Grippe A(H1N1) : critiques des professionnels de santé sur l’action de l’Etat

12 octobre 2010

Agence de presse médi­cale APM, 28 avril 2010

Les pro­fes­sion­nels de santé audi­tion­nés mardi par la com­mis­sion d’enquête de l’Assemblée natio­nale sur la cam­pa­gne de vac­ci­na­tion contre la grippe A(H1N1) ont lar­ge­ment cri­ti­qué l’action de l’Etat.

La com­mis­sion d’enquête a orga­nisé mardi une table ronde avec des repré­sen­tants de méde­cins libé­raux, d’infir­miers libé­raux et sala­riés, d’étudiants en méde­cine, de phar­ma­ciens et de l’Ordre des méde­cins.

Le Dr Claude Leicher, pré­si­dent de MG-France, a estimé que l’admi­nis­tra­tion de la santé n’avait "pas de connais­sance et de confiance dans le dis­po­si­tif ambu­la­toire". "Quand il a fallu orga­ni­ser les choses, on a bien vu que l’admi­nis­tra­tion de la santé ne pos­sé­dait pas son sujet, c’est-à-dire qu’elle ne savait pas qui elle pou­vait réqui­si­tion­ner, à quel moment, quel­les étaient les per­son­nes à contac­ter", a-t-il com­menté.

Selon lui, les "pro­cé­du­res choi­sies" dans le cadre de la lutte contre la grippe A "ne s’adap­taient pas à la réa­lité". "On a com­pris que cela n’était pas des pro­cé­du­res santé mais du minis­tère de l’inté­rieur", a-t-il ajouté, esti­mant qu’il s’agis­sait d’"une erreur en termes de stra­té­gie d’orga­ni­sa­tion".

Le pré­si­dent de l’Intersyndicat natio­nal des inter­nes des hôpi­taux (Isnih), Grégory Murcier, a eu des mots très durs envers l’admi­nis­tra­tion de la santé, accu­sant notam­ment les direc­tions régio­na­les des affai­res sani­tai­res et socia­les (Drass) ne pas avoir su orga­ni­ser les plan­nings de vac­ci­na­tion.

"Les Drass ont été rela­ti­ve­ment inef­fi­ca­ces, voire com­plè­te­ment incom­pé­ten­tes", a-t-il déploré, sou­li­gnant qu’elles n’étaient "pas capa­bles de faire un plan­ning (...) alors que n’importe quelle per­sonne avec Excel ou une feuille de papier et un crayon est capa­ble d’en faire". "Souvent les inter­nes ont rem­placé les Drass de ce point de vue", a-t-il ajouté.

Le pré­si­dent de la Fédération natio­nale des infir­miers (FNI), Philippe Tisserand, a déploré les condi­tions de réqui­si­tions. "[On nous a dit] dans un pre­mier temps qu’on n’a[vait] pas besoin de nous, mais on nous a réqui­si­tion­nés dans les condi­tions que nous crai­gnions et que nous avions anti­ci­pées, c’est-à-dire la veille après-midi pour le len­de­main", a-t-il déclaré.

"Prévenu un ven­dredi à 16 heures que l’on est réqui­si­tionné le samedi, alors que le samedi on a en charge 40 per­son­nes qui sont sous per­fu­sion ou sous chi­mio­thé­ra­pie, c’est inac­cep­ta­ble !", a-t-il lancé.

Philippe Gaertner, pré­si­dent de la Fédération des syn­di­cats phar­ma­ceu­ti­ques de France (FSPF), a également déploré le manque de connais­sance du minis­tère de la santé sur les offi­ci­nes. Il a notam­ment rap­porté que lors des réu­nions, "des gens ont été capa­bles de dire qu’il n’y avait pas de frigo dans les phar­ma­cies".

DES CONSIGNES MEDICALES NON CONFORMES

Les choix médi­caux du gou­ver­ne­ment ont été également été cri­ti­qués par les pro­fes­sion­nels de santé.

Thierry Amouroux, secré­taire géné­ral du Syndicat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers (SNPI, CFE-CGC), a pointé que la cir­cu­laire du 21 août 2009 orga­ni­sant la vac­ci­na­tion "allait à l’encontre des pra­ti­ques pro­fes­sion­nel­les" des infir­miers. Il a cité en par­ti­cu­lier les consi­gnes de frac­tion­ne­ment des tâches, le rythme de vac­ci­na­tion imposé, l’absence de ren­contre avec un méde­cin pour cer­tains, etc.

