Commission d’enquête H1N1 : le SNPI entendu par l’Assemblée Nationale
10 mai 2010
Le SNPI a été entendu par la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale, dont le but est de tirer les leçons de cette gestion, pour être opérationnel lors d’une prochaine crise sanitaire.
Mardi 27 avril 2010, la "Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1)" a entendu Thierry Amouroux, le secrétaire général du Syndicat des personnels infirmiers SNPI CFE-CGC.
M. Jean-Christophe Lagarde, Président de la Commission, a rappelé que le Gouvernement avait pris la décision de proposer à tous les Français un vaccin contre la grippe A(H1N1), son souhait étant de vacciner, sur la base du volontariat, la part de la population la plus importante possible. Or, le
taux de vaccination n’a été finalement que d’environ 10 %.
M. Thierry Amouroux, secrétaire général du syndicat des personnels infirmiers :
Nous avons, nous aussi, assisté à des réunions animées par le Cabinet de la Ministre, qui n’ont débouché sur rien. On nous a réunis
pour pouvoir dire qu’on nous avait réunis, mais on n’a absolument pas tenu compte de notre avis.
Nous avons immédiatement alerté les autorités sur le fait que la circulaire Hortefeux du 21 août allait à l’encontre de nos pratiques professionnelles. Celle-ci organisait en effet un fractionnement des tâches. Or, qu’une équipe soignante prépare les injections, puis qu’une deuxième injecte et enfin qu’une troisième équipe, administrative, assure la traçabilité à
l’hôpital, constitue une faute professionnelle : la même personne doit préparer, injecter et noter ce qu’elle a fait.
Cette circulaire nous imposant des conditions d’exercice incompatibles avec notre déontologie, des infirmières salariées ont freiné des quatre fers, alors qu’elles étaient prêtes à aller vacciner pour répondre aux besoins de santé de la population.
Nous avons soulevé le problème au cours de plusieurs réunions. Chaque fois qu’il nous était signalé par une infirmière ou une étudiante en soins infirmiers, nous alertions la direction des affaires sanitaires et sociales pour qu’elle rappelle les bonnes pratiques professionnelles.
Au mois d’octobre, le Haut conseil de la santé publique avait lui-même
précisé que l’on ne pouvait pas fractionner les tâches. Mais, comme vous avez pu le constater vous-même, ces dysfonctionnements ont perduré dans les centres de vaccination.
La circulaire Hortefeux prévoyait par ailleurs que les personnes entreraient en file indienne dans les gymnases pour remplir un questionnaire proposé par un agent administratif et qu’en fonction des croix cochées, elles pourraient passer directement dans la file de vaccination, au rythme d’une personne toutes les deux minutes, sans avoir vu un médecin.
Nous avons indiqué qu’en tant qu’infirmiers, nous ne vaccinerions pas quelqu’un qui n’aurait pas rencontré préalablement un médecin.
M. le président Jean-Christophe Lagarde. Vous êtes donc responsables de la réquisition des médecins ?
M. Thierry Amouroux. Nous nous sommes positionnés très clairement, par écrit, dès le mois de septembre.
M. le président Jean-Christophe Lagarde. Cela veut dire que, fin août, la présence des médecins n’était pas prévue ?
M. Thierry Amouroux. Cette présence était prévue. Mais seulement pour les
personnes qui avaient coché certaines contre-indications.
Dans un pays évolué, au XXIe siècle, on ne peut pas piquer, comme en médecine vétérinaire, un « troupeau humain » au rythme d’une personne toutes les deux minutes. C’est incompatible avec les attentes de la population et explique qu’il était difficile de trouver des infirmiers qui acceptent de travailler dans de telles conditions.
Les réquisitions ont été faites n’importe comment et ont donné lieu à de nombreux dysfonctionnements, que nous avons signalés à l’époque. Par exemple, en raison des réquisitions des étudiants en soins infirmiers, des centres de formation ont été fermés pendant plusieurs semaines, ce qui a eu forcément une incidence sur la formation de ces professionnels.
