Nouvelle menace sur le décret d’actes infirmier

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7 mars 2016

Communiqué de la FNI, Fédération Nationale des Infirmiers Libéraux, le 07.03.16 "Faisons preuve d’un peu d’intelligence posons-nous les bonnes questions !"

La Haute auto­rité de santé (HAS), confron­tée à l’échec des pro­to­co­les de coo­pé­ra­tion, pro­pose de faire évoluer le décret d’actes infir­miers vers un décret de com­pé­ten­ces dont cer­tai­nes seraient pla­cées sous la res­pon­sa­bi­lité médi­cale. Comme rien n’empê­che aujourd’hui ces coo­pé­ra­tions dans le cadre légal qui est celui du décret de com­pé­ten­ces des infir­miè­res, il y a tout lieu d’y voir une volonté évidente de faci­li­ter la déqua­li­fi­ca­tion et le trans­fert d’actes vers les aides-soi­gnan­tes comme nombre de deman­des de pro­to­co­les art 51 l’ont sug­géré sans pou­voir encore y par­ve­nir.

Que les pro­to­co­les de coo­pé­ra­tion n’aient pas sus­cité l’enthou­siasme, ce n’est pas une sur­prise ! La FNI avait dès l’ori­gine dénoncé cet arti­cle 51 de la loi Bachelot, rédui­sant les infir­miers à une posi­tion de tâche­rons. Mais dans son rap­port d’acti­vité 2014 sur les pro­to­co­les de coo­pé­ra­tion arti­cle 51 rendu public il y a quel­ques jours sur le site de la HAS, celle-ci doit bien faire le cons­tat d’un bilan « mitigé » ne pou­vant que cons­ta­ter « qu’ils ont du mal à s’implan­ter dans le pay­sage sani­taire. »

Pour être clair, « Seul le pro­to­cole ASALEE a eu un avis de finan­ce­ment du col­lège des finan­ceurs », établit la HAS. Un comble sur le plan finan­cier quand on sait que jus­te­ment sa per­ti­nence médico-économique n’est pas démon­trée. En effet, selon Dominique POLTON, conseillère du DG de l’UNAM, « étendu à tous les dia­bé­ti­ques éligibles, ASALEE à lui seul engen­dre­rait un sur­cout estimé par l’assu­rance mala­die à 800 mil­lions d’euros à l’heure où le pre­mier minis­tre nous demande 11 mil­liards d’économie sur la santé ».

Ces pro­to­co­les échouent dans leur mis­sion même puis­que, de l’aveu de la HAS, « Des contacts directs avec le ter­rain nous indi­quent d’une part que des pro­to­co­les de déro­ga­tion sont pré­sen­tés pour léga­li­ser des actes déro­ga­toi­res déjà pra­ti­qués et d’autre part, que des équipes pra­ti­quent les actes déro­ga­toi­res auto­ri­sés offi­ciel­le­ment mais sans pour autant décla­rer des adhé­sions aux ARS vu la lour­deur de la pro­cé­dure. »

Comment favo­ri­ser les coo­pé­ra­tions inter­pro­fes­sion­nel­les dans ces condi­tions ?

La HAS consi­dère que « le projet de loi de santé apporte une réponse par­tielle, en inté­grant, à l’arti­cle 30, la notion d’exer­cice en pra­ti­que avan­cée (en can­cé­ro­lo­gie tel qu’annoncé dans le plan cancer III). Par contre, il ne permet pas, confor­mé­ment à la feuille de route de la stra­té­gie natio­nale de santé, de faire évoluer le cadre juri­di­que des pro­to­co­les, défini par l’arti­cle 51 de la loi HPST, en réo­rien­tant le dis­po­si­tif au profit de pro­to­co­les natio­naux fondés sur des cahiers des char­ges. »

Finalement la pro­po­si­tion qui retient l’atten­tion de la HAS en conclu­sion de son rap­port ne finit pas d’étonner la FNI, tel­le­ment elle s’appa­rente à un nou­veau miroir aux alouet­tes que seraient les IDEL. « Concernant l’acqui­si­tion de nou­vel­les tech­ni­ques, non pré­vues au décret d’actes, par les infir­miè­res, c’est l’évolution vers un décret de com­pé­ten­ces, per­met­tant d’auto­ri­ser cer­tai­nes de ces pra­ti­ques, sous cer­tai­nes condi­tions, et sous la res­pon­sa­bi­lité médi­cale, sans passer par un dis­po­si­tif arti­cle 51, qui per­met­trait d’y répon­dre. »

