Lits d’hôpitaux fermés faute de personnel : Beaucoup de soignants sont laminés, broyés par le système

Lits d'hôpitaux fermés faute de personnel : Beaucoup de soignants sont laminés, broyés par le système

8 novembre 2021

Interview sur FranceInfo du porte parole du SNPI CFE-CGC, le 27/10/21

Dans sa der­nière étude, le pro­fes­seur Jean-François Delfraissy, qui pré­side le Conseil scien­ti­fi­que sur le Covid-19, estime que 20% des lits de l’hôpi­tal public sont fermés, faute de per­son­nel. Par consé­quent, "un cer­tain nombre d’unités dans des hôpi­taux sont obli­gées de fermer tem­po­rai­re­ment, ou de réduire la voi­lure", a reconnu le minis­tre de la Santé Olivier Véran mer­credi 27 octo­bre dans une inter­view à Libération.

"Le gou­ver­ne­ment conti­nue, pour des rai­sons économiques, de fermer des lits et de sup­pri­mer des postes. Cela aggrave les condi­tions de tra­vail de ceux qui res­tent", a dénoncé mer­credi sur fran­ceinfo Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers (SNPI). "Beaucoup de soi­gnants sont lami­nés, broyés par le sys­tème, avec des condi­tions de tra­vail de plus en plus dif­fi­ci­les", a témoi­gné Thierry Amouroux.

fran­ceinfo : D’après Gabriel Attal, le porte-parole du gou­ver­ne­ment, il s’agit d’un pro­blème "d’absen­téisme et de démis­sions" qui "s’est ampli­fié" pen­dant "des décen­nies", "sur­tout après la crise" du Covid-19 et "chez les para-médi­caux". Ce diag­nos­tic est-il le bon ?

Thierry Amouroux : Non, il y a beau­coup de men­son­ges dans ses propos. Sur les deux pre­miè­res années du quin­quen­nat, ils ont fermé 7 000 lits d’hôpi­taux. En 2020, en pleine épidémie de Covid-19, ils ont fermé 5 700 lits, selon les chif­fres du minis­tère. En 2021, nous sommes confron­tés à 1,4 mil­liard d’euros d’économies à réa­li­ser sur les hôpi­taux dans le cadre de la loi de finan­ce­ment de la Sécurité sociale votée en décem­bre 2020. Ce qui fait fuir les soi­gnants, c’est donc la dégra­da­tion conti­nue des condi­tions de tra­vail. Le gou­ver­ne­ment conti­nue, pour des rai­sons économiques, de fermer des lits et de sup­pri­mer des postes. Cela aggrave les condi­tions de tra­vail de ceux qui res­tent. Il y a des départs liés à ça. Ensuite, plus il y a de départs, plus les condi­tions de tra­vail se dégra­dent et plus les condi­tions de tra­vail se dégra­dent, plus vous avez de nou­veaux départs. Ce cercle infer­nal a été amorcé par le gou­ver­ne­ment, qui a conti­nué à fermer des lits et réduire les bud­gets des hôpi­taux.

Comment cette dégra­da­tion des condi­tions de tra­vail à l’hôpi­tal se mani­feste-t-elle ?

Lors du pre­mier pic, nous avions six patients atteints du Covid-19 pour un infir­mier en soins inten­sifs. Lors de la der­nière vague, nous étions déjà à huit patients par infir­mier, c’est-à-dire une aug­men­ta­tion de charge de tra­vail de 30% en un an et demi, sur un sec­teur aussi exposé que le Covid-19. Imaginez alors la situa­tion en méde­cine géné­rale ou en chi­rur­gie géné­rale. Ces condi­tions de tra­vail met­tent sou­vent en danger les patients. Les soi­gnants pré­fè­rent donc partir plutôt que d’être com­pli­ces de cette situa­tion. Il y a une vague de départs très impor­tante depuis le 1er juin, avec des per­son­nes dégoû­tées par ces condi­tions de tra­vail.

Un mil­lier d’étudiants ont quitté l’école d’infir­mier avant la fin de leurs études. Comment expli­quer ces démis­sions ?

Il faut bien com­pren­dre toute la dif­fé­rence entre le métier rêvé et le métier réel dans les condi­tions de tra­vail actuel­les. Il y a une vraie perte de sens. On veut être infir­mier à l’hôpi­tal et on nous demande d’être des tech­ni­ciens spé­cia­li­sés dans une usine à soins, d’enchaî­ner des actes tech­ni­ques qui peu­vent être cochés, alors que l’infir­mier est là aussi pour pren­dre soin, accom­pa­gner et faire de la rela­tion d’aide, de l’éducation à la santé, de l’éducation thé­ra­peu­ti­que pour que le patient soit acteur du soin. C’est cela qui nous dégoûte, cette perte de sens, le fait que il y ait tou­jours plus d’économies impo­sées. Il y a aussi un absen­téisme impor­tant avec beau­coup de soi­gnants lami­nés, broyés par le sys­tème, avec des condi­tions de tra­vail de plus en plus dif­fi­ci­les car, entre chaque pic de Covid-19, il y a une surac­ti­vité pour essayer de pren­dre en soin tous les patients chro­ni­ques qui n’ont pas été pro­gram­més pen­dant les pics.

Que deman­dez-vous concrè­te­ment au gou­ver­ne­ment pour remé­dier à cette situa­tion ?

Il faut rou­vrir des lits pour tenir compte des besoins de santé de la popu­la­tion. Il faut créer des postes mais avec une charge du tra­vail com­pa­ti­ble avec la qua­lité des soins. Il faut enfin une reva­lo­ri­sa­tion sala­riale parce qu’il en était ques­tion au moment du Ségur de la Santé. En réa­lité, nous sommes passés d’un salaire infé­rieur de 20% à la moyenne euro­péenne à 10%. Il y a donc eu des efforts du gou­ver­ne­ment mais on conti­nue à être sous-payés et exploi­tés, ce qui entraîne tou­jours des départs.

https://www.fran­cet­vinfo.fr/sante/poli­ti­que-de-sante/lits-d-hopi­taux-fermes-faute-de-per­son­nel-beau­coup-de-soi­gnants-sont-lami­nes-broyes-par-le-sys­teme-denonce-un-syn­di­cat-infir­mier_4823619.html

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