"Dans un pays évolué au XXIème siècle, on ne pou­vait faire de la méde­cine vété­ri­naire où un trou­peau de gens rentre et se fait piquer au rythme d’une per­sonne toutes les deux minu­tes, c’était incom­pa­ti­ble avec les atten­tes de la popu­la­tion", a-t-il affirmé.

Le pro­blème des aiguilles, non confor­mes aux pra­ti­ques de sécu­rité, pour vac­ci­ner a été également abordé.

Seul le repré­sen­tant du Conseil natio­nal de l’Ordre des méde­cins, le pré­si­dent de la sec­tion de santé publi­que de l’ins­tance, Patrick Romestaing, a été plus mesuré que ses confrè­res concer­nant l’action de l’Etat pen­dant la pan­dé­mie.

Il a estimé que les choix poli­ti­ques de santé publi­que de lancer une vac­ci­na­tion géné­rale étaient jus­ti­fiés face aux don­nées scien­ti­fi­ques mais a reconnu que l’orga­ni­sa­tion du dis­po­si­tif avait connu des "dys­fonc­tion­ne­ments", dans cer­tains ter­ri­toi­res.

Il a cité l’exem­ple du Rhône où la cam­pa­gne de vac­ci­na­tion a été selon lui plutôt un succès (aucune réqui­si­tion de méde­cins) en raison d’une bonne coor­di­na­tion entre la Ddass, les URML, l’Ordre des méde­cins et le préfet, qui "ont l’habi­tude de tra­vailler ensem­ble".

CRITIQUES DES ETUDIANTS

Les étudiants et inter­nes en méde­cine ont cri­ti­qué aussi les condi­tions dans les­quel­les ils ont été réqui­si­tion­nés pour la vac­ci­na­tion et ont fus­tigé "une orga­ni­sa­tion anar­chi­que".

"Ce sont les asso­cia­tions loca­les d’étudiants en méde­cine qui ont fait le tra­vail des Drass en matière d’infor­ma­tion des étudiants sur la vac­ci­na­tion", a déclaré Matthieu Picoly, membre de la confé­rence des étudiants en méde­cine.

Ils ont rap­porté des dif­fi­cultés de ges­tion des stocks avec des chefs de cen­tres (per­son­nels admi­nis­tra­tifs) de vac­ci­na­tion qui n’étaient pas formés et mal infor­més. Les étudiants ont également fait part de leur décep­tion sur la prise en charge de leurs frais de trans­port et leur rému­né­ra­tion au moment de la cam­pa­gne de vac­ci­na­tion. "A l’heure actuelle, j’attends tou­jours 80% de ma rému­né­ra­tion", a déclaré Matthieu Picoly.

Il a affirmé que les réqui­si­tions ont été pra­ti­quées dans cer­tains cas par les Drass sur "le ton de la menace" et que ce sont par­fois des socié­tés pri­vées qui étaient char­gées de contac­ter des étudiants. Il s’est plaint que les réqui­si­tions ne tenaient pas compte du domi­cile des étudiants pour choi­sir les cen­tres d’affec­ta­tion et des jours d’examen.

DESORGANISATION DU SYSTEME DE SANTE

Les pro­fes­sion­nels de santé audi­tion­nés ont rap­porté que la cam­pa­gne vac­ci­nale avait désor­ga­nisé le sys­tème de soins.

"Ce sys­tème et ce choix de schéma vac­ci­nal ont désor­ga­nisé pro­fon­dé­ment l’ensem­ble du sys­tème de santé par le biais des réqui­si­tions qui sont inter­ve­nues", a déclaré Michel Chassang, le pré­si­dent de la Confédération des syn­di­cats médi­caux fran­çais (CSMF).

"Les méde­cins qui avaient leur salle d’attente pleine de patients, étaient contraints d’aller vac­ci­ner dans des salles de vac­ci­na­tion vides, les sta­giai­res de ces cabi­nets étaient réqui­si­tion­nés pour aller vac­ci­ner dans les cen­tres vac­ci­naux et cela désé­qui­li­brait le fonc­tion­ne­ment des cabi­nets tra­di­tion­nels", a-t-il déclaré, ajou­tant que "les hôpi­taux et ser­vi­ces de santé au tra­vail avaient connu le même sort".

L’interne en méde­cine Grégory Murcier a été plus modéré, expli­quant que les inter­nes étaient "intel­li­gents" et s’étaient orga­ni­sés pour ne pas aller vac­ci­ner tous en même temps.

Thierry Amouroux a également signalé les consé­quen­ces des réqui­si­tions "faites n’importe com­ment" sur la for­ma­tion des pro­fes­sion­nels, avec un appel des étudiants infir­miers et la fer­me­ture des Ifsi pen­dant plu­sieurs semai­nes.

