Menaces sur la profession infirmière
24 juin 2008
Le site Infirmiers.com fait écho à la mobilisation infirmière pour sauver le décret d’actes infirmiers :
Le 20 Juin 2008 - (Infirmiers.com) : La profession infirmière est-elle menacée par la récente recommandation de la HAS sur les délégations, transferts, de compétences, tâches, etc ? Oui, répondent deux syndicats infirmiers (FNI et SNPI) rejoints par quelques ordres infirmiers départementaux : formulée sans véritable concertation avec les principales intéressées, la préconisation d’une logique de « missions » mixée à un décret d’actes modifié ouvre la porte aux déqualifications professionnelles et à « toutes les dérives ». Non, répondent d’autres : elle prend acte de la nécessité de faire évoluer la réglementation professionnelle et la concertation reste d’actualité.
Sur le fond : missions et décret d’actes
La discussion est donc focalisée sur deux points, un de fond et un de forme. Sur le fond, elle démarre sur le décret d’actes, prévu par l’article du code de santé publique relatif à l’exercice illégal de la médecine (L-4111-1) qui énumère les actes de soins.
Cependant, pour les deux syndicats qui appellent à contester les conclusions de la HAS (le FNI - Fédération nationale des infirmiers, du côté des infirmières libérales, et le SNPI - Syndicat national des professionnels infirmiers, du côté des infirmières salariées), c’est le décret de compétences qui définit en pratique l’exercice infirmier ou, qui, au moins, en est le « garde-fou ».
Dans l’état actuel des choses, y toucher revient à prendre le risque d’autoriser des personnes insuffisamment qualifiées à exercer des actes médicaux ou infirmiers, avec un impact sur la sécurité des soins. Sont notamment visés des métiers « nouveaux » préconisés par la HAS (par exemple en gériatrie) ou l’acquisition d’un diplôme infirmier par le processus de VAE (validation des acquis de l’expérience), qui court-circuite le parcours habituel de formation par les IFSI (instituts de formation aux soins infirmiers).
Le gouvernement serait d’autant plus enclin à suivre la recommandation de la HAS que son application permettrait de substantielles économies sur les rémunérations infirmières. Enfin, pour l’instant, tout ce qui n’est pas « acté » n’est ni reconnu, ni financé : une logique de missions risquerait d’empêcher la reconnaissance financière demandée pour certaines pratiques infirmières spécialisées de fait.
Présidente du SNIIL (Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux), Annick Touba pense que la recommandation de la HAS a le mérite de poser quelques jalons d’une évolution de la profession infirmière vers une plus grande reconnaissance, notamment grâce à cette logique de missions. Comme le notent certains participants aux blogs et forums infirmiers internet, elle remarque qu’un certain nombre d’actes sont déjà pratiqués de fait par certaines infirmières (à domicile et à l’hôpital, où cela dépend du service où elles exercent) et qu’il est donc important que cela soit reconnu. Pour elle, le processus de nomenclature d’actes est long et restreint le nécessaire élargissement de l’autonomie professionnelle.
Associer décret d’actes et logique de missions : comment ?
Il faut bien noter que sur le fond, tout le monde pense qu’il faut associer décrets d’actes et logique de missions. Les divergences portent sur la mise en œuvre de cette complémentarité.
Pour le FNI, il y a un préalable nécessaire : que les infirmiers soient reconnus, comme les sages-femmes, « profession médicale à compétence définie » et qu’à terme, toutes les professions de santé, y compris les médecins, soient sur ce même modèle. Philippe Tisserand (son président) pense qu’en attendant, « il suffit simplement d’inscrire ces missions au rôle propre des infirmières dans le code de la santé publique, comme cela a été fait pour la prescription infirmière, et comme cela va être fait pour la vaccination, de façon très concrète . »
Thierry Amouroux (SNPI) considère que « le décret d’acte a été régulièrement réactualisé pour tenir compte de l’évolution des techniques, il n’est donc en aucun cas un frein à la reconnaissance des pratiques avancées : c’est un socle de base qui garanti des soins de qualité réalisés par des professionnels correctement formés. » Mais pour le SNIIL (et d’autres), c’est fixer les missions infirmières qui va contribuer à redéfinir juridiquement la profession, bien que cela ne soit pas suffisant.
Sur la forme : un problème de concertation et/ou de reconnaissance
Sur la forme, les deux syndicats (FNI et SNPI) déplorent le manque de concertation de la HAS avec l’ensemble des représentants de la profession infirmière et vont jusqu’à l’accuser de « désinvolture » inhabituelle sur la méthodologie suivie : les experts seraient essentiellement ceux de la DHOS (direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins) et de nombreuses affirmations manqueraient de solidité scientifique.
Ayant tous deux pris parti en faveur de l’instauration d’un Ordre infirmier, ils craignent que le gouvernement n’attende pas le fonctionnement effectif du conseil national de celui-ci (prévu pour novembre 2009) pour mettre en œuvre des mesures concernant leur profession, dans le cadre du projet de loi sur l’organisation du système de soins prévu pour cet automne.
Pour eux, l’empressement est suspect : et s’il s’agissait précisément de se passer de l’avis des infirmières ? Ils ne manquent d’ailleurs pas de dénoncer le manque de considération pour celles-ci dont auraient fait preuve les EGOS (états généraux sur l’organisation des soins). Mais Annick Touba précise que « le SNIIL a participé activement aux EGOS. »
C’est une constante des 128 associations ou organisations syndicales infirmières de constater le peu de cas fait à leur profession par les politiques ou les medias, sauf lorsque les infirmières descendent dans la rue. Sur ce point, elles sont toutes d’accord et il est très difficile de leur donner tort.
La discussion sur le décret de compétences rejoint ainsi facilement la revendication d’une filière LMD (licence-master-doctorat) à l’image de ce qui se fait dans de nombreux autres pays, pièce essentielle de la revalorisation de la profession. Mais, pour le SNIIL par exemple, s’il convient d’être vigilant sur les évolutions annoncées, il est important de rester dans un processus de discussion avec les autorités de santé. Le ministère a d’ailleurs assuré que la concertation reste ouverte. « Sauf qu’aucune organisation n’a été entendue sur l’avenir du décret d’actes et que le ministère ne considère pas utile d’intégrer dans son calendrier de concertation les représentations infirmières, comme les médecins, les Fédérations hospitalières et syndicales », répondent la FNI et le SNPI.
Une question de confiance
En définitive, fond et forme se rejoignent sur une question de confiance : actuellement peut-on l’accorder ou non ? Les autorités de santé ne sont elles à la manœuvre qu’avec des considérations « managériales » ou économiques ?
Où sont-elles prêtes à accompagner la profession dans l’évolution que celle-ci souhaite en concertation avec les autres professions de santé ? Mais cette dernière question en suppose une autre, qui la complique singulièrement : la profession peut-elle être unie autour d’objectifs communs ? C’est le but de l’Ordre infirmier. Les débats actuels laissent entrevoir qu’il n’est pas certain que la réponse soit évidente ; par exemple, tout le monde s’accorde-t-il pour qualifier la profession infirmière de « médicale » ? Pas sûr ...
Serge Cannasse
Infirmiers.com / Carnets de santé
serge.cannasse chez infirmiers.com
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