Cures thermales et ALD : les plus fragiles encore mis à contribution

20 septembre 2025

Un décret en attente de signa­ture pré­voit la fin du rem­bour­se­ment inté­gral des cures ther­ma­les pour les per­son­nes en affec­tion de longue durée (ALD). Oui, celles qui vivent avec un cancer, une sclé­rose en pla­ques, un dia­bète sévère, une poly­ar­thrite, une insuf­fi­sance res­pi­ra­toire chro­ni­que. Jusqu’ici, leur cure était prise en charge à 100 %. Demain, il leur faudra payer.

Les chif­fres sont précis. Avec le projet de décret, ils devront s’acquit­ter de 260 € sup­plé­men­tai­res pour trois semai­nes de soins. Frais qui s’ajou­te­ront aux dépen­ses per­son­nel­les de trans­port et l’héber­ge­ment, qui repré­sen­tent déjà un cout impor­tant pour les curis­tes.

260 euros. Pour cer­tains, c’est un mois de cour­ses. Pour d’autres, le prix du chauf­fage avant l’hiver. Dans un contexte d’infla­tion per­sis­tante, d’aug­men­ta­tion des fran­chi­ses médi­ca­les et de dérem­bour­se­ment de cer­tains médi­ca­ments, la fac­ture est de plus en plus dif­fi­cile à régler.

Or la cure n’a rien d’un loisir. Ce n’est pas du spa, ce n’est pas du bien-être de confort. C’est un acte de soin, pres­crit par un méde­cin, ins­crit dans un pro­to­cole thé­ra­peu­ti­que. L’Assurance mala­die ne rem­bourse que les cures pour des indi­ca­tions pré­ci­ses, comme la rhu­ma­to­lo­gie, phlé­bo­lo­gie, der­ma­to­lo­gie, affec­tions des voies res­pi­ra­toi­res, séquel­les de cancer.

Les preu­ves scien­ti­fi­ques exis­tent :
 En rhu­ma­to­lo­gie, l’essai ran­do­misé THERMARTHROSE a montré une amé­lio­ra­tion dura­ble de la dou­leur et de la fonc­tion chez les patients atteints d’arthrose du genou, avec un effet main­tenu jusqu’à neuf mois.
https://www.mede­ci­ne­ther­male.fr/filead­min/etudes-scien­ti­fi­ques/Etude_Thermarthrose.pdf
 En insuf­fi­sance vei­neuse, les publi­ca­tions démon­trent une réduc­tion des œdèmes, une amé­lio­ra­tion de la qua­lité de vie et une dimi­nu­tion de la consom­ma­tion d’antal­gi­ques.
https://www.vidal.fr/sante/mede­cine-ther­male/ther­ma­lisme-recher­che.html
 L’étude THERMALGI a évalué le béné­fice cli­ni­que de la cure ther­male pour les patients fibro­my­al­gi­ques
https://www.afreth.org/wp-content/uploads/2022/02/34-Article-Thermalgi.pdf
 L’étude PACThe est un essai contrôlé ran­do­misé, qui montre les effets d’un pro­gramme d’accom­pa­gne­ment spé­ci­fi­que en milieu ther­mal sur l’amé­lio­ra­tion à long terme de la qua­lité de vie de patien­tes après un cancer du sein.
https://www.chai­ne­ther­male.fr/media/2024/08/PacThe.pdf
Ce ne sont pas des impres­sions sub­jec­ti­ves : ce sont des résul­tats mesu­rés, publiés dans des revues scien­ti­fi­ques.

Derrière ces chif­fres, il y a des vies concrè­tes. “Sans ma cure, je ne marche plus l’hiver”, raconte Jeanne, 72 ans, qui vit avec une arthrose sévère et un dia­bète com­pli­qué. Pour elle, trois semai­nes de mobi­li­sa­tion en pis­cine, de kiné­si­thé­ra­pie res­pi­ra­toire et d’éducation thé­ra­peu­ti­que per­met­tent de réduire les dou­leurs et de retrou­ver un mini­mum d’auto­no­mie.

