Oxyde d’éthylène : l’ombre toxique de la stérilisation plane sur les soignants

21 juin 2025
La stérilisation sauve des vies. Mais quand elle empoisonne ceux qui soignent, qui protège les soignants ? Personne ne mesure l’oxyde d’éthylène dans les blocs. Pourtant, il est partout.
Ce gaz toxique est utilisé pour stériliser plus de 80 % des dispositifs médicaux à usage unique. Son pouvoir de pénétration en fait un outil redoutable contre les germes. Mais il n’épargne pas les corps des soignants. Cancérogène, mutagène, reprotoxique, neurotoxique : l’oxyde d’éthylène (OE) cumule les dangers. Il provoque des allergies sévères, des neuropathies périphériques, et multiplie par trois le risque de cancer du sein chez les personnels exposés chroniquement.
Depuis Brest, l’équipe du Professeur Douraied Ben Salem alerte. Le neuroradiologue révèle que plus de 90 % des introducteurs, cathéters, microcathéters et guides utilisés en radiologie interventionnelle sont stérilisés à l’#OE. Les résidus ne se dissipent pas dans l’air : ils s’accumulent dans les locaux, les dispositifs, les stocks — et dans les organismes.
En néonatalogie, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon un rapport de l’ANSM Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, 40 % des dispositifs testés au lit des nouveau-nés présentaient encore des résidus supérieurs aux seuils de sécurité. Ces données, issues d’une campagne de contrôle du marché menée entre 2013 et 2015, n’ont jamais débouché sur une surveillance systématique de l’air ambiant dans les services. Et la stérilisation à l’OE ne fait toujours l’objet d’aucun classement ou suivi dans les établissements de santé.
L’affaire Tétra Médical, révélée en 2023, en donne une illustration brutale. Des salariés d’un site ardéchois y ont été exposés pendant des années à l’OE, sans information ni protection. Plusieurs d’entre eux ont développé des cancers, des troubles neurologiques ou signalé des malformations chez leurs enfants. Ce n’est pas un accident, c’est une politique d’aveuglement.
Pendant que l’#EPA américaine réduit ses seuils de toxicité et que la FDA cherche activement des alternatives, la France continue d’exposer ses soignants sans surveillance. Des soignants qui manipulent, respirent, stockent des dispositifs porteurs d’un gaz interdit comme pesticide, mais autorisé à entrer dans la circulation sanguine. Un gaz interdit dans l’alimentation, mais omniprésent dans les dispositifs de soins.
La stérilisation protège les patients. Mais qui protège les soignants des dispositifs qu’ils manipulent chaque jour ?
Sources :
– Voici la source officielle de l’ANSM concernant les résidus d’oxyde d’éthylène (OE) dans les sondes utilisées en néonatalogie et pédiatrie :
En 2015, l’ANSM a mené un contrôle du marché (campagnes de sondes entre 2013‑2014) et constaté que 60 % des sondes dépassaient les limites admissibles de résidus d’OE fixées par la norme NF EN ISO 10993‑7
https://ansm.sante.fr/uploads/2021/11/25/20151013-rapport-oxyde-ethylene-10-2015-1.pdf
– Suivi des anciens salariés de Tetra Médical exposés à l’Oxyde d’éthylène
https://www.ardeche.gouv.fr/Actualites/Espace-Presse/Communiques-de-presse/Annee-2023/Fevrier-2023/CP-Suivi-des-anciens-salaries-de-Tetra-Medical-exposes-a-l-Oxyde-d-ethylene