Pratiques infirmières avancées en santé mentale
9 janvier 2013
Le métier d’infirmier exerçant en santé mentale est en constante mutation avec, aujourd’hui, des missions qui ne ressemblent en rien à ce qu’elles étaient il y a encore quelques dizaines d’années. Les demandes de santé sont exponentielles avec des besoins liés notamment au vieillissement de la population, à la prise en charge des pathologies chroniques et à l’amélioration des techniques de soins.
L’usage des techniques de remédiation cognitive, la mise en place de démarches d’éducation thérapeutique, la réalisation d’entretiens motivationnels sont autant de techniques de soins qui appellent de nouvelles compétences. Ces évolutions professionnelles permettent de proposer des prises en charges individuelles à visée psychothérapeutique ou des suivis médico-infirmiers alternatifs à la frontière de l’exercice réglementaire établi.
Certains pays ont expérimenté ces pratiques avancées depuis les années 70 avec des évolutions plus ou moins rapides. Le nombre de professionnel en exercice reste faible et oscille entre 6 % de la population professionnelle pour les pays les plus expérimentés (comme les USA) et 1 % pour des pays engagés plus récemment (comme le Canada).
On distingue principalement :
les infirmières praticiennes, qui exercent principalement sur des soins de première ligne, parfois en lieu et place des médecins : elles peuvent, par exemple, proposer des consultations, reconduire une prescription (c’est le cas en Angleterre) ou assurer un suivi pour certaines pathologies chroniques.
les infirmières cliniciennes qui accompagnent les professionnels de santé en proposant des soins spécifiques, qui permettent d’offrir à l’usager des prestations plus abouties dans le domaine de l’éducation à la santé et dans celui de la consolidation des soins donnés.
Pourquoi s’engager dans ces évolutions ?
Le développement de ces nouveaux rôles infirmiers doit permettre d’apporter certaines réponses qualitatives et quantitatives aux patients et aux professionnels de santé, à savoir :
La proposition de consultations infirmières de première ligne à des fins d’évaluation, d’orientation ou de prise en charge pour les pathologies débutantes ou de faibles gravité ;
La proposition de prises en charge et de suivis de pathologies chroniques en développant les missions éducatives spécifiques auprès des patients et familles ;
Le renforcement de l’attractivité et de la fidélisation de ces professions soignantes avec, à terme, une évolution salariale ;
L’optimisation des dépenses de santé en délégant certaines missions médicales à des infirmières en améliorant la qualité par une meilleure spécificité et disponibilité.
Une première expérience en santé mentale
Depuis plus d’un an, le service hospitalo-universitaire de santé mentale et de thérapeutique de l’hôpital Sainte-Anne (Paris), a entamé une expérience de consultation infirmière spécialisée en thérapies comportementales et cognitives (TCC) au sein du Centre d’évaluation du jeune adulte et de l’adolescent (CJAAD).
Ces consultations de première ligne jusqu’alors uniquement proposées par les médecins sont destinées aux patients prodromiques ou présentant un premier épisode psychotique. Dans les deux cas, un suivi médico-infirmier s’installe sur deux ans. L’infirmière TCC intervient lors de sa consultation sur la dimension anxieuse et les symptômes qui handicapent le quotidien du patient et auprès des familles souvent dépassées.
Sur le plan de la thérapie, réalisée généralement sur quatre mois, elle effectue, lors des premiers entretiens, une analyse fonctionnelle et teste la motivation personnelle du patient. Les axes de la thérapie sont ensuite définis avec le patient et selon ses capacités en matière de travail sur l’aspect cognitif, c’est-à -dire sur les pensées automatiques du patient, ses croyances et sur l’aspect comportemental avec possibilités d’expositions progressives aux stimuli anxiogènes en milieu ordinaire. Après chaque séance, des exercices quotidiens sont prescrits.
Les premiers résultats de cette collaboration sont très encourageants. Les patients se sentent rassurés par la disponibilité de l’infirmière qui centralise toutes leurs demandes avec une dimension éducative du soin qui leurs permet d’accéder à des outils thérapeutiques simples utilisables par eux-mêmes au quotidien.
Pratiques infirmières avancées en santé mentale : pas si simple ?
Comme d’autres spécialités infirmières, la répétition de gestes, de protocoles, de pratiques cliniques acquises ne suffisent pas. Les concepts sont abstraits et la structure psychique de chaque individu est bien plus hétérogène que sa structure physique. C’est une richesse pour l’homme mais cela représente une difficulté dans la mise en œuvre de pratiques infirmières avancées cadrées. Ce challenge stimule notre dynamique d’évolution et cette expérience en psychiatrie en démontre la faisabilité.
Auteurs :
Jean-Yves Masquelier - Cadre supérieur du pôle 15e SHU Addictologie (Centre hospitalier Sainte-Anne)
Marie-Astrid Meyer - Infirmière Consultation TCC du SHU de santé mentale et de thérapeutique (Centre hospitalier Sainte-Anne)