Urgences : état des lieux catastrophique

7 juillet 2019
Noam CHOMSKY : « COMMENT DÉTRUIRE UN SERVICE PUBLIC ? En baissant son financement. Il ne fonctionnera plus. Les gens s’énerveront, ils voudront autre chose. C’est la technique de base pour privatiser un service public. »
Chaque année, 180.000 personnes passent la nuit sur un brancard au lieu d’être dirigées vers un lit dans un service spécialisé, ce qui entraîne une surmortalité.
Les grèves s’étendent dans les services d’urgences : du CHU St Antoine le 18 mars, le mouvement s’est étendu aux autres hôpitaux de Paris, puis à 180 établissements du pays. Dans ces services en sous-effectif on a du matériel cassé, des patients agressifs ou en détresse sociale. On manque de lits pour hospitaliser les malades, qui stagnent aux urgences.
L’honneur de la profession infirmière est de défendre la qualité des soins face à une dérive comptable. Combien faudra-t-il de morts de patients et de suicides de soignants pour être entendus ?
Concernant les 70 millions fléchés par la ministre sur les urgences, ce n’est pas de l’argent nouveau, mais une somme qui sera retirée des autres secteurs de l’hôpital. Enfin, globalement, il y aura encore 663 millions en moins pour les hôpitaux en 2019 (circulaire tarifaire). Certes, c’est "moins pire" que 2018, avec 960 millions d’euros d’économies imposées à l’hôpital (fermeture de lits, suppression de postes), mais il y aura encore moins de lits d’aval, alors qu’il est largement prouvé que les "lits brancards" sont associés à une augmentation de la morbidité et de la mortalité.
https://www.liberation.fr/amphtml/debats/2019/06/30/aux-urgences-les-couloirs-de-la-honte_1737152?__twitter_impression=true
Fakenews sur la prime de 100 euros net
Correctif, contrairement à ce qu’indique la propagande gouvernementale, l’indemnité forfaitaire de risque passe de 98 euros jusque là, au montant astronomique de 118 euros bruts (100 euros net) dès le 1er juillet 2019. Soit juste + 20 euros brut et non la #fakenews + 100 euros par mois !
Décret n° 2019-680 du 28 juin 2019 modifiant le décret n° 92-6 du 2 janvier 1992 portant attribution d’une indemnité forfaitaire de risque à certains agents de la fonction publique hospitalière (NOR : SSAH1918360D) étend le bénéfice de l’indemnité forfaitaire de risque aux personnels affectés en permanence dans une structure mobile d’urgence et de réanimation ou dans une structure des urgences générale ou pédiatrique. https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=4AE7DE5289DDE3A6516B9C1606BDEE4F.tplgfr21s_2?cidTexte=JORFTEXT000038704574&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000038704127
Arrêté du 28 juin 2019 modifiant l’arrêté du 21 décembre 2000 fixant le montant mensuel de l’indemnité forfaitaire de risque allouée à certains fonctionnaires hospitaliers (NOR : SSAH1918364A) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=4AE7DE5289DDE3A6516B9C1606BDEE4F.tplgfr21s_2?cidTexte=JORFTEXT000038704593&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000038704127
Cette prime ne concerne que les hôpitaux publics, rien n’est prévu à cette heure pour les soignants des cliniques, ce que dénonce le syndicat infirmier SNPI CFE-CGC.
Enfin, le ministère accorde seulement 15 millions d’euros pour les recrutements, c’est à peu près 350 emplois, un demi-poste par service d’urgence ! Mais comme il faut trois équipes (matin, après-midi, nuit), 7 jour sur 7, ce renfort est encore plus ridicule, alors que les besoins sont chiffrés à 10.000 postes (aides-soignants, infirmiers, brancardiers ou personnels d’accueil) selon l’organisation des médecins urgentistes.
A titre de comparaison, 3500 postes ont été supprimés en 4 ans à l’APHP entre décembre 2014 et décembre 2018 (inscrits sur listes électorales professionnelles) et les regroupements en supra GH prévoient de continuer à ce rythme.
