HÔPITAL, PATIENTS, SANTE ET TERRITOIRES
14 avril 2009
Le projet de loi Bachelot H.P.S.T vu par Thierry PETYST de MORCOURT, représentant la Fédération Française de la Santé, de la Médecine et de l’Action Sociale CFE-CGC au Conseil Supérieur de la FPH.
P.H.S.T, quatre lettres à retenir, quatre lettres qui risquent demain de gouverner le monde hospitalier
Plusieurs thèmes sont abordés dans ce projet de loi qui est soumis au parlement
la modernisation des établissements de santé (titre I)
accès de tous à des soins de qualité (titre II)
prévention et santé publique (titre III)
organisation territoriale du système de santé (titre IV)
deux chapitres nous concernent particulièrement, « la modernisation des établissements de santé » d’une part et « l’organisation territoriale du système de santé » d’autre part.
le projet de loi comportait initialement 31 articles ; la Direction des Hôpitaux n’a soumis à l’avis du Conseil Supérieur de la Fonction Publique hospitalière que sept des 31 articles, ce qui a été fortement contesté.
Le projet de loi, pour la partie présentée, a reçu un avis unanimement négatif de la part des organisations syndicales, de l’AMF (association des maires de France), de l’ADF (association des départements de France)
Au moment du débat parlementaire le projet de loi a été profondément amendé et modifié (98 pages pour le projet présenté, 138 pages non compris le titre IV à l’issue de la séance parlementaire du 09 mars 2009).
Indépendamment des titres I et IV pour lesquels il est nécessaire d’être très critique, petit commentaire sur le titre III (prévention et santé publique) :
Il est envisagé un renforcement des contrôles et des interdictions concernant la vente d’alcool au mineurs, la vente d’alcool dans les station-services, la vente d’alcool à domicile, l’interdiction des cigarettes bonbons.
Sur ce point on ne peut que se féliciter de la mise en place de mesures de prévention pour la santé de nos jeunes.
II/ LES GRANDS AXES DU PROJET DE LOI
La gouvernance des établissements hospitaliers va être profondément modifiée. Nous venons de mettre en place une première réforme de la gouvernance hospitalière avec la mise en place notamment des pôles. Aujourd’hui nous allons à nouveau bouleverser cette gouvernance sans aucune analyse préalable des impacts de la réforme précédente.
Quelques grands axes apparaissent concernant le projet de loi :
Le Conseil d’Administration disparaît au profit d’un Conseil de Surveillance,
Le Conseil de Surveillance a son champ de compétences singulièrement réduit au profit du Directeur,
Le Directeur a des pouvoirs renforcés, mais sera aux ordres de l’ARS (Agence Régionale de Santé, qui remplace l’Agence Régionale de l’Hospitalisation), aux pouvoirs largement étendus.
Le Directeur aura en permanence au dessus de sa tête l’épée de Damoclès représentée par l’ARS.
Le chef de pôle organise... « l’affectation des ressources humaines en fonction de l’activité »
Il est possible de créer des CHT (retenez bien ces trois lettres !!!), Communautés hospitalières de territoire, y compris contre l’avis du Conseil de Surveillance, sur décision de l’ARS.
Le projet de loi dans ses modalités d’application aura des conséquences très importantes sur les personnels hospitaliers ; or nous notons qu’il y a eu à la base un manque de concertation et de dialogue social sur ce texte, sachant que la FFASS CFE-CGC n’a été entendue en réunion bilatérale que sur la partie prévention, partie qui concerne les citoyens d’une manière générale, alors que nous n’avons pas été entendu sur les parties qui nous concernent directement es qualité de salariés de la FPH (actuel titre I de la loi).
Des points très importants restent dans l’ombre, notamment :
on note l’absence de précision sur les CTE (quels points seront soumis à l’avis du CTE, compte tenu de la disparition des CA ?)
impact de la loi sur les Commissions de Réforme, ceci en lien avec les modifications de l’organisation de la Fonction Publique d’Etat
problèmes de mobilité des personnels hospitaliers dans le cadre des CHT créés.
III/ OBSERVATIONS ET COMMENTAIRES SUR LES ARTICLES
Chapitre 1
Article 1 : la possibilité de participation des établissements de santé privés aux missions de service public est affirmée (article L 6112-2)
Commentaires : plusieurs problèmes apparaissent et ne sont pas résolus au travers de la loi :
pour les patients : dépassements d’honoraires secteur 1, secteur 2 ; passage d’un secteur à un autre dans le même établissement - modalités d’application.
pour les patients : égal accès aux soins dispensés
le SROS déterminera les missions de service public dévolues aux établissements
la difficulté d’analyse sur ce point est lié à l’absence d’information concernant la partie réglementaire qui sera associée à cet article (les conséquences peuvent être bonnes ou mauvaises) ; il n’y a eu aucun engagement de l’Etat sur cet article lors des deux réunions du CSFPH (dont une préparatoire).