"Si les semai­nes de for­ma­tion sont rem­pla­cées par une pré­sence dans un gym­nase où vous vous livrez à des pra­ti­ques qui sont contrai­res aux pra­ti­ques pro­fes­sion­nel­les, cela a un impact sur la for­ma­tion", a-t-il ren­chéri.

co/mh/san/APM polsan redac­tion chez apm­news.com

Grippe A(H1N1) : les pro­fes­sion­nels de santé sug­gè­rent une meilleure orga­ni­sa­tion locale
PARIS, 28 avril 2010 (APM)

Les pro­fes­sion­nels de santé audi­tion­nés mardi par la com­mis­sion d’enquête de l’Assemblée natio­nale sur la cam­pa­gne de vac­ci­na­tion contre la grippe A(H1N1) ont déploré avoir été mis à l’écart du dis­po­si­tif de vac­ci­na­tion et ont for­mulé plu­sieurs pro­po­si­tions pour amé­lio­rer la situa­tion lors d’une pro­chaine crise en s’appuyant davan­tage sur les orga­ni­sa­tions loca­les exis­tan­tes.

La com­mis­sion d’enquête a orga­nisé mardi une table ronde avec des repré­sen­tants de méde­cins libé­raux, d’infir­miers libé­raux et sala­riés, d’étudiants en méde­cine, de phar­ma­ciens et de l’Ordre des méde­cins. Ces der­niers ont également for­te­ment cri­ti­qué l’action de l’Etat (cf dépê­che APM CONDS001).

Lors de la pro­chaine crise sani­taire, les pro­fes­sion­nels audi­tion­nés ont invité les auto­ri­tés à mieux s’appuyer sur les orga­ni­sa­tions loca­les.

Le pré­si­dent de la sec­tion de santé publi­que du Conseil natio­nal de l’Ordre des méde­cins, Patrick Romestaing, a pro­posé de baser l’orga­ni­sa­tion sur les comi­tés dépar­te­men­taux de l’aide médi­cale urgente, de la per­ma­nence des soins et des trans­ports sani­tai­res (Codamups), qui ont "l’avan­tage d’être des orga­ni­sa­tions dépar­te­men­ta­les regrou­pant l’ensem­ble des acteurs de santé", en y ajou­tant les inter­nes et les étudiants en méde­cine.

Le pré­si­dent de MG-France, Claude Leicher, a sug­géré que le dis­po­si­tif s’orga­nise à partir des sec­teurs de garde de méde­cine de ville, "quitte à les mutua­li­ser dans un cer­tain nombre d’endroits s’ils sont trop petits". Il a pro­posé que les méde­cins des sec­teurs de garde s’orga­ni­sent pour pro­po­ser une réponse en termes de prise en charge des patients mala­des et éventuellement une prise en charge de la vac­ci­na­tion.

L’ancien pré­si­dent de MG-France, Martial Olivier-Koehret, a fus­tigé le sys­tème de sur­veillance de la grippe (réseaux Sentinelle) en indi­quant qu’il n’avait pas fait les bonnes pro­jec­tions et a pro­posé la mise en place d’un sys­tème de recueil pro­fes­sion­nel pour sur­veiller la pro­gres­sion de la mala­die. Il a sou­tenu la créa­tion d’un "mandat de santé publi­que" pour les méde­cins géné­ra­lis­tes lors de leur mobi­li­sa­tion en cas de crise sani­taire".

CRITIQUE D’UNE MISE A L’ECART

Plusieurs pro­fes­sion­nels de santé libé­raux se sont plaints d’avoir été mis à l’écart de la mobi­li­sa­tion autour de la grippe A, leur impli­ca­tion dans la vac­ci­na­tion ayant été tar­dive et ont cri­ti­qué les métho­des de concer­ta­tion des auto­ri­tés sani­tai­res.

Le pré­si­dent de la Confédération des syn­di­cats médi­caux fran­çais (CSMF), Michel Chassang, a évoqué les dif­fé­ren­tes réu­nions orga­ni­sées au minis­tère de la santé pen­dant la crise, en par­ti­cu­lier pen­dant l’été 2009, au cours des­quel­les on pro­po­sait d’"exclure les cen­tres de proxi­mité que sont les cabi­nets libé­raux, une erreur fon­da­men­tale".

"Il y avait une confu­sion incontes­ta­ble entre la concer­ta­tion et l’infor­ma­tion : ces séan­ces étaient des pures séan­ces d’infor­ma­tion", a-t-il déploré.