Que les infirmiers des urgences en viennent à se faire des injections d’insuline en dit long sur l’écoute réelle du ministère de la santé après des mois de mobilisation :
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/07/02/au-rassemblement-des-personnels-des-urgences-des-injections-d-insuline-pour-interpeller-le-ministere-de-la-sante_5484499_3224.html
Interview de Carmen Blasco, Secrétaire Générale du SNPI CFE-CGC : https://www.francetvinfo.fr/economie/greve/greve-aux-urgences/greve-aux-urgences-portrait-d-une-infirmiere-a-bout_3516477.html
Les infirmiers de France sont les plus mals payés (24eme sur 27 pays de l’OCDE) et c’est encore pire dans certaines régions (en Normandie les infirmières sont les moins bien payées) : https://actu.fr/societe/les-infirmiers-normandie-sont-moins-bien-payes-france-cest-scandaleux_25510433.html
Une infirmière débute à 1450 euros net pour 3 ans d’études en IFSI ( grade licence). La prime de nuit est de 1,07 euros brut de l’heure, avec au maximum 9h payées (21h 6h) même si vous faites une nuit de 10 ou 12h.
Par ailleurs, aucun texte n’est paru sur l’autre prime annoncée par Agnès Buzyn (100 euros brut mensuels) destinée aux infirmiers et aides-soignants qui se verront confier de nouvelles compétences dans le cadre de protocoles de délégations de tâches.
L’été s’annonce explosif aux urgences des hôpitaux : Il y a 4 ans, on avait 15 agressions par jour de personnel infirmier, aujourd’hui c’est le double, soit 10835 agressions en 2018, entraînant plus de 2000 arrêts de travail.
https://www.syndicat-infirmier.com/Hopitaux-30-infirmiers-agresses-chaque-jour.html
Face au manque de moyens aux urgences et au burnout des infirmières et aides-soignants, même le Président de la FHF (employeurs publics) a indiqué : "Cet été, il faudra peut-être faire appel au service de santé des armées"
https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/urgences-cet-ete-il-faudra-peut-etre-faire-appel-au-service-de-sante-des-armees_2082744.html
Les statistiques du ministère
Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES, ministère de la Santé) dans son panorama des établissements de santé (publié le 03.07.19), au 31 décembre 2017, le secteur hospitalier français était constitué de 3046 structures d’hospitalisation.
Les établissements de santé comptent un peu moins de 400 000 lits, soit 100.000 lits de moins en 20 ans ! En particulier, malgré le vieillissement de la population, les lits des unités de soins de longue durée (USLD) sont passés de 80 000 à 32 000 lits en 14 ans. Ce manque de lits d’aval pour hospitaliser les patients des urgences majore les problèmes et les attentes sur des brancards.
En 2017, la France comptait 637 établissements de santé avec une autorisation d’accueil des urgences (à 77% dans le secteur public), dont 76 établissements qui comportent une structure d’urgences générales et une structure d’urgences pédiatrique. Dans les structures des urgences générales, les patients de moins de 18 ans représentent 21 % des passages.
Les urgences ont pris en charge 21,4 millions de passages en 2017, contre seulement 10,1 millions en 1996. Soit le double, alors que les effectifs n’ont pas suivi.
Les structures des urgences accueillent chacune, en moyenne, 30.000 patients par an :
20 % des unités d’urgences traitent moins de 15 000 passages par an et 61 %, moins de 30 000.
23 % des structures enregistrent 40 000 passages ou plus par an et traitent 45 % de l’ensemble des passage
Côté régulation, la DREES recense 101 SAMU et 390 SMUR.
Source https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/es2019.pdf
En cas de besoin, saisissez Observatoire de la Souffrance Au Travail (OSAT infirmier), sur : https://souffrance-infirmiere.fr
Depuis 2007, la souffrance au travail des 600.000 infirmières ne fait qu’empirer :
30 infirmiers agressés chaque jour.
20% des infirmières partent en retraite avec un taux d’invalidité, et une espérance de vie inférieure de 7 ans (78 ans au lieu de 85 ans pour une femme).
30% des jeunes diplômés abandonnent la profession dans les 5 ans qui suivent le diplôme.
Perte de sens, charge de travail impossible, stress, burnout, dépressions, suicides