Conditions de travail à l’hopital : souffrance infirmière

16 mars 2019
On constate un doublement de la charge de travail infirmier en 10 ans, du fait de la réduction de la durée moyenne de séjour (DMS) et du développement des alternatives à l’hospitalisation. Les patients qui restent à l’hôpital ont un maximum de soins en un minimum de temps.
Cette intensification du travail détériore davantage un environnement de travail naturellement pathogène (travail posté, horaires décalés, travail de nuit, forte demande psychologique, travail physiquement exigeant auprès de patients alités, exposition à un environnement de travail malsain, manipulation de chimiothérapies).
Le processus industriel de tarification à l’activité (T2A) débouche sur une perte de sens : l’infirmière est formée à des soins personnalisés qui prennent en compte le contexte de vie et d’éducation du patient, ce qui va à l’encontre des grilles de Groupe homogène de malade GHM et de Groupe homogène de séjour GHS.
"Au final, le professionnel infirmier passe sa journée à courir d’un patient à l’autre, pour enchainer des actes de soins, sans lui laisser le temps de réellement prendre en soins la personne, ce qui donne le sentiment d’avoir mal fait son travail", précise Thierry Amouroux, le porte parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI CFE-CGC. Cette forte insatisfaction débouche sur des démissions et des départs prématurés en retraite, un niveau important de turn-over et d’absences pour raisons de santé.
Cela incite également 30% des nouveaux professionnels à abandonner la profession infirmière dans les 5 ans qui suivent le diplôme ! Ne se voyant pas tenir 42 ans dans de telles conditions, ils préfèrent effectuer une reconversion professionnelle (professeur des écoles, assistante sociale, etc.).
Le maintien de la qualité des soins dans un environnement de travail de plus en plus difficile et dans un contexte de manque d’effectifs devient problématique. On constate d’ailleurs une augmentation des erreurs de soins. "Lorsque l’on nous oblige à revenir sur nos repos, à enchainer sur une seconde journée, on nous pousse à l’erreur".
Alors que ces trois formes de contrainte (horaires décalés, pénibilité physique et exposition à des risques chimiques et biologiques) se cumulent et touchent plus fortement les infirmières, aucune mesure de compensation d’existe.
En termes de risques psychosociaux, l’intensité excessive du travail génère un sentiment de « qualité empêchée », de ne pas avoir les moyens de faire un travail de qualité, de bâcler par manque de temps, ce qui engendre de la souffrance au travail.
A cela s’ajoute une souffrance éthique, avec une opposition entre le travail prescrit et les valeurs professionnelles, sociales ou personnelles de l’infirmière. La logique productiviste, symbolisée par la tarification à l’activité et les outils managériaux qui l’accompagnent (rationalisation des flux de patients, standardisation des procédures de soin) entraine une perte de sens.
Les études chiffres cette souffrance au travail :
Le travail de nuit, le travail le week-end ou encore le fait de ne pas disposer d’au moins 48 heures consécutives de repos concernent plus de 70 % des personnels du secteur hospitalier.
Le travail en horaires décalés concerne 71 % des effectifs.
85 % des hospitaliers sont exposés à au moins une pénibilité physique, et en particulier à au moins l’une de ces quatre contraintes : la position debout prolongée, le port de charges lourdes, la réalisation de mouvements douloureux et fatigants ainsi que des déplacements fréquents et longs. Les aides-soignantes et les infirmières sont les plus affectés par les contraintes physiques (Le Lan R. et Baubeau D., « Les conditions de travail perçues par les professionnels des établissements de santé », Études et résultats, no 335, 2004).
75 de ces salariés sont exposés aux risques biologiques, et 50% exposés à au moins un produit chimique, selon l’enquête SUMER de 2010 (Arnaudo B., Léonard M., Sandret N., Cavet M., Coutrot T., Rivalin R. et Thierus L., « Les risques professionnels en 2010 : de fortes différences d’exposition selon les secteurs », Dares Analyses, no 010, 2013).
En cas de problème :
pensez à faire un signalement à l’Observatoire de la souffrance au travail (OSAT infirmier) sur le site https://souffrance-infirmiere.fr/
vous pouvez également vous exprimer sur les réseaux sociaux avec #souffranceInfirmière ou https://twitter.com/SouffranceIDE
Voir également :
Souffrance au travail et pénibilité du travail infirmier https://www.syndicat-infirmier.com/Souffrance-au-travail-et-penibilite-du-travail-infirmier-souffranceInfirmiere.html
Souffrance au travail : témoignages d’infirmières https://www.syndicat-infirmier.com/Souffrance-au-travail-temoignages-d-infirmieres.html
Souffrance infirmière : infirmiers maltraités, patients en danger ! https://www.syndicat-infirmier.com/Souffrance-infirmiere-infirmiers-maltraites-patients-en-danger.html
Infirmiers : 30 % des nouveaux diplômés abandonnent dans les 5 ans https://www.syndicat-infirmier.com/Infirmiers-30-des-nouveaux-diplomes-abandonnent-dans-les-5-ans.html
Il y a urgence, pour nous tous : #nosviesdabord https://www.syndicat-infirmier.com/Il-y-a-urgence-pour-nous-tous-nosviesdabord.html