Référentiel de formation IDE : la V 2 est "moins pire" mais nous sommes toujours loin du compte !

10 février 2009
Analyse de la version 2 du "référentiel de formation", présentée le 3 février 2009, pour le nouveau programme de formation en IFSI, programmé pour la rentrée de septembre 2009. Au vu des critiques, une troisième version devrait sortir d’ici mars.
La première version du référentiel de formation IDE rédigé par la DHOS (Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins) avait fait l’objet d’un rejet massif lors de la réunion de validation du "groupe réingéniérie" du 11 décembre. Même la représentante de l’institution AP-HP a refusé de valider un document incomplet, qui n’abordait même pas les conditions de l’évaluation de la formation. lire l’article.
Le 3 février 2009, lors d’une réunion interministérielle de concertation sur le LMD, une seconde version du référentiel de formation IDE a été proposée aux organisations professionnelles : cette version est "moins pire", mais il y a encore du travail pour rendre un tel document acceptable !
Globalement, nous sommes déçus car nous attendions un nouveau référentiel préparé par l’Enseignement Supérieur, or nous n’avons qu’une "resucée" de la première version, avec certes plus de cours magistraux, mais toujours autant d’heures virtuelles de travail personnel.
Par ailleurs :
rien n’a été changé sur les stages
l’aspect évaluation n’a pratiquement pas été traité, on ne sait pas qui évalue quoi et comment ! Le dispositif d’évaluation des compétences est à construire.
ce référentiel est incohérent, au niveau de l’attribution des ECTS, qui sont la base du système universitaire LMD.
Les 60 semaines de stage
Concernant les stages, le ministère nous propose 8 stages, 1 de 4 semaines au premier semestre, puis 7 stages de huit semaines. Le SNPI CFE-CGC souhaite lui 12 stages de 5 semaines, car :
nous considérons qu’au bout de cinq semaines le stage n’est plus "apprenant", et que l’étudiant devient alors juste une "force de travail supplémentaire", ce qui n’est pas le but d’une formation
nous souhaitons plus de stages, afin de maintenir une diversité, source de polyvalence et d’adaptation aux différentes situations professionnelles
Même la répartition des stages est à revoir, car incompatible avec l’organisation de nombreux IFSI :
deux semestres de 20 semaines devraient ainsi comporter 16 semaines de stage ! C’est tout simplement impossible pour les IFSI qui partagent leur promotion en deux (une moitié en stage pendant que l’autre est en IFSI) afin de ne pas surcharger les lieux de stage pour avoir un bon tutorat. Le simple bon sens veut qu’il ne peut donc y avoir plus de 10 semaines de stage par semestre de 20 semaines.
Les crédits européens ECTS
Base du système universitaire, les crédits ECTS sont très mal répartis dans ce projet de référentiel de formation.
Alors qu’une licence correspond à un total de 180 ECTS :
l’Unité d’enseignement UE 4.2 : Soins relationnels ne donnerait droit qu’à 2 ECTS sur 180... alors que toutes les enquêtes d’opinion montrent que c’est un élément privilégié du soin pour les patients
l’Unité d’enseignement UE 4.6 : Soins éducatifs et préventifs ne donnerait droit qu’à 2 ECTS sur 180... alors que les "soins de santé primaire" sont un art infirmier privilégié dans la majorité des pays
l’Unité d’enseignement UE 4.7 : Soins palliatifs et de fin de vie ne donnerait droit qu’à 2 ECTS sur 180... alors que cela correspond à une "grande cause nationale" et une priorité gouvernementale
Par contre, alors que l’on est dans une logique de compétences, nous avons droit à une UE spéciale sur un geste technique, avec l’UE 4.4 du 5ème semestre "Thérapeutiques et contribution au diagnostic médical" dont les modalités d’évaluation sont "injections dans les chambres implantables en situation simulée en IFSI" et "en stage, la réalisation des soins est observée et validée sur le port-folio" : cette UE donnerait droit à 2 ECTS sur 180 ! A comparer avec les 3 UE ci-dessus : de qui se moque t-on ?
