La souffrance au travail des soignants

5 avril 2014

Fatéma Safy-Godineau, « La souffrance au travail des soignants : une analyse des conséquences délétères des outils de gestion », La nouvelle revue du travail

L’évolution des réfor­mes hos­pi­ta­liè­res amène à une déna­tu­ra­tion de la fonc­tion des établissements de santé qui devien­nent des entre­pri­ses jugées sur la pro­duc­tion de leur acti­vité de soins et la per­for­mance économique obte­nue par celle-ci.

Cette déna­tu­ra­tion fait des établissements de santé un récep­ta­cle d’injonc­tions où les soi­gnants sont confron­tés à des para­doxes sou­vent dif­fi­ci­les à dénouer : per­for­mance économique vs qua­lité, cadre régle­men­taire et nor­ma­tif vs per­son­na­li­sa­tion de la prise en charge, cloi­son­ne­ment pro­fes­sion­nel vs conti­nuité de l’inter­ven­tion auprès de patients, valeurs orga­ni­sa­tion­nel­les vs valeurs pro­fes­sion­nel­les.

Par ailleurs, elle engen­dre un pro­ces­sus de déqua­li­fi­ca­tion des métiers de soin, car il est de plus en plus demandé aux soi­gnants de deve­nir des tech­ni­ciens, des gens « effi­ca­ces », au regard non plus du tra­vail sur l’humain, mais de la ges­tion des coûts de leur acti­vité de soins. Quel est alors l’impact des muta­tions engen­drées par les réfor­mes hos­pi­ta­liè­res sur la santé au tra­vail des soi­gnants ?

Plus spé­ci­fi­que­ment, quel lien existe-t-il entre les modes d’accom­pa­gne­ments mana­gé­riaux de ces trans­for­ma­tions et l’alté­ra­tion de la santé au tra­vail des soi­gnants ? Pour répon­dre à ces ques­tions, nous nous appuyons sur le concept de souf­france au tra­vail, avec pour clé de lec­ture la théo­rie de la conser­va­tion des res­sour­ces.

Notre recher­che se posi­tionne dans le para­digme com­pré­hen­sif et la métho­do­lo­gie rete­nue est qua­li­ta­tive. Le ter­rain d’étude choisi pour notre inves­ti­ga­tion est un établissement médico-social à carac­tère semi-public et notre échantillon de recher­che se com­pose de 28 soi­gnants (per­son­nel infir­mier et aide-soi­gnant).

Les résul­tats de la recher­che mon­trent que les réfor­mes hos­pi­ta­liè­res épuisent aussi bien les res­sour­ces orga­ni­sa­tion­nel­les, qui aident les indi­vi­dus dans leur effort au tra­vail et dans l’atteinte des objec­tifs du tra­vail, que les res­sour­ces sub­jec­ti­ves per­met­tant à l’indi­vidu de se défi­nir, impac­tant ainsi la santé des soi­gnants dans la mesure où l’atteinte à la santé au tra­vail trouve ses ori­gi­nes dans la perte poten­tielle ou effec­tive des res­sour­ces sub­jec­ti­ves.

Ils sou­tien­nent également que la souf­france au tra­vail est le fruit de défi­cits dans le rôle de l’enca­dre­ment de proxi­mité, car les outils et logi­ques ges­tion­nai­res qui sont intro­duits dans les établissements de santé, amè­nent les direc­tions et mana­gers de proxi­mité vers des préoc­cu­pa­tions de plus en plus éloignées des dif­fi­cultés de l’acti­vité quo­ti­dienne de soins et de la néces­saire régu­la­tion locale que ces der­niè­res impo­sent.

Plan
- Introduction
- 1. La souf­france au tra­vail : une appro­che par les res­sour­ces
- 2. La souf­france au tra­vail : une énigme à déchif­frer
- 3. Entre évolutions des réfor­mes hos­pi­ta­liè­res et accom­pa­gne­ment mana­gé­rial ino­pé­rant : le pro­ces­sus d’épuisement des res­sour­ces
- 3.1. L’appau­vris­se­ment des res­sour­ces orga­ni­sa­tion­nel­les
- 3.2. L’érosion des res­sour­ces sub­jec­ti­ves
- 4. Ramener le mana­ge­ment vers la régu­la­tion locale des acti­vi­tés
- 4.1 La per­ti­nence d’une appro­che par les res­sour­ces
- 4.2. Le rôle du mana­ge­ment dans le pro­ces­sus de cons­truc­tion de la souf­france au tra­vail.

Référence électronique http://nrt.revues.org/1042

Fatéma Safy-Godineau, « La souf­france au tra­vail des soi­gnants : une ana­lyse des consé­quen­ces délé­tè­res des outils de ges­tion », La nou­velle revue du tra­vail

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