Fin de vie : rapport du Médiateur de la République

12 février 2011

Dans la vraie vie, on ne meurt plus chez soi, veillé par les siens ou végé­tant dans un coin dis­cret de la pièce com­mune : on meurt dans les établissements hos­pi­ta­liers dans une suren­chère de moyens.

Les méde­cins, dont le devoir et la voca­tion est de soi­gner, n’hési­tent pas à mettre en oeuvre les tech­ni­ques dont ils dis­po­sent et à faire béné­fi­cier les patients des don­nées acqui­ses de la science, comme le recom­mande le Code de Déontologie. Or le malade n’est pas une mala­die, il est un être souf­frant d’une mala­die dans un contexte fami­lial, social, tra­di­tion­nel, phi­lo­so­phi­que et par­fois reli­gieux.

Doit-on néces­sai­re­ment faire ce que l’on sait faire ?

La loi LEONETTI apporte une réponse légis­la­tive à cette inter­ro­ga­tion, ren­force les droits des mala­des et accorde des droits spé­ci­fi­ques aux patients en fin de vie sans pour autant léga­li­ser l’eutha­na­sie. Elle laisse, par ses ambigüi­tés, une place à la cons­cience morale. Sa connais­sance ne devrait pas être le pri­vi­lège des unités de fin de vie mais devrait être étendue à l’ensem­ble des pra­ti­ciens et des soi­gnants ainsi qu’aux famil­les ; puis­que la fin de vie, tota­le­ment médi­ca­li­sée, d’une affaire de famille est deve­nue une affaire de l’Etat.

Qui connait l’exis­tence de la per­sonne de confiance et son rôle ? Qui connait les direc­ti­ves anti­ci­pées ? Il est temps que s’ins­talle un dia­lo­gue du res­pect entre les hommes soi­gnants et les hommes soi­gnés.
Le Pôle Santé du Médiateur de la République a sans nul doute un rôle à jouer dans la dif­fu­sion de cette Loi qui, le jour venu, nous concer­nera tous.

Méconnue des soi­gnants, et encore plus des famil­les

La loi Leonetti de 2005 donne un cadre régle­men­taire au fait de
« lais­ser mourir » un patient en fin de vie. Son contenu reste encore
rela­ti­ve­ment méconnu des famil­les et des soi­gnants, et des actions sont
menées dans les établissements de santé pour mieux l’appré­hen­der.

Au cours de l’année, le Pôle Santé et Sécurité des Soins a été des­ti­na­taire de près d’une cin­quan­taine de témoi­gna­ges qui ont permis de faire le même cons­tat : les prin­ci­pa­les dis­po­si­tions de la loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie sont sou­vent igno­rées ou mal com­pri­ses et ne sont, en consé­quence, pas ou insuf­fi­sam­ment appli­quées. Méconnue des pro­fes­sion­nels, la loi l’est tout autant des mala­des et de leurs famil­les.

Une nuance déli­cate entre « lais­ser mourir » et « faire mourir »

Alors que nul ne conteste le carac­tère béné­fi­que des soins pal­lia­tifs, il
ne semble pas tou­jours facile pour les soi­gnants d’iden­ti­fier, d’une part le
moment où ils peu­vent être mis en place, et d’autre part, l’entrée dans
la phase ter­mi­nale de la mala­die. De même, il n’est pas tou­jours simple
d’appré­cier quelle est la véri­ta­ble nature de la demande.

Et la fron­tière peut sem­bler mince entre une demande de « lais­ser mourir », en vertu de l’inter­dic­tion de l’obs­ti­na­tion dérai­son­na­ble, et une demande de « lais­ser mourir » dans le but d’en finir et donc de « faire mourir ». Tout appa­raît dès lors comme une ques­tion d’appré­cia­tion, de per­cep­tion, lais­sant une place immense à la sub­jec­ti­vité. Plusieurs méde­cins nous ont fait part de leur crainte d’être sus­pecté de pra­ti­quer l’eutha­na­sie.

À l’inverse, la consé­quence peut être, par­fois, la mise en oeuvre d’un trai­te­ment proche de l’achar­ne­ment thé­ra­peu­ti­que, contraire au prin­cipe de la loi.

Personnes de confiance et direc­ti­ves anti­ci­pées

Trop peu de per­son­nes de confiance sont aujourd’hui dési­gnées. La
défi­ni­tion même de la per­sonne de confiance semble mal com­prise pour
nombre d’usa­gers et de pro­fes­sion­nels de santé, son posi­tion­ne­ment étant
davan­tage iden­ti­fié comme rele­vant de la sphère admi­nis­tra­tive, d’où les
iné­vi­ta­bles confu­sions avec la per­sonne à pré­ve­nir.

Les direc­ti­ves anti­ci­pées ont aussi été créées pour enten­dre les der­niè­res
volon­tés des patients et pour­tant, peu d’entre eux sont infor­més de
la pos­si­bi­lité d’écrire leurs sou­haits de fin de vie. De plus, les pro­fes­sion­nels sont méfiants vis-à-vis de la for­mu­la­tion de ces direc­ti­ves anti­ci­pées,
qui sont sou­vent géné­ra­les, et qui peu­vent être rédi­gées par une per­sonne
en bonne santé, ne reflé­tant pas for­cé­ment son état d’esprit, si elle devait
être en phase avan­cée d’une mala­die grave.

Une déci­sion médi­cale avant tout

Le prin­cipe qui com­mande l’ensem­ble de la pro­cé­dure de prise de
déci­sion d’une limi­ta­tion ou d’un arrêt de trai­te­ment est qu’il s’agit d’une
déci­sion d’ordre médi­cal : la déci­sion fait l’objet d’une déli­bé­ra­tion de
l’équipe soi­gnante, puis elle est prise par le méde­cin res­pon­sa­ble du
patient. La spé­ci­fi­cité de cette pro­cé­dure est qu’elle consa­cre aussi les
droits du malade. La déci­sion prend en effet en compte les sou­haits que le
patient a pu expri­mer dans des direc­ti­ves anti­ci­pées, l’avis de la per­sonne
de confiance que le patient a pu dési­gner, l’avis de la famille ou à défaut
celui de ses pro­ches. En revan­che, le main­tien du patient à domi­cile, en
par­ti­cu­lier dans les zones à démo­gra­phie médi­cale de faible den­sité, rend
plus com­plexe l’orga­ni­sa­tion d’une col­lé­gia­lité de la déci­sion.

Source : http://www.media­teur-repu­bli­que.fr/fic_bdd/pdf_fr_fichier/1295941775_Bilan_P3S.pdf

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