De manière plus globale le module 1 sciences humaines, sociales et droit compte pour seulement 15 ECTS, contre 27 ECTS pour le module 2 sciences biologiques et médicales :
voudrait on nous renvoyer à notre fonction d’auxiliaire médicale ?
Comme expliquer une différence du simple au double entre ces deux approches ?
Nous refusons de voir ainsi minimiser nos apports fondamentaux en psychologie, sociologie, santé publique, économie de la santé, législation, éthique et déontologie.
Les patients souhaitent avoir affaire à de bonnes techniciennes, mais reconnaissent avant tout les infirmières pour leurs valeurs humaines, l’écoute, l’accompagnement, et la qualité des relations humaines lors des soins.
La structuration du référentiel de formation
Selon la version 2 de référentiel (présentée le 3 février 2009), la formation serait organisée selon 6 grands modules :
module 1 : sciences humaines, sociales et droit (avec 6 unités d’enseignements UE)
module 2 : sciences biologiques et médicales (avec 14 unités d’enseignements UE)
module 3 : sciences et techniques infirmières, fondements et méthodes (avec 7 unités d’enseignements UE)
module 4 : sciences et techniques infirmières, interventions (avec 12 unités d’enseignements UE)
module 5 : posture professionnelle infirmière (avec 8 unités d’enseignements UE)
module 6 : méthodes de travail (avec 2 unités d’enseignements UE)
Les modules 1, 2 et 6 correspondent donc à des savoirs déjà « universitarisés » (souvent enseignés par des universitaires), les modules 3, 4 et 5 à des savoirs « cœur de métier ».
Le module 6 correspond à de l’enseignement universitaire, avec deux unités d’enseignements :
UE 6.1 méthodes de travail et technologies de l’information et de la communication TIC (avec 40 heures de TD et 35 heures de travail personnel la première année).
Problème : pas une seule heure de cours magistral, alors qu’habituellement en licence les UE de méthodologie en prévoient. Les IDE auraient une licence "à part" ?
Dans la V 1, cette UE comptait pour 6 ECTS, elle n’en compte plus que 3 dans la V 2. Cherchez la cohérence !
UE 6.2 anglais avec un nombre d’heures extrêmement variable d’un semestre à l’autre : de 5 à 20 heures de TD et 30 à 45 heures de travail personnel par semestre !
La encore, aucune cohérence pédagogique entre des TD (labo de langue) et du travail personnel (sur document ?). Cette UE sert juste de variable d’ajustement arithmétique pour arriver à boucler "30 ECTS par semestre" ! Elle aussi perd la moitié de ses ECTS entre les deux versions !
Au total, les unités d’enseignements des six semestres correspondent à :
766 heures de cours magistral (25 % des 3.050 heures) contre 490 h et 15 % dans la V 1
1.061 heures de travaux dirigés TD (34 % des 3.050 heures) contre 1.250 h et 42 % dans la V 1
1.223 heures de travail personnel (temps virtuel estimé) (40 % des 3.050 heures) contre 1.260 h et 42 % dans la V 1
Entre les deux versions :
nous avons gagné 276 h de cours magistral, ce qui est un point positif
nous avons perdu 189 h de travaux dirigés, ce que trouvons inadmissible
les heures de travail personnel sont restées sensiblement les mêmes : ce temps est nécessaire, par exemple pour la rédaction du mémoire, mais qu’il corresponde à 40 % du temps de formation relève d’un profond mépris pour notre formation
Répartition entre cours magistraux et travaux dirigés
Il y a de grands débats pédagogiques sur la juste répartition entre la durée des cours magistraux et celle des travaux dirigés, nous laisserons donc aux experts de trouver la juste mesure. Mais toutes choses égales par ailleurs, le curseur doit être placé sensiblement au même endroit dans un même référentiel. Or celui des infirmières est totalement déséquilibré. Il suffit de comparer les deux premiers modules aux deux suivants :
Module 1 : sciences humaines, sociales et droit (déjà universitaire)
160 heures de cours magistral (42 % des 375 heures)
95 heures de TD (25 % des 375 heures)