Apparaissent dans cet article les « établissements de santé privés d’intérêt collectif »
(CLCC et PSPH ), nouvelle dénomination.
Article 1er bis : les pharmacies d’officine pourront délivrer les médicaments pour les patients dans le cas des soins à domicile délivrés par les Ets de santé.
Article 2 : CME - Commission Médicale d’Etablissement - ses attributions seront définies par décret. Apparaît une nouvelle terminologie : « Conférence Médicale » ; là-aussi, ses attributions seront définies par décret.
Article 3 : concerne les CPOM établis par les Ets de santé publics et privés, qui seront soumis aux ARS.
Chapitre 2
Article 4 : statut des établissements publics de santé
Ils peuvent avoir des compétences qui s’étendent du secteur communal au ... secteur national !!! (voir la problématique CHT)
Apparaissent :
les Centres Hospitaliers
les Groupements de Coopération Sanitaire (GCS)
Cet article définit la nouvelle gouvernance des EPS :
organe délibérant : le Conseil de surveillance
organe de conseil de l’exécutif : le Directoire
le directeur de l’établissement : Président du directoire
les établissements peuvent par ailleurs créer des fondations hospitalières dotées de l’autonomie financière
commentaires : cet article modifie de manière importante la gouvernance des hôpitaux publics sur les points suivants :
nomination des directeurs : ceux-ci perdent pour partie la garantie de l’emploi liée normalement au statut de fonctionnaire (risque de mise en recherche d’affectation de postes)
concernant les fondations et la gestion financière de celles-ci, il conviendra d’être attentif à la partie réglementaire sur laquelle nous n’avons aucune information.
Article 5 : Conseil de surveillance
Le Conseil de Surveillance remplace l’ancien Conseil d’Administration. Il élit son Président.
Commentaires :
le président du Conseil de Surveillance est élu ; le nombre de représentants du personnel est réduit (deux maximum), le représentant de la Commission des Soins Infirmiers est présent, le champ d’intervention du Conseil de Surveillance est réduit.
On assiste à une réduction notoire du pluralisme syndical. On note un renforcement de l’approche strictement financière du Conseil de Surveillance.
Les modalités d’application sont renvoyées à un décret.
Article 6 : Directeur et directoire ..., contrôle des décisions
Commentaires :
la majorité des décisions qui relevaient du champ de compétence du Conseil d’Administration ont été transférées au Directeur, qui recueille uniquement l’avis du directoire.
Par ce fait, le CTE (Comité Technique d’Etablissement) dans lequel siègent les représentants du personnel ne sera plus consulté notamment sur l’organisation interne de l’établissement ; en effet le texte réglementaire relatif aux CTE renvoyait aux compétences du CA (Conseil d’Administration) (exemple : le bilan social). Nous allons assister à une rupture nette du dialogue social.
Notamment le Directeur (Président du Directoire) « définit les modalités d’une politique d’intéressement. » ce point sera très sensible dans les établissements ; on peut craindre une politique de revalorisation salariale par une politique d’intéressement à la place de la revalorisation du point indiciaire, d’où l’importance des décrets d’application.
Par ailleurs nous avons noté des anomalies dans la gestion des nominations des directeurs adjoints. On assiste à un renforcement des pouvoirs du Directeur, sans contrôle réel.
On notera notamment que les membres du directoire sont nommés par le président du directoire, qui est le Directeur.
Par ailleurs la pré-éminence de l’ARS apparaît dans cet article dans le cadre des plans de retour à l’équilibre.
Alors que nous sommes à l’aube de plans de restructurations hospitalières liés aux déficits hospitaliers, nous pouvons craindre des plans de réductions d’emplois drastiques dans le cadre des plans de retour à l’équilibre imposés par les ARS (Agence Régionale de Santé)
Article 7 : nomination et gestion des personnels de direction
Commentaires : Le présent projet de loi prévoit la gestion des Directeurs de Soins par le Centre National de Gestion.
La création de CAP nationale avait été évoquée pour des raisons de difficultés de fonctionnement des CAP, pour ce corps à faible effectif. Hors au détour de ce projet de loi, apparaît une gestion nationale du corps, qui n’a fait l’objet d’aucune discussion avec les organisations syndicales et dont les contours ont évolués au gré des débats parlementaires.
Il est prévu des modalités de recrutement de directeurs hospitaliers à partir du secteur privé, moyennant une formation réduite. Il n’y a aucun quota. On peut s’interroger sur le devenir à terme de l’Ecole des hautes études en santé publique.
Article 8 : Organisation interne des établissements publics de santé
Des modifications nous ont été indiquées lors de la réunion préparatoire du 22 septembre ; néanmoins ces modifications ne sont pas exhaustives, notamment nous notons une inexactitude sur l’article 8 qui, dans la version communiquée mentionne explicitement l’intéressement du personnel hospitalier, article pour lequel aucun amendement officiel de l’administration ne nous a été transmis.
