Certification périodique : le décret qui engage les infirmières
29 décembre 2025
Pendant longtemps, la certification périodique des soignants est restée un objet mal identifié. Une obligation inscrite dans les textes, mais rarement incarnée. On savait qu’il fallait « se former », « actualiser ses pratiques », « améliorer la qualité ». Sans toujours savoir comment cela serait vérifié, ni par qui, ni avec quelles conséquences.
Le décret du 26 décembre 2025 met fin à cette zone grise. Sans effet d’annonce. Mais avec méthode. Il ne redéfinit pas la certification périodique. Il en organise le contrôle, la traçabilité et le pilotage national. Et il le fait à travers un outil unique, qui rend cette obligation pleinement opposable.
Pour les infirmières, ce n’est pas un texte technique. C’est un texte structurant.
Rappel essentiel : une obligation déjà en vigueur
La certification périodique n’est pas une nouveauté. Elle constitue un dispositif obligatoire depuis le 1er janvier 2023 pour sept professions de santé à ordre, dont les infirmiers.
Elle vise à garantir, tout au long de la carrière, le maintien d’un haut niveau de qualité et de sécurité des soins Pour les infirmières, cette obligation repose sur quatre axes indissociables :
– le maintien et l’actualisation des connaissances et compétences ;
– l’amélioration continue de la qualité des pratiques professionnelles ;
– la relation avec le patient, la communication, l’éthique et le respect des droits ;
– la santé personnelle du professionnel, condition souvent oubliée de la qualité du soin.
Le décret de décembre 2025 ne crée donc pas l’obligation. Il la rend opérationnelle.
D’une obligation morale à une responsabilité vérifiable
Jusqu’ici, la certification relevait largement de la déclaration individuelle. Chacune faisait ce qu’elle pouvait, conservait des preuves, sans véritable cadre commun. Dans les faits, le dispositif reposait davantage sur la bonne volonté que sur un suivi organisé.
Le décret change la logique. Il pose un principe simple : la certification périodique doit pouvoir être objectivée, suivie et contrôlée. La bascule est claire. La certification cesse d’être une injonction abstraite. Elle devient une responsabilité professionnelle vérifiable.
“Ma Certif’Pro Santé” : un carnet de bord professionnel national
Le cœur du texte repose sur un outil : “Ma Certif’Pro Santé”. Chaque infirmière concernée dispose désormais d’un compte individuel, conçu pour retracer l’ensemble des actions réalisées au titre de la certification périodique.
Ce compte devient la référence officielle lors des contrôles. Formations suivies, démarches qualité, actions reconnues : ce qui n’y figure pas risque de ne pas être pris en compte. Autrement dit, la certification ne se joue plus uniquement sur ce que l’on fait, mais aussi sur ce que l’on peut démontrer.
Le compte est alimenté par plusieurs canaux :
– les données d’identification professionnelles (RPPS) ;
– les informations transmises par certains organismes ou employeurs ;
– et les déclarations réalisées par l’infirmière elle-même.
Un point est central : seules les données saisies par la professionnelle sont directement modifiables par elle. Si une action manque ou apparaît de façon incomplète, il faudra agir, documenter, demander une correction.
La certification devient ainsi un élément à part entière de la gestion de son parcours professionnel. Premier réflexe concret : vérifier ses coordonnées, notamment son adresse électronique. C’est par ce biais que passent les informations officielles.
Un contrôle encadré, mais bien réel
À l’issue de la période de certification, l’instance ordinale dispose d’un délai de six mois pour contrôler la réalisation du programme minimal d’actions. Elle s’appuie sur le compte individuel et sur les référentiels applicables, et peut demander des justificatifs complémentaires.
Ce calendrier change la temporalité. Il n’est plus possible de tout rattraper à la dernière minute. La certification devient un processus à anticiper et piloter dans la durée. Pour les infirmières, le message est clair : ce qui s’organise progressivement protège. Ce qui s’accumule fragilise.
L’accompagnement par les CNP : un levier encore trop méconnu
Le décret ne se limite pas à une logique de contrôle. Il prévoit explicitement la possibilité d’un accompagnement, notamment par les Conseils nationaux professionnels (CNP). Pour l’infirmière généraliste, c’est le CNPI : https://cnp-infirmier.fr/
Cet accompagnement peut être sollicité par l’infirmière elle-même, ou proposé par l’instance ordinale, en cas de difficulté à remplir le programme minimal d’actions. Il vise à analyser la situation, à identifier des actions adaptées à l’exercice réel, et à sécuriser le parcours de certification.
"C’est un point essentiel. La certification périodique n’a pas vocation à sanctionner des professionnelles déjà sous tension. Elle doit permettre un ajustement réaliste, tenant compte des contraintes d’exercice, des parcours atypiques, des interruptions ou des évolutions professionnelles." précise Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers SNPI.
Encore faut-il que ce rôle d’accompagnement soit réellement accessible, visible, et reconnu comme tel.
En cas de manquement : une procédure formalisée
Si l’instance ordinale estime que l’obligation n’est pas satisfaite, elle en informe la professionnelle de manière motivée. Celle-ci peut formuler des observations écrites et être entendue selon une procédure contradictoire.
Le décret ne crée pas de sanction automatique. Mais il rend possible un constat formel de non-respect, là où régnait auparavant une large tolérance. Là encore, l’anticipation reste la meilleure protection.
Le système est placé sous responsabilité publique, avec des accès différenciés et des durées de conservation encadrées. Les droits des professionnels sont explicitement prévus. Ce volet n’est pas secondaire. La certification périodique devient aussi un enjeu de confiance numérique. Sans transparence ni sécurité des données, aucun dispositif ne peut être accepté durablement par les soignants.
Ce décret ferme une période d’ambiguïté. La certification périodique sera désormais contrôlée et tracée.
Reste une question, centrale : à quoi va servir cet outil ?
S’il se résume à un empilement d’attestations, il deviendra une charge supplémentaire pour des professionnelles déjà fragilisées.
S’il s’inscrit dans une politique cohérente de qualité, de prévention, d’éducation à la santé et de sécurité des soins, il peut devenir un véritable levier, au service des patients comme des équipes.
Encore faut-il que les moyens suivent : temps dédié, accès réel à la formation, reconnaissance des démarches professionnelles.
La certification périodique n’est plus symbolique. Elle est désormais opposable. La question est de savoir quel sens collectif nous voulons lui donner : une mécanique de conformité administrative, ou un outil exigeant mais juste, au service de la qualité du soin et de la confiance des patients ? C’est là que se jouera l’essentiel.
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Décret n° 2025-1335 du 26 décembre 2025 relatif aux modalités de contrôle et au système d’information de la certification périodique de certains professionnels de santé
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000053174847
Ce décret définit les modalités de contrôle et de suivi de l’obligation de certification périodique des professionnels de santé par les ordres professionnels et le service de santé des armées. Il précise également les procédures applicables en cas de manquement à cette obligation. Il crée un traitement de données à caractère personnel dans le cadre du téléservice dénommé « Ma Certif’Pro Santé », ayant pour finalité de mettre à disposition des professionnels de santé des comptes individuels retraçant les actions qu’ils ont réalisées au titre de leur obligation de certification périodique. Enfin, il détermine les modalités de saisine de la HAS afin de garantir le respect des référentiels de certification à la méthodologie d’élaboration définie par arrêté ministériel.