécurité sociale, sapent la confiance et accrois­sent les iné­ga­li­tés : les plus mala­des sont les plus ponc­tion­nés. Comme le sou­li­gne le rap­port, «  les bien-por­tants ne paient plus pour les mala­des, ce sont les mala­des qui finan­cent les autres mala­des ».
Un ren­ver­se­ment du prin­cipe même de soli­da­rité natio­nale.

Une ligne qui répare autant qu’elle informe

Les asso­cia­tions par­te­nai­res (Afa Crohn-RCH, France Parkinson, Vaincre la Mucoviscidose, UNAFAM) témoi­gnent d’un usage quo­ti­dien du ser­vice, véri­ta­ble sou­tien de deuxième niveau. Elles y trou­vent des répon­ses juri­di­ques poin­tues, des éclairages sur les réfor­mes, une écoute spé­cia­li­sée impos­si­ble à assu­rer seules.

Loin de concur­ren­cer les asso­cia­tions, Santé Info Droits les com­plète, crée du lien, mutua­lise les savoirs. Certaines asso­cia­tions ont même inté­gré les fiches pra­ti­ques de France Assos Santé à leurs pro­pres sites, reconnais­sant la fia­bi­lité d’une infor­ma­tion vali­dée et mise à jour.

Les retours conver­gent : la ligne apporte un sou­la­ge­ment immé­diat à des per­son­nes sou­vent per­dues dans la com­plexité du sys­tème. « Avoir une vraie per­sonne au bout du fil, c’est déjà un soin », résume une écoutante.
Et dans bien des cas, cette écoute pré­vient des rup­tu­res de par­cours, des décro­cha­ges admi­nis­tra­tifs, voire des renon­ce­ments aux soins.

Ce que met en œuvre Santé Info Droits au plan juri­di­que, les infir­miè­res le pra­ti­quent chaque jour au plan cli­ni­que : écouter, expli­quer, orien­ter, sécu­ri­ser. Face à des patients dému­nis devant la mala­die ou la bureau­cra­tie, l’infir­mière est sou­vent la pre­mière à tra­duire les droits en actes concrets : expli­quer un pro­to­cole, aider à rem­plir un dos­sier d’ALD, signa­ler une erreur de fac­tu­ra­tion, aler­ter un méde­cin trai­tant ou une assis­tante sociale.

Dans cette pers­pec­tive, la ligne de France Assos Santé agit comme un pro­lon­ge­ment du rôle infir­mier dans la cité. Elle trans­forme la rela­tion de soin en rela­tion de droit, où chaque citoyen peut être reconnu, entendu et accom­pa­gné. Alors que la réforme de la pro­fes­sion infir­mière consa­cre la « rela­tion qui soigne » et l’orien­ta­tion du patient dans son par­cours, Santé Info Droits en offre la démons­tra­tion à l’échelle natio­nale : le soin ne s’arrête pas à l’acte, il s’étend à l’accom­pa­gne­ment juri­di­que, social et éthique.

Cette com­plé­men­ta­rité entre écoute soi­gnante et écoute citoyenne cons­ti­tue aujourd’hui un modèle de démo­cra­tie sani­taire appli­quée. Elle montre que la com­pé­tence infir­mière, fondée sur la rela­tion et la res­pon­sa­bi­lité, peut ins­pi­rer d’autres champs de la santé publi­que.

La réus­site de Santé Info Droits tient à une équation simple : com­pé­tence + proxi­mité + huma­nité. Autant de qua­li­tés mena­cées par la ten­ta­tion du tout-numé­ri­que et la réduc­tion des bud­gets de média­tion. Or, dans un contexte de défiance envers les ins­ti­tu­tions, ce dis­po­si­tif prouve qu’un accom­pa­gne­ment juri­di­que public et asso­cia­tif reste non seu­le­ment pos­si­ble, mais indis­pen­sa­ble.

France Assos Santé en fait un ins­tru­ment de plai­doyer, nour­ris­sant ses posi­tions sur les restes à charge ou la coor­di­na­tion des soins. En ce sens, la ligne n’est pas un simple ser­vice d’assis­tance : elle est une source d’intel­li­gence col­lec­tive pour éclairer les poli­ti­ques publi­ques.

Face à la montée des iné­ga­li­tés, Santé Info Droits redonne chair à la citoyen­neté sani­taire. Elle rap­pelle que le droit à la santé ne se limite pas à l’accès aux soins, mais englobe le droit d’être informé, accom­pa­gné et res­pecté. Chaque appel est une micro-poli­ti­que du soin : un moment où la soli­da­rité se concré­tise dans un échange entre deux per­son­nes.

À l’heure où les fran­chi­ses dou­blent, où la bureau­cra­tie s’épaissit et où les renon­ce­ments aug­men­tent, cette ligne fait figure d’excep­tion fran­çaise. Elle démon­tre que la démo­cra­tie sani­taire n’est pas une abs­trac­tion, mais un exer­cice quo­ti­dien d’écoute et de res­pon­sa­bi­lité.

Alors que la rigueur bud­gé­taire menace l’accès aux soins, la mise en place et le ren­for­ce­ment de Santé Info Droits méri­tent d’être salués comme un acte poli­ti­que au sens noble : celui qui remet le citoyen au centre du sys­tème.

Parce que garan­tir les droits, c’est aussi garan­tir la confiance. Et parce qu’au fond, soi­gner la santé publi­que, c’est aussi soi­gner la rela­tion entre l’usager et la société.

https://www.france-assos-sante.org/wp-content/uploads/2025/09/D-675-FAS-OBS-2024-WEB.pdf

Partager l'article
     



Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Élection du nouveau Conseil National du syndicat infirmier SNPI

Le Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI CFE-CGC) a procédé, lors de son (…)

Contribution du SNPI : Projet d’arrêté “Actes et soins infirmiers”

L’arrêté relatif aux actes infirmiers constitue un moment déterminant pour donner effet à la loi (…)

Arrêté “Actes et soins infirmiers” : pourquoi le SNPI demande une réécriture ambitieuse

Le projet d’arrêté définissant les actes infirmiers devait permettre de mettre enfin en (…)

Au-delà des frontières, les infirmières partagent les mêmes combats

À l’occasion du congrès national du SNPI CFE-CGC, nous avons eu l’honneur de recevoir à Paris la (…)

Etats Généraux Infirmiers CIF : une profession qui se rassemble

Les États Généraux Infirmiers "Pour que la loi infirmière devienne soin", organisés par le (…)

Consultation infirmière : définition, missions et enjeux

La consultation infirmière est aujourd’hui l’un des leviers les plus efficaces pour améliorer (…)