Autrement dit, une nou­velle ten­ta­tive dégui­sée, puis­que l’art 51 n’a pas fonc­tionné, de contour­ner le code de la santé publi­que qui confère à notre pro­fes­sion un mono­pole sur les actes infir­miers.
Du reste, cela sou­lève de vraies ques­tions. On se demande bien quel­les sont pré­ci­sé­ment ces nou­vel­les tech­ni­ques qui ne cons­ti­tue­raient pas des pra­ti­ques déjà ins­cri­tes au décret d’actes.
Qu’est-ce qui jus­ti­fie­rait cette énième ten­ta­tive d’aban­don­ner le décret en conseil d’état qui pro­tège les actes infir­miers ? A qui pro­fi­te­rait le crime ? Aux aides-soi­gnan­tes ? Aux méde­cins ? La FNI rap­pelle qu’elle s’est oppo­sée en 2015 à un projet sous cape piloté par la HAS en Franche-Comté et qui consis­tait à trans­fé­rer des actes infir­miers la nuit aux aides-soi­gnan­tes des SSIAD.

Pourquoi ne pas ins­crire tout sim­ple­ment ces « nou­vel­les tech­ni­ques » au décret d’actes ? Comme pour tous les actes médi­caux délé­gués qu’il englobe, il est tout à fait pos­si­ble d’y assor­tir des condi­tions.
Pour preuve qu’il n’est nul besoin de casser l’exis­tant, tout le tra­vail accom­pli par les infir­miers sapeurs- pom­piers qui réa­li­sent des actes sur pro­to­cole dans le cadre actuel du décret de com­pé­ten­ces et sans aucune dif­fi­culté. Certains d’entre eux uti­li­sent entre 10 et 20 pro­to­co­les élaborés avec les méde­cins chefs du Samu leur per­met­tant de pro­cé­der notam­ment à des adap­ta­tions de doses de trai­te­ment mais aussi de déli­vrer un antal­gi­que de palier 1, 2 ou 3 ou encore de réa­li­ser des ECG. La seule chose qu’il convient de modi­fier pour cela en ambu­la­toire est la nomen­cla­ture géné­rale des actes.

Quelle cohé­rence y a-t-il à passer d’un décret d’actes comme le qua­li­fie la HAS à un décret de com­pé­ten­ces, pour au final ins­crire à ce der­nier des pra­ti­ques qui seraient pla­cées sous la res­pon­sa­bi­lité médi­cale ? Il ne peut y avoir d’inté­rêt que dans un exer­cice sala­rié où l’infir­mière est l’assis­tante du méde­cin. Les besoins de demain ne sont-ils pas à domi­cile, pré­ci­sé­ment là où il est impor­tant que les infir­miers libé­raux exer­cent dans le cadre de leur rôle délé­gué en pleine res­pon­sa­bi­lité de leurs actes ?

La FNI est convain­cue de sou­le­ver là un vrai lièvre. Elle voit dans cette pro­po­si­tion d’évolution une nou­velle ten­ta­tive de dés­ta­bi­li­sa­tion d’un exer­cice libé­ral infir­mier dont la pro­duc­ti­vité n’est plus à démon­trer. Cette fausse bonne idée de la HAS pour sauver ses meu­bles, pour­rait conduire à une régres­sion de la pro­fes­sion d’infir­mier qui se ver­rait de fait repla­cée sous la res­pon­sa­bi­lité médi­cale.

La FNI rap­pelle qu’elle a réussi à faire recu­ler Roseline Bachelot dans sa volonté de déqua­li­fier le décret infir­mier lors de la pré­pa­ra­tion de la loi HPST. Elle pro­pose quel­que chose que para­doxa­le­ment, per­sonne ne semble vou­loir enten­dre, c’est-à-dire exploi­ter tout l’éventail des com­pé­ten­ces des infir­miè­res à légis­la­tion cons­tante, notam­ment l’étendue du rôle propre et leur pos­si­bi­lité d’adap­ter des doses médi­ca­men­teu­ses sur pro­to­cole médi­cal. Osons mobi­li­ser un peu plus d’intel­li­gence.

Et si les besoins pour les infir­miers en matière d’acqui­si­tion de nou­vel­les pra­ti­ques sont tels qu’il faille remet­tre en ques­tion les fon­de­ments de notre métier et sa défi­ni­tion même, la FNI renou­velle sa pro­po­si­tion de défi­nir notre pro­fes­sion dans le code de la santé publi­que, non plus comme une pro­fes­sion d’auxi­liaire médi­cale, mais comme une pro­fes­sion médi­cale à com­pé­ten­ces décri­tes, à l’instar des sages-femmes.

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