"Nous avons eu la désa­gréa­ble sur­prise à plu­sieurs repri­ses de voir que la minis­tre fai­sait des confé­ren­ces de presse avant même l’orga­ni­sa­tion ou la tenue de ces réu­nions, quand ce n’était pas de façon rela­ti­ve­ment conco­mi­tante à quel­ques minu­tes près", a-t-il ajouté.

Le pré­si­dent de la Fédération natio­nale des infir­miers (FNI), Philippe Tisserand, a expli­qué que trois réu­nions avaient été orga­ni­sées pen­dant l’été. "[Au cours de ces] trois réu­nions, on nous a répété la même chose : qu’on n’avait pas besoin de nous", a-t-il rap­porté. "On a eu le même mes­sage de la pre­mière à la der­nière réu­nion".

Le syn­di­cat avait alors sou­levé la ques­tion des per­son­nes dépen­dan­tes et fra­gi­les qui vivent à domi­cile et ne peu­vent se dépla­cer. "On nous a dit encore une fois qu’on n’aurait pas besoin de nous et que, sur­tout, on avait aucun souci à se faire et presqu’à la limite ’de quoi je mêle ?’", a-t-il déploré. Il s’agis­sait d’une "démons­tra­tion", "pres­que à titre de pro­vo­ca­tion" qu’on "pou­vait se priver du concours 62.000 infir­miers libé­raux", a-t-il ren­chéri.

Thierry Amouroux, secré­taire géné­ral du Syndicat natio­nal des pro­fes­sion­nels infir­miers (SNPI, CFE-CGC), a également estimé que les réu­nions avaient "débou­ché sur rien". "On nous réu­nis­sait pour pou­voir dire qu’on nous avait réunis, mais on ne tenait abso­lu­ment pas compte de nos [remar­ques]", a-t-il expli­qué.

Les pro­fes­sion­nels esti­ment que lors de la pro­chaine crise sani­taire néces­si­tant une vac­ci­na­tion, les pro­fes­sion­nels de santé libé­raux devraient être immé­dia­te­ment asso­ciés au dis­po­si­tif, notam­ment pour vac­ci­ner et pren­dre en charge leurs patients. Ils consi­dè­rent qu’ils ont les capa­ci­tés d’assu­rer une vac­ci­na­tion en masse et qu’ils pour­raient jouer un rôle com­plé­men­taire aux cen­tres de vac­ci­na­tion.

Michel Chassang a notam­ment balayé l’argu­ment de surac­ti­vité avancé pour écarter les cabi­nets de ville, en indi­quant que les méde­cins libé­raux savaient gérer ces situa­tions.

Les repré­sen­tants syn­di­caux des méde­cins libé­raux ont estimé qu’envi­ron 50% des méde­cins géné­ra­lis­tes se seraient portés can­di­dats pour vac­ci­ner s’ils avaient été sol­li­ci­tés. Ils ont consi­déré que le sys­tème de cen­tres de vac­ci­na­tion mis en place cons­ti­tuait "une rup­ture d’habi­tude pour les Français" non fami­liers avec ce dis­po­si­tif, ce qui pour­rait expli­quer leur manque d’adhé­sion à la vac­ci­na­tion.

"Nous sommes capa­bles de nous orga­ni­ser face à une menace", a assuré Thierry Amouroux.

co/mh/san/APM polsan redac­tion chez apm­news.com

Source : http://www.urml-reu­nion.net/por­cine-grippe/vac­ci­na­tion-cam­pa­gne/20100428-OUPS.html

Partager l'article
     

Rechercher sur le site


Dialoguer avec nous sur Facebook
Nous suivre sur Twitter
Nous suivre sur LinkedIn
Suivre notre Flux RSS

Quelle partie du rôle propre infirmier peut être confiée à une aide-soignante ?

Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2021-980 du 23 juillet 2021, le périmètre d’intervention (…)

Des médicaments dans l’eau, et personne pour les filtrer ?

L’eau du robinet contient aujourd’hui plus de résidus médicamenteux que de pesticides. Et tout (…)

Oxyde d’éthylène : l’ombre toxique de la stérilisation plane sur les soignants

La stérilisation sauve des vies. Mais quand elle empoisonne ceux qui soignent, qui protège les (…)

Formation infirmière : la France choisit l’impasse pendant que le monde avance

Mieux formés, les infirmiers sauvent plus de vies. C’est prouvé, documenté, validé. Mais la (…)

Partout où la guerre détruit, les soins reconstruisent

La paix ne commence pas dans les traités, mais dans les gestes quotidiens. C’est l’un des (…)

Redéfinir l’infirmière, c’est refonder la santé

À quoi reconnaît-on une infirmière ? Par la blouse ? Les soins prodigués au chevet ? Trop (…)