L’article 8 confirme l’organisation des établissements hospitaliers en pôles d’activité ; Les chefs de pôles sont nommés par le Directeur.
le texte précise :
« le directeur signe avec le chef de pôle un contrat de pôle qui précise les objectifs et les moyens du pôle. ... »
« ... le chef de pôle organise ... l’affectation des ressources humaines en fonction des nécessités de l’activité ... »
commentaires : l’affectation des ressources humaines doit se faire dans le respect du droit, du statut des fonctionnaires ; lorsque le pôle regroupe des services situés sur un même lieu, il y a peu de difficultés à prévoir ; à l’inverse si le pôle gère des unités situées sur des lieux géographiques disparates, des difficultés de gestion vont apparaître (frais de déplacement, affectations sur un site, ...). La CFE-CGC devra être très vigilante sur ces points, y compris sur les conditions d’avancement des personnels.
Article 9 : certification des comptes par les Ets de santé
Article 9Bis : apparaît une Agence Nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux.
Article 10 : Pour les personnels médicaux, un nouveau statut de type contractuel (clinicien hospitalier) est prévu. ???
Article 11 : les CAPD seront gérées par un établissement du département ; elles dépendront de l’ARS (et non plus de la DDASS).
Chapitre 3
Article 12 : Communautés hospitalières de territoire (CHT)
Il est prévu la possibilité de regrouper plusieurs établissements au sein d’un CHT ; Les CHT sont créés par l’ARS . Les établissements médico-sociaux publics peuvent adhérer aux CHT.
Commentaires : il n’y a pas de limite territoriale à la création d’un CHT ; l’analyse du texte fait apparaître les points suivants :
lors de la création d’un CHT on peut transférer les activités médicales d’un établissement vers un autre (exemple : on supprime la maternité dans un des établissements du CHT nouvellement créé et on reporte l’activité vers un autre établissement du CHT, même chose par exemple pour une direction du personnel)
par conséquence induite, le personnel correspondant peut être transféré du premier établissement vers le second.
Aucune garantie, aucune précision n’est apportée concernant la mobilité éventuellement imposée des personnels.
L’application concrète est renvoyée à des décrets (création notamment d’instances communes représentatives des personnels)
Article 13 : simplification du droit des groupements de coopération sanitaires
Dans cet article nous retrouvons les orientations définies à travers les CHT on notera notamment :
« article L 6131-1 : le directeur général de l’ARS coordonne l’évolution du système hospitalier, ... »
commentaires : dans ce cadre on peut légitimement s’inquiéter de la mobilité inter établissement éventuellement imposée aux personnels, par la modification de l’article 48 de la loi 86-33 du 09 janvier 1986. Notamment il est précisé : « ... les fonctionnaires et agents concernés sont de plein droit mis à disposition du ou des établissements ... »
ce point est très important notamment dans le cadre de transfert d’activités au sein du CHT vers un établissement éloigné. Les agents seront obligés d’aller travailler à 50, voir 100 km de leur lieu de domicile.
Par ailleurs il est précisé article L 6132-2, 6131-3 (article 13 quater de la loi) (avec renvoi à 6131-1 à 6131-3) que l’ARS peut imposer la constitution des CHT ou des groupements de coopération sanitaire.
TITRE II
Accès de tous à des soins de qualité
Ce titre concerne pour partie la médecine de ville, les maisons de santé, les études médicales, la formation continue des professions médicales (pour les sages-femmes article 19 de la loi, article L 4153-2 du Code de la Santé). Ces points sont renvoyés pour l’application à des décrets.
TITRE III
Prévention et santé publique
Cette partie concerne notamment la prévention de l’alcoolisme, et diverses mesures de prévention.
TITRE IV
Organisation territoriale du système de santé
chapitre 1
création des agences régionales de santé
article 26
commentaires : les ARS remplacent les ARH ; elles sont compétentes pour les secteurs santé privé et public, et pour les secteurs médico-sociaux (sous réserve des compétences particulières des collectivités territoriales). Le directeur de l’ARS est en quelque sorte un « super préfet de la santé au niveau régional », avec des pouvoirs étendus.
CONCLUSION GENERALE : on note une orientation essentiellement financière du projet de loi, pour la partie relative aux hôpitaux, avec des ouvertures vers la privatisation du secteur public.
Aujourd’hui nous n’avons pas d’éléments concernant les futurs décrets d’application. Dans ce contexte on peut craindre les modalités d’application envers les personnels hospitaliers.
LES SIGLES
A.R.H. : Agence Régionale de l’Hospitalisation
A.R.S. : Agence Régionale de Santé
C.A.P.D. : Commission administrative paritaire départementale
C.A.P.N. :Commission administrative Paritaire Nationale
C.H.T. : Communauté Hospitalière de Territoire
C.M.E. : Commission Médicale d’Etablissement
CSFPH : Conseil Supérieur de la Fonction Publique Hospitalière
C.T.E. : Comité Technique d’Etablissement
EPS : Etablissement Public de Santé
G.C.S. : Groupement de Coopération Sanitaire
SROS : Schéma Régional d’Organisation Sanitaire