Fin de vie : préserver la « relation de soin » avec les patients

2 juillet 2023

Dans un appel commun, 12 organisations soignantes (dont le SNPI) s’inquiètent des conséquences d’une légalisation de la mort administrée sur la relation de soin qui unit patients et soignants. (Tribune publiée dans le JDD du 27/05/2023)

« Le 3 avril, le pré­si­dent de la République a annoncé une stra­té­gie décen­nale de déve­lop­pe­ment des soins pal­lia­tifs et l’écriture d’un projet de loi sur la fin de vie, sans autre pré­ci­sion. La minis­tre Agnès Firmin Le Bodo a indi­qué le 20 mai dans le JDD qu’un seul texte devrait être dis­cuté au Parlement, le projet de loi prévu comp­tant trois volets, sur l’aide active à mourir, sur les soins pal­lia­tifs et sur les droits des patients. Il avait été promis que les orga­ni­sa­tions soi­gnan­tes seraient consul­tées, ce qui à ce jour n’est pas encore réa­lisé.

Les soi­gnants enten­dent la détresse, la peine et par­fois l’envie de mourir. Ils ten­tent de com­pren­dre, de sou­la­ger, de ras­su­rer. Cette démar­che est un élément fon­da­men­tal de la rela­tion de soin.

La pers­pec­tive d’un seul et même texte ins­taure une grande confu­sion, car cela vien­drait pré­sen­ter la mort pro­vo­quée comme le com­plé­ment de l’offre de soin, alors qu’il s’agit en réa­lité d’un acte qui ne relève pas du même regis­tre.

Alors même que notre société valo­rise le pou­voir, le contrôle, la per­for­mance et la force, nous sou­hai­tons rap­pe­ler que dans les situa­tions de fra­gi­lité, c’est le soin qui doit d’abord s’expri­mer. Les soi­gnants enten­dent la détresse, la peine et par­fois l’envie de mourir. Ils ten­tent de com­pren­dre, de sou­la­ger, de ras­su­rer. Cette démar­che est un élément fon­da­men­tal de la rela­tion de soin.

Cette rela­tion est une alliance. Une alliance asy­mé­tri­que entre deux per­son­nes. L’une qui confie son corps, et par­fois plus, à une autre qui s’engage à tout mettre en œuvre pour guérir par­fois, sou­la­ger sou­vent et accom­pa­gner tou­jours. S’en remet­tre ainsi à un autre est un acte de confiance inouï. Celui qui est soigné porte en lui l’espoir que le meilleur est tou­jours recher­ché et pra­ti­qué pour son bien. Celui qui soigne et qui accepte d’être le dépo­si­taire de cette confiance porte quant à lui une res­pon­sa­bi­lité immense – par­fois même écrasante. La qua­lité de cette rela­tion ne peut faire l’objet d’aucun soup­çon.

Il est légi­time que tout indi­vidu puisse expri­mer son sou­hait de mourir, mais il est impé­ra­tif que le dia­lo­gue qui doit alors s’enga­ger ne soit pas faussé par le fait que celui qui entend ce cri de souf­france dis­po­se­rait du droit de vie ou de mort, de la pos­si­bi­lité de dire oui ou non.

Ce grand débat sur la fin de vie est une occa­sion de pren­dre en compte la vul­né­ra­bi­lité, en offrant à tous des condi­tions de soin et d’accom­pa­gne­ment décen­tes.

Nous aler­tons sur le danger d’adop­ter une telle posi­tion, si éloignée des valeurs que défend notre pays a for­tiori en un moment où l’offre de soins est à ce point dégra­dée et iné­ga­li­taire que rien ni per­sonne ne pourra garan­tir que la liberté de choix du patient sera res­pec­tée.

Nous refu­sons la toute-puis­sance que cer­tains vou­draient leur donner. Par ce nouvel appel, nous nous pro­non­çons pour une société qui reconnaisse la dif­fi­culté du com­pa­gnon­nage quo­ti­dien avec la mort. Ce grand débat sur la fin de vie est une occa­sion de pren­dre en compte la vul­né­ra­bi­lité, en offrant à tous des condi­tions de soin et d’accom­pa­gne­ment décen­tes. Pour cela, nous conti­nue­rons de nous y enga­ger de manière cons­truc­tive et serons à la dis­po­si­tion de tous pour ce qui fait sens à nos yeux : la loi du plus faible. »

La liste des signa­tai­res :
Ivan Krakowski pour l’AFSOS : Association Francophone des Soins Oncologiques de Support
Sophie Chrétien pour l’ANFIPA : Association Nationale Française des Infirmier.e.s en Pratique Avancée
Jean-Louis Samzun pour CLAROMED : Association pour la Clarification du Rôle du Médecin dans le contexte des fins de vie.
Claude Jeandel pour le CNPG : Conseil National Professionnel de Gériatrie
Evelyne Malaquin-Pavan pour le CNPI : Conseil National Professionnel Infirmier
Elisabeth Hubert pour la FNEHAD : Fédération Nationale des Établissements d’Hospitalisation à Domicile
Gaël Durel pour MCOOR : Association Nationale des Médecins Coordonnateurs en EHPAD et du Secteur médico-social
Claire Fourcade pour la SFAP : Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs
Luc Frimat pour la SFNDT : Société Francophone de Néphrologie Dialyse et Transplantation
Manuel Rodriguès pour la SFC : Société Française du Cancer
Sophie Moulias pour la SFGG : Société Française de Gériatrie et Gérontologie
Thierry Amouroux pour le SNPI : Syndicat National des Professionnels Infirmiers

Partager l'article