Si l’on fixe un temps de formation précis, c’est qu’on estime que ce laps de temps est nécessaire pour former un professionnel. Remplacer des semaines de formation par une présence dans un gymnase, où l’on se livre à des pratiques contraires aux pratiques professionnelles, aura forcément un impact.
M. Thierry Amouroux. Nous ne sommes pas inquiets quant à la gestion d’une crise sanitaire réelle. La canicule de 2003 a montré que les professionnels savent s’auto-organiser pour faire face à un pic d’activité. Cet été-là, ils ont travaillé bien au-delà de leurs horaires normaux, sans avoir besoin d’être réquisitionnés ni que la technostructure s’en mêle.
Dans le cas de cette pandémie H1N1, il y a eu deux phases. De fin avril à l’été, nul ne pouvait exclure que les conséquences de cette grippe soient très graves, et il était logique de commander autant de vaccins. Puis dès le début septembre, avec le recul par rapport à ce qui s’était passé dans l’hémisphère Sud, on savait qu’il fallait vacciner les personnes à risque, les
femmes enceintes, les malades chroniques, les enfants qui, d’une manière générale, en raison de la proximité de leur vie sociale, sont plus exposés à la transmission des virus, mais il n’était plus évident qu’il faille vacciner l’ensemble de la population.
C’est alors qu’est apparu un problème de sens. En France, les experts se fondaient sur une hypothèse maximaliste. Mais dans chaque pays, les ordres de priorité étaient différents et il n’y avait nulle part de certitude
scientifique avérée. Lorsque seule une minorité de médecins et d’infirmiers se fait vacciner, cela ne peut guère avoir d’effet d’entraînement sur le reste de la population...
M. Thierry Amouroux. La grippe A(H1N1) est plus contagieuse que la grippe
saisonnière, mais nettement moins grave. D’après les chiffres communiqués le 20 avril 2010 par l’Institut national de veille sanitaire, il y a eu 312 décès et 1 334 cas graves constatés depuis le début de l’épidémie, alors que la grippe saisonnière fait chaque année entre 2 000 et
4 000 morts.
M. Thierry Amouroux. J’ai d’ailleurs trouvé choquante la communication à ce sujet. L’administration disait que cette grippe était plus grave parce la moyenne d’âge des victimes n’était que de 39 ans, alors que d’ordinaire les victimes de la grippe saisonnière sont âgées de plus de 65 ans. Toute vie n’a-t-elle pas le même prix ?
M. Thierry Amouroux. À l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, le taux de
vaccination a été de 18 % chez les infirmières et de 32 % chez les médecins.
Etaient également entendu par la Commission :
M. Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français,
M. Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France,
M. Claude Leicher, président de MG France,
M. Grégory Murcier, président de l’Intersyndicat national des internes
des hôpitaux, qui représente les internes de spécialité hors médecine générale,
M. Patrick Romestaing, ORL libéral, président de la section Santé publique du Conseil national de l’Ordre des médecins
M. Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des
infirmiers libéraux.
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Voir aussi :
H1N1 : audition du SNPI par l’Office Parlementaire d’Evaluation des choix scientifiques le 01.12.09 (C’est la première fois que quelqu’un qui n’est pas un "expert estamplillé" peut s’exprimer devant cette instance, signe de l’importance de la parole infirmière sur ce sujet.) : http://www.syndicat-infirmier.com/H1N1-audition-du-SNPI-par-l-Office.html
Vaccination H1N1 : méfiance des infirmières (Notre devoir d’infirmières est d’informer correctement la population, pour que chacun prenne sa décision en toute connaissance de cause, par un consentement libre et éclairé, et non par une campagne de publicité et des discours alarmistes.)
article du 01.09.09 : http://www.syndicat-infirmier.com/Vaccination-H1N1-mefiance-des.html
dossier Grippe H1N1 et vaccination : http://www.syndicat-infirmier.com/-Grippe-H1N1-et-vaccination-.html