Comment accepter qu’en Iran, être infirmière soit un travail qui mène à la tombe ?

1er octobre 2024

Quand sauver des vies devient une condam­na­tion à mort, les infir­miè­res ira­nien­nes n’ont plus le choix que de se révol­ter. Epuisées par des heures de tra­vail sans fin, à peine rému­né­rées, elles paient un prix ini­ma­gi­na­ble : la mort. Le décès de trois d’entre elles en mars der­nier, et plus récem­ment celui de Parvaneh Mandani en août, à l’hôpi­tal Imam Hossein, a servi d’étincelle. Ces infir­miè­res sont mortes d’épuisement, vic­ti­mes du "karo­shi", un stress chro­ni­que si extrême qu’il conduit à l’arrêt car­dia­que, aux AVC, et par­fois au sui­cide. En réac­tion, elles sont en grève, dans 70 hôpi­taux de 40 villes depuis plu­sieurs semai­nes.

Dans des condi­tions de tra­vail infer­na­les, ces femmes soi­gnent la popu­la­tion tout en sacri­fiant leur propre santé. Leurs heures sup­plé­men­tai­res, non payées, s’accu­mu­lent sans fin, tandis que leurs salai­res res­tent déri­soi­res. Les infir­miè­res sont invi­si­bles, même au-delà des fron­tiè­res de l’Iran. Les médias inter­na­tio­naux se tai­sent, à quel­ques excep­tions près. Pourtant, ce sont elles qui tien­nent à bout de bras le sys­tème de santé ira­nien, dans une société qui, sous cou­vert d’auto­rité, les pousse jusqu’à la tombe.

Leur combat est d’autant plus remar­qua­ble que l’Iran est un régime où la contes­ta­tion peut coûter la vie. La répres­sion est bru­tale et immé­diate. Manifester, même pour des droits fon­da­men­taux, c’est ris­quer l’arres­ta­tion, la tor­ture, ou pire encore. L’ombre de Mahsa Amini plane tou­jours sur la société ira­nienne, ce qui rap­pelle cruel­le­ment à quel point les droits des femmes y sont pié­ti­nés. Les infir­miè­res, elles, lut­tent avec le même cou­rage, affron­tant non seu­le­ment un sys­tème patriar­cal, mais aussi un envi­ron­ne­ment de tra­vail qui les tue à petit feu.

Certaines d’entre elles ont déjà été arrê­tées pour avoir osé pro­tes­ter. Menacées de licen­cie­ment, elles subis­sent aussi l’inti­mi­da­tion des forces de l’ordre, ren­for­çant la pres­sion qu’elles subis­sent quo­ti­dien­ne­ment. Et pour­tant, leur mou­ve­ment ne fai­blit pas. De ville en ville, de hôpi­tal en hôpi­tal, la grève s’étend. Elles récla­ment une meilleure rému­né­ra­tion, des condi­tions de tra­vail dignes, et sur­tout, le droit de ne plus mourir sur leur lieu de tra­vail.

Le silence de la com­mu­nauté inter­na­tio­nale est assour­dis­sant. Les infir­miè­res ira­nien­nes ne deman­dent pas seu­le­ment du sou­tien moral, elles ont besoin que leurs droits soient défen­dus sur la scène mon­diale. Des orga­ni­sa­tions comme l’ONU ou l’Organisation inter­na­tio­nale du Travail sont cen­sées pro­mou­voir la jus­tice sociale et pro­té­ger les tra­vailleurs les plus vul­né­ra­bles, mais elles res­tent étrangement muet­tes face à cette tra­gé­die. Où est l’indi­gna­tion inter­na­tio­nale devant ces morts inu­ti­les, devant cette exploi­ta­tion sys­té­mi­que des femmes ?

Les gou­ver­ne­ments déconseillent à ses res­sor­tis­sants de se rendre en Iran en raison des ris­ques élevés de déten­tion arbi­traire. Mais pour­quoi se conten­ter d’aver­tis­se­ments pas­sifs ? La situa­tion des infir­miè­res ira­nien­nes exige plus que des mots : elle appelle à l’action. Des sanc­tions inter­na­tio­na­les, une pres­sion poli­ti­que forte, une dénon­cia­tion claire de la situa­tion par des gou­ver­ne­ments influents, voilà ce qu’il faut pour sou­te­nir ce mou­ve­ment de grève et briser le silence.

"Ces femmes lut­tent pour leur survie, mais aussi pour une société qui les res­pecte. Leur mou­ve­ment est un cri d’alarme face à un sys­tème qui les consi­dère comme des res­sour­ces épuisables, inter­chan­gea­bles, sans valeur propre. Comment peut-on accep­ter qu’en 2024, des femmes meu­rent encore pour avoir sim­ple­ment fait leur tra­vail, pour avoir soigné des vies ? Leur sacri­fice nous rap­pelle cruel­le­ment que les droits des femmes ne sont jamais acquis, même dans les pro­fes­sions les plus essen­tiel­les." alerte Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI

Alors, com­bien de vies encore faudra-t-il sacri­fier avant que la com­mu­nauté inter­na­tio­nale n’agisse ?

**********************
Et vous, qu’en pensez-vous ? Partagez votre point de vue. Echangez avec nous sur
twit­ter https://x.com/infir­mierSNPI/status/1830605997188231643
face­book https://www.face­book.com/syn­di­cat.infir­mier/
lin­ke­din https://www.lin­ke­din.com/feed/update/urn:li:acti­vity:7236362308703191041/

**********************
Nos arti­cles vous plai­sent ?
Seul, vous ne pouvez rien.
Ensemble, nous pou­­vons nous faire enten­­dre ! Rejoignez nous !
https://www.syn­di­cat-infir­mier.com/Comment-adhe­rer.html

**********************

Voir également
 Lettre ouverte : Les infir­miè­res ira­nien­nes en grève pour ne plus mourir au tra­vail
https://www.fiq­sante.qc.ca/les-infir­mie­res-ira­nien­nes-en-greve-pour-ne-plus-mourir-au-tra­vail/
 Les infir­miè­res ira­nien­nes en grève pour ne plus mourir au tra­vail
https://www.lede­voir.com/opi­nion/idees/820768/infir­mie­res-ira­nien­nes-greve-ne-plus-mourir-tra­vail

Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Plan Bayrou : une brutalité sans précédent contre les patients et les soignants

Le Syndicat National des Professionnels Infirmiers (SNPI CFE-CGC) dénonce un plan d’économies de (…)

Médicaments cytotoxiques : sauver des vies en risquant la sienne

Ils sauvent des vies. Mais ils menacent aussi celles qui les administrent. Dans les services (…)

Protéger ceux qui soignent, c’est protéger la santé des français

À la suite d’une agression commise contre une infirmière libérale, une vingtaine d’organisations (…)

Notre voix, notre profession : pas de porte-parole autoproclamé pour les infirmiers !

Paris le 20 août 2025 - À l’heure où notre système de santé traverse une période de tension et (…)

Infirmières face aux inégalités de santé : "aller-vers" la justice sociale

Les inégalités sociales de santé ne sont pas des abstractions statistiques. Elles se mesurent en (…)

Soigner les soignants : des discours aux actes, le fossé se creuse

Des soignants en bonne santé, c’est la base pour des soins de qualité et des patients en (…)