Projet de loi de réforme du temps de travail

1er septembre 2008

23 juillet 2008 : "lettre ouverte" de la CFE-CGC au président de la République. Il s’agit d’une protestation contre le projet de loi de réforme du temps de travail qui pénalise fortement les salariés en forfait jours.

Monsieur le Président,

« Je vous fais une lettre que vous lirez peut-être, si vous avez le temps... »

J’appré­cie au plus haut point la fidé­lité à vos enga­ge­ments de can­di­dat Président. Ainsi donc je devrai tra­vailler 235 jours au lieu de 218 aupa­ra­vant selon la loi qui vient d’être adop­tée. Fort heu­reu­se­ment, je garde le béné­fice de mes week-ends et de mes jours de congés. L’affaire ne me coûte que mes jours fériés chômés payés et mes jours de RTT, qui cons­ti­tuaient le maigre retour des 60 à 70 heures par semaine que j’effec­tue pour conser­ver mon job.

Certes, je ne suis pas encore aussi omni­pré­sent dans mon entre­prise que vous l’êtes vous-même au ser­vice de notre pays. Votre enga­ge­ment per­ma­nent sur l’événementiel aux quatre coins du monde est stu­pé­fiant. J’appré­cie per­son­nel­le­ment, Français moyen il est vrai, le retour en famille et les heures que je consa­cre à mes enfants. Il m’arrive d’aller encore à la cam­pa­gne où mes parents se sont reti­rés fri­leu­se­ment ; peti­tes retrai­tes obli­gent ! Mais nous espa­çons ces visi­tes à notre corps défen­dant : l’essence est deve­nue si chère ! le pou­voir d’achat si mal­heu­reu­se­ment sta­gnant...

Grâce à vous, je vais tra­vailler plus et gagner plus : 17 jours valo­ri­sés de 10%... Et pour­quoi pas 25% ? Pourquoi donc cette dis­cri­mi­na­tion, Monsieur le Président ? En quoi est-elle jus­ti­fiée. Serais-je un paria, pos­ses­seur de je ne sais quelle situa­tion pri­vi­lé­giée qui mérite le lami­nage par l’impo­si­tion et pour le reste à vivre la por­tion congrue ?

Monsieur le Président, il faut que je vous dise, com­bien je suis en désac­cord avec ces nou­vel­les dis­po­si­tions qui seront sans doute accep­tées dans mon entre­prise par le seul syn­di­cat encore pré­sent après la loi sur la repré­sen­ta­ti­vité. Je gage que le dia­lo­gue aura été en l’occur­rence plus facile que par le passé. Sera-t-il aussi fruc­tueux, aura-t-il meilleure consis­tance, dans l’avenir ?

Monsieur le Président, votre rythme des réfor­mes me donne le tour­nis et il m’arrive de prio­ri­ser les thèmes alors qu’ils sont tous impor­tants. Mais cette loi sur le temps de tra­vail m’inter­pelle par­ti­cu­liè­re­ment et me semble tota­le­ment inu­tile, inique et plus frap­pée du sceau de la revan­che que de l’ana­lyse fondée.

Dans ces condi­tions, le senior que je serai dans quel­que temps n’a qu’une hâte, c’est d’échapper à la pres­sion et au stress des condi­tions de tra­vail.

Comment conci­lier cette envie avec une néces­sité économique que je com­prends bien par ailleurs, celle d’équilibrer nos régi­mes de retraite par répar­ti­tion ?

Même si je n’en suis pas à repren­dre un slogan bien connu « À bas les caden­ces infer­na­les », « je vous écris cette lettre que vous lirez peut-être si vous avez le temps » pour expri­mer à tra­vers elle tout le malaise d’une popu­la­tion labo­rieuse qui souf­fre, fut-elle de l’enca­dre­ment.

Gérard LABRUNE
SECRETAIRE GENERAL de la CFE-CGC

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