120 heures de travail personnel (temps virtuel estimé) (32 % des 375 heures)
Module 2 : sciences biologiques et médicales (déjà universitaire)
395 heures de cours magistral (58 % des 675 heures)
155 heures de TD (23 % des 675 heures)
125 heures de travail personnel (temps virtuel estimé) (18 % des 675 heures)
Module 3 : sciences et techniques infirmières, fondements et méthodes (cœur de métier)
110 heures de cours magistral (27 % des 400 heures)
160 heures de TD (40 % des 400 heures)
130 heures de travail personnel (temps virtuel estimé) (32 % des 400 heures)
Module 4 : sciences et techniques infirmières, interventions (cœur de métier)
101 heures de cours magistral (18 % des 550 heures)
291 heures de TD (53 % des 550 heures)
158 heures de travail personnel (temps virtuel estimé) (28 % des 550 heures)
Donc en résumé :
le temps du cours magistral varie de 1 à 3 entre les modules « universitarisés » et les modules « cœur de métier »
le temps des travaux pratiques varie de 1 à 2 entre les modules « universitarisés » et les modules « cœur de métier »
Voudrait-on nous faire croire que nous sommes des techniciennes spécialisées nécessitant une licence professionnelle ?
Des travaux dirigés passent à la trappe !
Entre les deux versions, sur le Module 3 : sciences et techniques infirmières, fondements et méthodes (cœur de métier)
nous avons gagné 60 heures de cours magistral
nous avons perdu 105 heures de TD : 60 h sont devenues des cours magistraux, mais où sont les 45 autres ?
alors que les heures de travail personnel sont stables
Entre les deux versions, sur le Module 4 : sciences et techniques infirmières, interventions (cœur de métier)
nous avons perdu 26 heures de TD (la moitié) sur l’UE 4.1 "Soins de confort et de bien être"
nous avons perdu 30 heures de TD (la moitié) sur l’UE 4.2 "Soins relationnels"
La chasse aux TD est elle ouverte ? Comment expliquer que ce qui était nécessaire hier (version 1) ne l’est plus aujourd’hui (version 2) ?
Les modalités d’évaluation
Curieusement, les UE des modules universitarisés 1 et 2 se font par écrit, alors que pour les UE des modules coeur de métier, nous avons droit comme "modalités d’évaluation" à
épreuve orale
travail de groupe
argumentation orale
étude d’un article de recherche
participation active aux TD
Dans la version 1, le summum était le semestre sans une seule heure de cours. Dans cette version 2, nous atteignons des sommets, avec l’UE 3.4 "initiation à la démarche de recherche", programmée au 4ème semestre, avec comme "modalités d’évaluation" le mémoire... qui devra être réalisé un an plus tard ! En effet, il est programmé dans l’UE "analyse de la qualité, et traitement des données scientifiques et professionnelles" lors du 6ème semestre !
Le "mémoire" laisse rêveur d’ailleurs, car comme "modalités d’évaluation" nous avons :
"Sujet d’intérêt professionnel, analyse d’une question relevant des soins, mise en problème, étude critique de la question, formulation d’hypothèses, propositions de solutions ou de poursuite de l’exploration.
Pourront être choisies comme situations emblématiques pour acquérir cette compétence :
étude et traitement d’un incident critique : la chute d’un patient
analyse de circuit de déchets dans un établissement de santé et à domicile"
Bref, une vision très réductrice des sujets de mémoire !
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Nous avons aussi constaté de nombreux problèmes de méthodologie, avec des documents modifiés entre deux réunions, et des notions originales, telle l’histoire "des compétences transférables d’un diplôme à l’autre « sous condition » d’avoir validé les compétences spécifiques." lire l’article.
Globalement, les travaux des groupes de "ré-ingéniérie" des diplômes partent en vrille, avec les kinés qui ont claqué la porte le 27 novembre lire l’article, et les organisations infirmières qui dénoncent la méthodologie le 5 décembre dans une letre commune à 20 organisations lire l’article.