Repenser la formation infirmière
23 mai 2009
Les infirmières revendiquent depuis des années l’obtention d’une formation universitaire, et la reconnaissance de leur niveau “bac + 3”. Les parti pris pour ou contre une formation universitaire, sont fonction de l’idée que l’on a des soins, de la fonction, du rôle ou des rôles de l’infirmière.
Si l’on se réfère aux divers textes législatifs et réglementaires qui précisent la fonction de l’infirmière, la nature et l’objet des soins infirmiers, et si l’on veut bien analyser ce que cela suppose comme connaissances, comme capacité de réflexion et de discernement, comme aptitudes personnelles, comme culture, comme engagement moral, philosophique, voire politique, on ne peut proposer pour l’infirmière qu’une formation complexe, ouverte, évolutive.
Une formation qui permette aux infirmières de sortir de l’espace unidimensionnel de l’hôpital-école, et de s’affranchir de l’uniformisation des modèles sociaux qu’il produit, pour découvrir la diversité des courants de pensée, leur contradiction, leur opposition, ainsi que les différentes options sociales, économiques et politiques, qui les sous-tendent.
Ce ne sont pas les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), ni les instituts de formation des cadres de santé (IFCS), tels qu’ils sont structurés, organisés, dirigés actuellement qui permettent cette démarche. Les institutions de travail et de formation ne sont pas des lieux propices à la réflexion, à la liberté d’expression, à la contradiction. Ce sont des lieux de production de soins, d’accumulation de connaissances. Ce sont des lieux de conditionnement, de reproduction, plus que des lieux de formation du jugement, et qui n’est pas conforme au modèle est un déviant.
Pour tenir un autre discours que celui véhiculé par l’institution, il faut avoir des arguments. Il faut être capable d’établir une certaine distance avec sa pratique, avec les modèles proposés. Il faut donc être capable de dépasser “l’appris” pour développer sa pensée et essayer d’atteindre le “vrai” par l’argumentation et le raisonnement.
La formation universitaire est encore plus nécessaire, voire indispensable, pour les cadres infirmiers formateurs qui doivent contribuer à former le jugement professionnel de leurs étudiants, et être capables d’une démarche explicative. Le descriptif ne suffit pas. Il faut pouvoir expliquer pourquoi et comment cela marche, donc être capable de démonter les éléments d’un système, de démontrer le rôle de chacun des éléments, ainsi que les interactions entre eux.
La notion même de globalité des soins infirmiers implique une démarche épistémologique. Ce qui suppose une formation culturelle qui ne peut être donnée que hors des murs hospitaliers. L’université est actuellement le lieu le plus propice à ce genre de formation.