La cure est sou­vent le seul moment de l’année où ces patients béné­fi­cient d’un suivi plu­ri­dis­ci­pli­naire coor­donné  : méde­cins ther­maux, kiné­si­thé­ra­peu­tes, infir­miers, dié­té­ti­ciens, psy­cho­lo­gues. Trois semai­nes pour appren­dre à mieux gérer sa mala­die chro­ni­que, cor­ri­ger les erreurs ali­men­tai­res, adap­ter l’acti­vité phy­si­que, sécu­ri­ser les trai­te­ments. Ce temps médi­cal n’existe plus ailleurs : la méde­cine de ville est satu­rée, l’hôpi­tal en ten­sion.

Supprimer l’exo­né­ra­tion de ticket modé­ra­teur, c’est réser­ver la cure à ceux qui peu­vent payer. Les autres renon­ce­ront. Les études de la DREES mon­trent que le reste à charge est l’un des pre­miers motifs de renon­ce­ment aux soins, sur­tout pour les retrai­tés modes­tes et les patients vivant loin des cen­tres de soins.

Les consé­quen­ces sont pré­vi­si­bles. Moins de cures, c’est plus de dou­leurs chro­ni­ques non sou­la­gées, plus de décom­pen­sa­tions, plus de perte de mobi­lité. Chez les per­son­nes âgées, c’est un risque accru de chutes, donc d’hos­pi­ta­li­sa­tions lour­des et coû­teu­ses. Chez les mala­des chro­ni­ques, c’est une aug­men­ta­tion de la consom­ma­tion d’antal­gi­ques et d’anti-inflam­ma­toi­res, par­fois d’opioï­des, avec leurs com­pli­ca­tions bien connues.

L’argu­ment bud­gé­taire ne tient pas long­temps. Un séjour ther­mal coûte en moyenne 700 € à l’Assurance mala­die. Une hos­pi­ta­li­sa­tion pour frac­ture de hanche coûte plus de 10.000 €, sans comp­ter la réé­du­ca­tion, les aides tech­ni­ques et la perte d’auto­no­mie qu’elle entraîne. La lit­té­ra­ture économique montre qu’une hausse de prix sur des soins pré­ven­tifs/éducatifs entraîne tou­jours des sur­coûts dif­fé­rés. Prévenir vaut moins cher que guérir, mais la mesure envoie le signal inverse.

Les pro­fes­sion­nels de santé aler­tent sur un risque d’injus­tice sani­taire. Si l’accès devient payant pour les mala­des chro­ni­ques les plus pré­cai­res, le ther­ma­lisme devien­dra un soin à deux vites­ses : réservé à ceux qui peu­vent se l’offrir.

Les asso­cia­tions de patients par­lent d’un coup de massue. Elles rap­pel­lent que les ALD regrou­pent 13,8 mil­lions de per­son­nes en France. Les péna­li­ser revient à réduire leur pou­voir d’achat santé, alors que beau­coup vivent avec une pen­sion modeste ou une allo­ca­tion d’inva­li­dité.

Car ce décret s’ajoute à une série de mesu­res qui fra­gi­li­sent les plus vul­né­ra­bles : hausse des fran­chi­ses, res­tric­tions sur les trans­ports sani­tai­res, dérem­bour­se­ments suc­ces­sifs. La santé devient une varia­ble d’ajus­te­ment bud­gé­taire, au détri­ment de ceux qui vivent avec les patho­lo­gies les plus lour­des.

La ques­tion dépasse le seul ther­ma­lisme. Elle touche au contrat social entre la col­lec­ti­vité et les per­son­nes qui affron­tent le cancer, les com­pli­ca­tions du dia­bète, les mala­dies neu­ro­dé­gé­né­ra­ti­ves. Faut-il vrai­ment économiser sur des soins dont le ser­vice médi­cal rendu est démon­tré, alors qu’ils pré­vien­nent des hos­pi­ta­li­sa­tions, main­tien­nent l’auto­no­mie et rédui­sent la dou­leur ?

Ce décret n’a pas encore été signé. Il peut encore être aban­donné. Mais chaque jour qui passe rap­pro­che d’une déci­sion qui pour­rait trans­for­mer la cure médi­cale en pro­duit de consom­ma­tion pour pri­vi­lé­giés. Jusqu’où ira-t-on dans la pri­va­ti­sa­tion insi­dieuse de l’accès aux soins pour les mala­des les plus fra­gi­les ?

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