Ordonnances santé : audition du SNPI au Sénat

30 août 2017
Deux membres du Bureau National du SNPI, Cathie ERISSY et Virginie SEGUIN, ont été auditionnées par Mme Corinne Imbert, rapporteure de la Commission des Affaires Sociales du Sénat, le 30 août 2017, sur l’exercice partiel d’une part, sur l’Ordre des infirmiers d’autre part.
La sénatrice LR de la Charente-Maritime souhaitait entendre le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGC) dans le cadre du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé, et du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-644 du 27 avril 2017 relative à l’adaptation des dispositions législatives relatives au fonctionnement des ordres des professions de santé.
1) Concernant l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017
Sur l’accès partiel, notre syndicat infirmier est concerné par l’article 2 du projet de loi qui ratifie l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.
Pour le SNPI, c’est un nouveau scandale de déqualification des soins, destiné à organiser une santé à deux vitesses, avec un risque majoré pour les EHPAD.
Nous estimons que le ministère de la Santé va toujours plus loin dans sa recherche d’économies, en autorisant des soins à la découpe par cette Ordonnance. Pour le Syndicat National des Professionnels Infirmiers, après les glissements de tâches, ils inventent le "séquençage des activités" pour permettre un "exercice partiel" des professions de santé.
Alors que ce texte avait été rejeté à l’unanimité par le Haut Conseil des Professions Paramédicales (HCPP), et dénoncé par toutes les organisations professionnelles représentatives des professions de santé réglementées, il a quand même été publié.
La création d’un exercice partiel n’est qu’une nouvelle division du travail, avec une approche saucissonnée des soins. Une ubérisation qui ne peut qu’attirer tous ceux qui favorisent déjà les glissements de tâches dans leurs établissements, afin de réaliser des économies par des soins low cost analyse le SNPI.
Ce texte autorise des ressortissants de l’UE détenteurs d’un diplôme de soins non compensable de réaliser tout ou partie des activités infirmières. Nous refusons de voir arriver des métiers intermédiaires entre aide-soignant et infirmière, ou des métiers type « auxiliaire en plaie et cicatrisations » ou « assistant de soins en diabétologie », qui ne reposeraient sur aucune formation française.
Le texte vise textuellement (section 3, article L 4002-3) à accorder "un accès partiel" à une profession règlementée lorsque "les différences entre l’activité professionnelle légalement exercée dans l’Etat d’origine et la profession correspondante en France sont si importantes que l’application de mesures de compensation reviendrait à imposer au demandeur de suivre le programme complet d’enseignement et de formation requis pour avoir pleinement accès à la profession". En clair, il devrait faire les trois années d’études pour exercer comme infirmier, tellement son expérience professionnelle est éloignée de notre exercice !
Nous refusons que des balnéothérapeutes roumains ou des auxiliaires de vie des pays de l’est puissent faire un exercice partiel de la profession infirmière en France.
Cela va entrainer une confusion dans l’esprit du public, qui ne sera pas en mesure de connaître le niveau de compétences de ces personnes. En effet, elles exerceront avec la traduction française de l’intitulé de leur métier d’origine. Donc une "nurse assistante" de Hongrie aura un badge « infirmière assistante », ce qui entrainera une confusion entre le métier d’aide-soignant ou la profession d’infirmière. Nous constatons déjà une confusion de ce type en maternité pour le public entre l’« auxiliaire puéricultrice » (métier de niveau 5) et « l’infirmière puéricultrice » (profession de niveau master), qui ne retient que le mot « puéricultrice ».
Enfin, la directive européenne stipule que l’accès partiel à certains professionnels en faisant la demande, notamment dans le domaine de la santé, puisse être refusé par un État membre car la sécurité des patients doit primer. Aujourd’hui, 14 pays européens n’ont pas transposé cette directive, et l’Allemagne a refusé de l’appliquer aux professions de santé. Il n’y avait donc ni obligation, ni urgence d’utiliser la voie antidémocratique d’une Ordonnance pour imposer un texte refusé par les professionnels et dangereux pour la population. Il y a d’ailleurs une procédure en cours à la Cour de justice européenne, qui pourrait très bien aboutir à exclure la santé.
2) Concernant l’ordonnance du 27 avril 2017
L’Ordonnance du 27 avril 2017 relative au fonctionnement ordinal n’a pas corrigé une réglementation qui, au nom de la parité, a conduit à réduire la part des femmes dans les instances ordinales infirmières !
Pour le SNPI, le principe de l’égal accès des femmes et des hommes ne doit pas se réduire à un 50/50, mais à une adaptation intelligente à la démographie d’une profession à 85% féminine !
Ainsi, au nom du bon sens, l’Ordre des Sages-femmes a pu obtenir de ne pas figurer dans « l’ordonnance 2015-949 du 31.07.15 relative à l’égal accès des femmes et des hommes au sein des ordres professionnels ». Malheureusement, elle stipule dans son article 4 « Les membres des conseils départementaux et, le cas échéant, interdépartementaux de l’ordre des infirmiers sont élus au scrutin binominal majoritaire à deux tours. Chaque binôme est composé de candidats de sexe différent ».
L’article 212 de la « loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé » autorise le Gouvernement « à prendre par ordonnances les mesures visant à adapter les dispositions législatives relatives aux ordres des professions de santé afin de modifier la composition des conseils, la répartition des sièges au sein des différents échelons et les modes d’élection et de désignation de manière à simplifier les règles en ces matières et à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions de membres dans l’ensemble des conseils ».
Grace à cet article, il est possible de ne pas être condamnés à réduire la représentation féminine dans l’Ordre des infirmiers. En effet, sur l’ensemble des conseils départementaux ou interdépartementaux de l’ONI, lors des élections de 2008 et 2014, les femmes représentaient les 2/3 des élus. Il est paradoxal et injuste de nous obliger à réduire la représentation féminine au nom de l’égal accès !
Un article de loi peut changer un autre article de loi : avec cette nouvelle ordonnance, nous avons un vecteur législatif qui peut éviter de pénaliser la représentativité des femmes au sein de l’ONI, et dénaturer l’esprit même de la loi sur l’égal accès. A l’instar de l’Ordre des sages-femmes, nous sollicitons donc une dérogation afin que nos élus ordinaux représentent véritablement notre corps professionnel.
Enfin, pour le SNPI, le concept de binôme homme/femme pose un autre problème dans une élection dans laquelle les candidatures sont individuelles. Le binôme est compréhensible lorsque les candidatures émanent de membres d’une organisation, comme lors des dernières élections politiques, où les partis présentaient aux élections des conseils départementaux des binômes issus de leurs adhérents.
Mais dans une élection ordinale, les infirmières se présentent spontanément et individuellement. Que peut faire une infirmière en santé au travail, seule infirmière dans son entreprise, pour constituer un binôme ? Pour les élections de juin 2017, de nombreuses femmes n’ont pas pu présenter leur candidature, faute d’avoir trouvé un homme pour constituer un binôme.
Pour le SNPI, il serait bien plus simple de constituer un collège électoral distinct pour les candidatures de chaque sexe, où les x femmes et x hommes ayant obtenu le plus de voix seraient élus individuellement. Le tout dans un pourcentage représentatif d’un corps électoral très majoritairement féminin.
Voir également
Exercice partiel - Les infirmiers font part de leur inquiétude au Sénat
https://www.infirmiers.com/profession-infirmiere/legislation/exercice-partiel-infirmiers-inquietude-senat.html