Bénéfices-risques de la cigarette électronique
1er juin 2014
Avis rendu par le Haut Conseil de la santé publique HCSP du 25 avril 2014 (synthèse des 12 pages). La principale mise en garde du HCSP concerne le risque d’entrée en addiction nicotinique des adolescents et leur détournement vers le tabagisme.
Un nouveau mode de consommation de substance à inhaler pouvant contenir de la nicotine se développe en France avec l’utilisation de la cigarette électronique ou e-cigarette.
L’utilisation de ce produit industriel, récent et non pharmaceutique, se veut une « alternative » au tabac et à l’acte de fumer. La réduction possible du risque liée à la fumée de tabac est un sujet de grande importance compte tenu de la mortalité et de la morbidité liée au tabac. L’e-cigarette est présentée comme un moyen d’aide au sevrage tabagique et de nombreux utilisateurs y voient un espoir de sortir du tabagisme.
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), en réponse à la saisine de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), a réalisé une analyse de la littérature du rapport bénéfices-risques de la consommation d’e-cigarette et de ses conséquences possibles sur la population générale.
L’analyse bénéfices–risques dépend du type de situation.
Les risques du développement de l’e-cigarette sont :
la re-normalisation du tabac ;
et pour les non-fumeurs, l’entrée dans la dépendance à la nicotine avec son corollaire, l’entrée dans le tabagisme. Ce risque semble particulièrement élevé chez les jeunes.
Pour les fumeurs ayant envie d’arrêter, la consommation d’e-cigarette est un outil de réduction des risques lorsqu’il amène au sevrage.
Pour les vapofumeurs (consommation de tabac et d’e-cigarette) de nombreuses interrogations demeurent et nous avons encore besoin d’études pour élaborer des recommandations étayées scientifiquement.
La principale mise en garde du HCSP concerne le risque d’entrée en addiction nicotinique des adolescents et leur détournement vers le tabagisme.
L’e-cigarette peut se révéler être un moyen d’initiation nicotinique en particulier chez les plus jeunes (Pepper et al. 2013 ; McBride, 2014).
En France, une première enquête menée durant le premier trimestre 2012 (donc bien avant l’ouverture massive des circuits de commercialisation de l’e-cigarette) auprès de 3 400 adolescents parisiens scolarisés ayant entre 12 et 19 ans, montre que le pourcentage d’expérimentateurs d’e-cigarette chez les 12-14 est supérieur au pourcentage d’utilisateurs de cigarettes à tabac (6,4% versus 6%) (Dautzenberg et al., 2013).
Deux études américaines transversales réalisées en deux vagues (2011 (178 écoles) et 2012 (228 écoles) ) auprès d’un peu plus de 40 000 adolescents (14-15 ans), à partir d’un questionnaire auto-administré et anonyme montrent que l’usage de l’e-cigarette est associé à de plus grands risques d’avoir été ou d’être actuellement fumeur de cigarettes, mais aussi à de plus grands risques d’avoir un tabagisme établi. Cette association se retrouve également dans les intentions d’arrêt du tabac. Parmi les expérimentateurs de cigarettes, l’usage de l’e-cigarette est associé à de plus faibles chances d’abstinence du tabac. Les auteurs concluent que l’usage de l’e-cigarette n’incite pas à l’arrêt du tabac, voire peut encourager la consommation de cigarettes conventionnelles parmi les adolescents américains (Dutra et Glantz, 2013).
Le HCSP recommande :
L’observation périodique des niveaux et modes de consommation de l’e-cigarette.
L’information publique des consommateurs sur les risques ou sur la méconnaissance des risques.
La communication sur l’interdiction de vente aux mineurs des e-cigarettes et sur le risque du vapotage pour la femme enceinte.
Un contrôle périodique de la présence de nicotine et de sa concentration dans les e-liquides.
La mise en place de mesures pour contrer la « renormalisation » de la consommation de nicotine inhalée ou fumée.
Le mouvement d’entrée de l’industrie du tabac sur le marché de l’e-cigarette ne signifie-t-il pas que l’e-cigarette n’est pas un substitut parfait du tabac et que l’un peut alimenter la consommation de l’autre (et réciproquement) car finalement, les deux produits ont en commun d’avoir comme objet principal la délivrance de nicotine, produit extrêmement addictogène ?
Source : http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=419