Information du patient : du devoir moral à l’obligation juridique

10 décembre 2012

L’information des patients est un élément essentiel de la prise en charge. Un droit essentiel du patient auquel les juridictions civiles et administratives sont de plus en plus attentives.

Une opé­ra­tion qui tourne mal, des com­pli­ca­tions médi­ca­les, la vie du patient bou­le­ver­sée et, à la clé, une action en jus­tice inten­tée par le malade. Souvent, la déci­sion des juges civils et admi­nis­tra­tifs, moti­vée par un défaut d’infor­ma­tion de la part des méde­cins, est en faveur des vic­ti­mes. Le 3 juin 2010, la cour de cas­sa­tion a estimé que le défaut d’infor­ma­tion d’un pra­ti­cien envers son patient était un pré­ju­dice spé­ci­fi­que qui devait être indem­nisé en tant que tel.

Recueillir le consen­te­ment

Un juge se pose plu­sieurs ques­tions : quelle est la cause du dom­mage ? Quelle a été l’infor­ma­tion déli­vrée, par qui ? Quelles sont les consé­quen­ces du défaut d’infor­ma­tion ? Ainsi, le juge pourra établir le pour­cen­tage de perte de chance du patient. Autrement dit, informé des ris­ques et des alter­na­ti­ves, le patient aurait-il pris une autre déci­sion concer­nant sa santé ? À l’aide d’un expert, le juge tente de répon­dre à ces ques­tions. Une tâche dif­fi­cile : la loi pré­voit que l’infor­ma­tion du patient doit se faire par oral lors d’un entre­tien indi­vi­duel. Et, en cas de pro­blème, au méde­cin de prou­ver que le patient a bien été informé.

Certains pra­ti­ciens, pour se pro­té­ger, font signer au patient un for­mu­laire cer­ti­fiant « j’ai bien été informé ». Ce docu­ment n’est pas une preuve, il ne dit rien du contenu de l’infor­ma­tion reçue, ni si elle a bien été com­prise. Car, le patient doit figu­rer au cœur de l’infor­ma­tion. Le méde­cin adapte son dis­cours afin que le patient soit en mesure de consen­tir aux gestes pra­ti­qués, qu’il com­prenne les consé­quen­ces pos­si­bles et sur­tout qu’il puisse dire non. Se pose alors la ques­tion du contenu de l’infor­ma­tion : Que dire pour ne pas effrayer le patient ? Comment appré­cier un risque « fré­quent ou grave nor­ma­le­ment pré­vi­si­ble » au sens de la loi ?

Une pro­cé­dure spé­ci­fi­que

Habituée à devoir ras­su­rer les pro­ches de ses jeunes patients, le Pr Claudie Romana, chi­rur­gien ortho­pé­di­que pédia­tri­que à l’hôpi­tal Trousseau a mis en place une démar­che spé­ci­fi­que : « la déli­bé­ra­tion par­ta­gée ». « Nous, méde­cins, aidons les parents à expri­mer ce qu’ils veu­lent pour leur enfant, expli­que-t-elle. L’infor­ma­tion se fond dans les dif­fé­ren­tes étapes du pro­ces­sus ». Durant un entre­tien d’une tren­taine de minu­tes, le diag­nos­tic puis le trai­te­ment sont expli­qués avec des termes com­pré­hen­si­bles par les parents et par l’enfant.

Un second rendez-vous est fixé au cours duquel les famil­les doi­vent appor­ter leurs ques­tions par écrit. Ensuite, s’il reste des hési­ta­tions, un second avis peut être pro­posé. « Toujours est-il que les deux entre­tiens sont suivis par des cour­riers et des appels au méde­cin trai­tant ou au pédia­tre », sou­li­gne le Pr Claudie Romana. Des docu­ments impor­tants qui, en cas de pro­blè­mes, four­nis­sent un pré­cieux fais­ceau de preu­ves pour les experts et les juges.

Des for­mu­lai­res adap­tés à chaque spé­cia­lité médi­cale

Le Pr Marc Tadié, méde­cin conseil à la direc­tion des affai­res juri­di­ques de l’AP-HP, pré­co­nise d’ailleurs d’ins­tau­rer la rédac­tion d’une lettre type adres­sée au méde­cin trai­tant et rédi­gée par le méde­cin devant le patient. Autre solu­tion pro­po­sée, l’établissement d’un for­mu­laire à rem­plir par le méde­cin lors de la consul­ta­tion. S’il permet une vraie tra­ça­bi­lité de l’infor­ma­tion, ce for­mu­laire doit être adapté à chaque spé­cia­lité médi­cale.

Les anes­thé­sis­tes par exem­ple n’ont pas beau­coup d’alter­na­ti­ves à pro­po­ser à leur patient, mais les com­pli­ca­tions pré­vi­si­bles sont nom­breu­ses. La meilleure façon d’abor­der le patient est de lui pré­sen­ter les ris­ques en les com­pa­rant à ceux de la vie quo­ti­dienne pour les rendre moins effrayants. Il faut insis­ter sur les pré­cau­tions prises et expli­quer que le pas­sage en réa­ni­ma­tion fait partie de la pro­cé­dure ordi­naire.

Reste que, pour le patient comme pour le méde­cin, la déli­vrance de l’infor­ma­tion peut revê­tir un carac­tère anxio­gène. « L’équilibre est déli­cat à trou­ver entre déli­vrer l’infor­ma­tion néces­saire à son patient et garder sa confiance », résume Laure Bédier, direc­trice des affai­res juri­di­ques de l’AP-HP. Schéma, lettre au méde­cin trai­tant, ques­tions par écrit, for­mu­laire rempli par le méde­cin… autant de pistes à déve­lop­per pour que les méde­cins de demain sachent com­ment parler à leurs patients, les ras­su­rer et les guider vers la solu­tion médi­cale la plus appro­priée, tout en gar­dant une trace de cette infor­ma­tion.

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